Échelle de Jacob

De Christ-Roi
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Genèse XXVIII, 12-13. Jean I, 51.



Dom Jean De Monléon

La vision de l'échelle met en valeur d'abord la simplicité et l'esprit de renoncement de Jacob. Bien avant l'Évangile, il avait compris que, pour mériter la bénédiction de Dieu et pour travailler à l'extension de son royaume, il était indispensable de pratiquer la pauvreté et l'humilité.


La vie des justes, dit saint Jean Chrysostome, est tout un enseigne­ment de sagesse... Voyez ce jeune homme qui n'est jamais sorti encore de la maison paternelle, qui n'a pas la moindre idée d'un voyage, qui ne s'est jamais trouvé en pays étranger, n'a jamais été aux prises avec l'épreuve. Voyez comment il se met en route, et comprenez l'excellence de la sagesse. Lui qui était habitué à voir autour de lui de nombreux serviteurs, il ne réclame ni montures, ni domestiques, ni bagages. Il voyage à la manière des apôtres, il s'arrête quand le soleil se couche, là où la nuit l'a surpris... Une pierre lui sert d'oreiller et il dort à même le sol. Mais aussi, parce qu'il avait une âme généreuse, un esprit viril au-dessus de toutes les vanités du siècle, il a mérité cette admirable vision. Telle est l'habitude de notre Dieu: quand il voit une âme bien disposée, dégagée des choses présentes, il se plaît à lui montrer toute l'affection qu'il a pour elle.


C'est parce qu'il couchait sur la dure, c'est parce qu'il vivait comme un pauvre, dit encore le même docteur, que Jacob mérita de voir les anges, tandis que les lits moelleux n'engendrent que la torpeur et la paresse. Cette vision est tellement riche au point de vue spirituel que les appli­cations qui en ont été faites parles Pères de l'Eglise et les auteurs mystiques sont innombrables. Nous allons en donner ici les quatre sens, qui servent de fondement à tous les autres :

  • Sens littéral. Ce récit doit être pris comme celui d'un fait objectif. Jacob eut réellement la vision que rapporte l'écrivain sacré. Se trouvant seul, loin de ses parents qu'il aimait tendrement, exilé pour un temps peut-être très long, poursuivi par la haine de son frère, le jeune homme dut connaître des moments de douloureuse tristesse et de profond découragement. Dieu alors, lui fit voir des anges, qui descendaient et montaient sur une échelle, pour lui donner à entendre que ces esprits bienheu­reux l'accompagnaient dans sa descente vers la Mésopotamie, afin qu'il ne lui arrivât aucun mal, et qu'ils l'escorteraient plus tard de la même manière, quand il remonterait vers sa patrie.
  • Sens apagogique. L'échelle de Jacob est une figure de la hiérarchie qui règne entre les anges. Ceux-ci, nous le savons par les théologiens, ne sont point tous sur le même plan310; ils sont placés sur des degrés divers, selon les choeurs auxquels ils appartiennent. Sans cesse, ils s'élèvent vers Dieu pour recevoir dé lui de nouvelles lumières, de nouvelles grâces; puis ils redescen­dent, afin de transmettre aux ordres inférieurs ou aux hommes ce qu'ils ont eux-mêmes reçu.
  • Sens allégorique
    • Ce petits-fils d'Abraham, qui porte en lui tout l'espoir de l'humanité et qui fuit, loin de son pays, dans un dénuement complet sans serviteurs, sans amis, n'ayant qu'une pierre, pour reposer sa tête, pour­suivi par la haine de son frère, est la figure du Christ, du Fils de Dieu, héritier du royaume éternel, qui, exilé sur la terre, y a vécu comme un pauvre, méconnu de tous, persécuté par les Juifs, et n'ayant, lui, pas même une pierre pour reposer sa tête. La vision de Béthel nous donne à entendre que ce qui précisément le réconfortait dans les heures d'intense détresse qu'il connut ici­-bas, c'était la vue anticipée de sa Passion, de cette échelle mystique qui réta­blirait le va-et-vient entre le ciel et la terre; permettant aux anges de venir au secours des hommes, et de les ramener avec eux dans le royaume du Père.
    • L'échelle est en même temps la figure de la Très Sainte Vierge qui relie elle aussi, en sa personne, le ciel et la terre. Elle est de la terre, car elle est fille d'Adam, née, comme nous, par les voies ordi­naires de la génération; et elle est du ciel de plein droit, parce qu'elle est la Reine des anges, surpassant en sainteté toutes les hiérarchies de ces esprits bienheu­reux. Elle est de la terre, parce qu'elle a connu les infirmités de la nature, hormis le péché; et elle est du ciel, parce que sa perfection est plus proche de celle de Dieu que de celle des hommes: elle touche immédiatement la divinité, sans qu'aucune barrière l'en sépare, comme le rivage touche l'Océan. En outre, on peut dire qu'elle réunit le ciel et la terre par le mystère de l'Incarnation, comme le chante l'Église: in se reconcilians ima summis.
  • Sens moral. L'échelle de Jacob représente toutes les voies étroites, toutes les disciplines, tous les chemins courts et directs par lesquels les âmes pures, dont les anges sont ici la figure, descendent en elles-mêmes et s'élèvent vers Dieu. C'est pourquoi les Pères y ont vu tour à tour une image du martyre, de l'oraison, de l'humilité, du renoncement, de la vie religieuse etc.: parce que ce sont là autant de raccourcis qui permettent à l'homme d'arriver à sa fin beaucoup plus rapidement que la route carrossable des dix commande­ments.


Quant à la pierre qu'il dressa, elle représentait sans aucun doute la pierre angulaire, la pierre sur laquelle est bâtie toute la société chrétienne, c'est­-à-dire le Sauveur. Aujourd'hui encore l'autel, dans chaque église, a la même signification. Et l'huile que Jacob répandit sur cette pierre était le symbole de la plénitude de grâce, de cette onction spirituelle que Jésus devait recevoir plus abondamment que tous les autres hommes et qui ferait de lui l'Oint par excellence, l'Oint, c'est-à-dire le Christ. Le geste de Jacob est à rapprocher de celui de sainte Marie-Madeleine, quand elle versa, elle aussi, le parfum le plus précieux qu'elle possédât, sur la tête de l'homme dans lequel elle adorait son Dieu.



Saint Bernard

Extrait d'un sermon:

[Marie] est « l'échelle de Jacob,» de ce saint patriarche qui, dormant la tête sur une pierre, mérita de voir les anges montants et descendants. Cette échelle a douze degrés compris entre ses deux côtés. Le côté droit est le mépris de soi jusqu'à l'amour de Dieu : le gauche est le mépris du monde jusqu'à l'amour du royaume des cieux. Les douze degrés par lesquels on monte sont les douze degrés de l'humilité.



Saint Jean de Damas

Saint Jean de Damas (vers 675-749), moine, théologien, docteur de l'Église. 1er sermon sur la Dormition (trad. SC 80, p. 101s)

[Marie] est devenue la médiatrice et l'échelle par laquelle Dieu est descendu vers nous et a pris sur lui la faiblesse de notre substance, l'embrassant et se l'unissant étroitement.



Benoit XVI

Extrait de l'encyclique Deus caritas est:

Dans le récit de l’échelle de Jacob, les Pères ont vu exprimé symboliquement, de différentes manières, le lien inséparable entre montée et descente, entre l’eros qui cherche Dieu et l’agapè qui transmet le don reçu. Dans ce texte biblique, il est dit que le patriarche Jacob vit en songe, sur la pierre qui lui servait d’oreiller, une échelle qui touchait le ciel et sur laquelle des anges de Dieu montaient et descendaient (cf. Gn 28, 12; Jn 1, 51). L’interprétation que le Pape Grégoire le Grand donne de cette vision dans sa Règle pastorale est particulièrement touchante. Le bon pasteur, dit-il, doit être enraciné dans la contemplation. En effet, c’est seulement ainsi qu’il lui sera possible d’accueillir les besoins d’autrui dans son cœur, de sorte qu’ils deviennent siens: «Per pietatis viscera in se infirmitatem caeterorum transferat»[4]. Dans ce cadre, saint Grégoire fait référence à saint Paul qui est enlevé au ciel jusque dans les plus grands mystères de Dieu et qui, précisément à partir de là, quand il en redescend, est en mesure de se faire tout à tous (cf. 2 Co 12, 2-4; 1 Co 9, 22). D’autre part, il donne encore l’exemple de Moïse, qui entre toujours de nouveau dans la tente sacrée, demeurant en dialogue avec Dieu, pour pouvoir ainsi, à partir de Dieu, être à la disposition de son peuple. «Au-dedans [dans la tente], ravi dans les hauteurs par la contemplation, il se laisse au dehors [de la tente] prendre par le poids des souffrants: Intus in contemplationem rapitur, foris infirmantium negotiis urgetur».[5]



Mgr Gaume

"Tous les ministères des ordres angéliques se rapportent à la gloire de Dieu et à la déification de l'homme, en d'autres termes, au gouvernement de la Cité du bien.

Les hommes, sujets de cette glorieuse Cité, sont l'objet particulier de la sollicitude des anges. Entre eux et nous existe un commerce continuel, figuré par l' échelle de Jacob .

"Descendre les degrés de cette échelle mystérieuse et venir, dans les occasions solennelles, remplir auprès de l'homme des missions importantes, présider au gouvernement des provinces, des diocèses, des communautés, telle est la double fonction des Archanges, dont le nom signifie Ange supérieur, ou Prince des anges proprement dits'" (Mgr Gaume, Le Traité du Saint-Esprit, 1865, troisième édition, Gaume et Cie Editeurs, 3 rue de l'Abbaye, Paris 1890, p. 150-151).



Sainte Anne-Catherine Emmerich

Cette sainte semble dire que l'échelle de Jacob représente la généalogie de Notre Seigneur Jésus_Christ.

Extrait de ses visions sur la vie de la Vierge Marie, Ch.XLIII, : "l'indignité de quelques uns des ancêtres de Notre-Seigneur Jésus-Christ selon la chair ne les empêcha pas de former les degrés de l'échelle de Jacob, par lesquels Dieu est descendu jusqu'à l'humanité."

Plus tôt, dans le même chapitre, la voyante écrit "un arbre généalogique avec des branches lumineuses qui s'ennoblissaient de plus en plus. Enfin, en un lieu désigné de cet arbre de lumière, j'eus avec un plus grand éclat, la vision de la chair immaculée de Marie, du sang très pur de Marie, auxquels le Verbe voulait emprunter son humanité"

Ainsi, la sainte présente Marie comme un degré très pur de l'échelle, un Degré Immaculé, Achèvement et Réalisation de l'ancienne alliance, Porte qui ouvra le Ciel pour l'Incarnation de Notre Seigneur Jésus-Christ. Ainsi semble dire la prière de l'Ave Regina :

(...)
Salut, Tige de Jessé !
Salut, Porte du Ciel,
d'où la Lumière est sortie pour éclairer le monde
(...)


Jésus-homme serait alors le dernier degré de l'échelle, la Porte qui ouvra le Ciel aux justes par son sacrifice.


Dans le chapitre XLIII, la sainte dit: " je vis tous ses ancêtres [de Marie] (...) Ils formaient de père en fils, trois fois quatorze générations, et de chacune d'elles partait un rayon lumineux se dirigeant vers Marie en prière. Cette vision offrait l'aspect d'un arbre généalogique qui s'ennoblissaient de plus en plus. Plus loin la sainte cite la généalogie récitée à la Fête-Dieu.

De quelle généalogie s'agit-il ? Quels sont ces 42 noms ? Est-ce les 42 noms (de prêtres ?) de Nathan à Jésus, en passant par [G%C3%A9n%C3%A9alogie_de_Notre-Seigneur_selon_St_Luc#H.C3.A9li.2C_autre_nom_de_Joachim.2C_p.C3.A8re_de_Marie|Héli, père de Marie] ?

Divers

Fr. Bernard-Marie, o.f.s.

Extrait du Bulletin de L'Œuvre des Campagnes n°205 – Janv.-Fév.-Mars 2003

Les Pères de l'Eglise ont également plusieurs fois comparée [Marie] à l'échelle de Jacob (Gn 28, 12) mettant en communication le ciel et la terre. C'est en effet par Marie que Dieu est descendu jusqu'aux hommes pour devenir l'un d'entre eux et que, selon sa propre volonté divine, c'est avec le concours de la Mère de l'Eglise que les hommes sont enfantés à la vie surnaturelle et remontent au Père dans l'Esprit du Fils. Cette même image est également reprise dans l'évangile de Jean (Jn 1, 51), qui décrit une échelle céleste couverte d'anges s'affairant aux affaires du Père et du Fils, les uns et les autres étant poussés par le perpétuel mouvement d'amour de l'Esprit. La vie chrétienne angélique pourrait sans doute se résumer à cela : vivre humblement comme Marie, dans le Christ, avec l'Esprit, en perpétuel mouvement de charité, de service et de louange.