La "Renaissance", période de la Grande séduction et des grandes négations

De Christ-Roi
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Période historique de la "grande séduction

(Mgr Gaume, Le Traité du Saint-Esprit, 1865, troisième édition, Gaume et Cie Editeurs, 3 rue de l'Abbaye, tome I, Paris 1890, p. 458).

"Ce jour, en effet, divise l'existence de l'Europe en deux : les siècles qui le précèdent s'appellent le moyen âge ; ceux qui le suivent, les temps modernes. A partir de là, se manifestent des phénomènes jusqu'alors inconnus.

Premier phénomène. Un cri général de réprobation contre le "Moyen Âge"

"Premier phénomène. Un cri général de réprobation contre le moyen âge part de l'Italie et retentit dans toute l'Europe. L'injure, le sarcasme, la calomnie, tout ce que la haine et le mépris peuvent inventer de plus outrageant, tombe à flots sur l'époque où, comme nous l'avons vu, le Saint-Esprit régna avec le plus d'empire. Théologie, philosophie, arts, poésie, littérature, institutions sociales, langage même, sont grossièreté, ignorance, superstition, esclavage, barbarie. Les fils ont rougi de leurs pères et répudié leur héritage. « Et pourtant les croyances anciennes, les créations anciennes, les aristocraties anciennes, les institutions anciennes, malgré ce qui a pu leur manquer, comme à tout ce qui est humain, qu'était-ce donc après tout ? C'était le travail de nos ancêtres ; c'était l'intelligence, c'était le génie, c'était la gloire, c'était l'âme, c'était la vie, c'était le coeur de nos pères » (Le P. Félix, XIe conf. à Notre-Dame de Paris, 1860.) Il faut ajouter : c'était le christianisme dans la vie de nos pères, et le règne du Saint-Esprit sur le monde.

Second phénomène. Au cri frénétique de réprobation contre le moyen âge, succède l'acclamation non moins frénétique et non moins générale de l'antiquité païenne

"Second phénomène. Au cri frénétique de réprobation contre le moyen âge, succède l'acclamation non moins frénétique et non moins générale de l'antiquité païenne. L'époque où Satan fut tout à la fois Dieu et Roi du monde devient l'âge le plus brillant de l'humanité. Dans les seules républiques de la Grèce et de l'Italie, honteusement prosternées aux pieds de Jupiter et de César, a brillé de tout son éclat le soleil de la civilisation. Philosophie, arts, poésie, éloquence, vertus publiques et privées, caractères, institutions sociales, lumières, libertés : chez elles, tout est grand, héroïque, inimitable. Retourner à leur école et recevoir leurs leçons comme des oracles, est pour les nations baptisées le seul moyen de sortir de la barbarie et d'entrer dans la voie du progrès.

Troisième phénomène. Alors commence un impur déluge de philosophies païennes, de peintures et de sculptures païennes, de livres païens, de théâtres païens, de théories politiques païennes, de dénominations païennes, de panégyriques sans cesse renouvelés du paganisme

"Troisième phénomène. Un changement radical ne tarde pas à se manifester dans la vie de l'Europe. Remis en honneur, l'esprit de l'antiquité redevient l'âme du monde qu'il fait à son image. Alors commence un impur déluge de philosophies païennes, de peintures et de sculptures païennes, de livres païens, de théâtres païens, de théories politiques païennes, de dénominations païennes, de panégyriques sans cesse renouvelés du paganisme, de ses hommes et de ses oeuvres. Ce vaste enseignement s'incarne dans les faits. On voit les nations chrétiennes briser tout à coup les grandes lignes de leur civilisation indigène, pour organiser leur vie sur un plan nouveau ; et, jetant, comme un haillon d'ignominie, le manteau royal dont l'Église leur mère les avait revêtues, s'affubler des oripeaux souillés du paganisme gréco-romain.

"De là est sortie ce qu'on appelle la civilisation moderne : civilisation factice, qui n'est le produit spontané ni de notre religion, ni de notre histoire, ni de notre caractère national ; civilisation à rebrousse-poil, qui, au lieu d'appliquer de plus en plus le christianisme aux arts, à la littérature, aux sciences, aux lois, aux institutions, à la société, les informe de l'esprit païen et nous fait rétrograder de vingt siècles ; civilisation corrompue et corruptrice, qui, se faisant tout au profit du bien-être matériel, c'est-à-dire de la chair et de toutes ses convoitises, ramène l'Europe, à travers les ruines de l'ordre moral, au culte de l'or et aux habitudes indescriptibles de ces jours néfastes, où la vie du monde, esclave de l'Esprit infernal, se résumait en deux mots manger et jouir, panem et circenses.

Quatrième phénomène. L'oubli de plus en plus profond du Saint-Esprit

"Quatrième phénomène. La première conséquence des faits que nous venons de rappeler devait être l'oubli de plus en plus profond du Saint-Esprit : il en fut ainsi. La nuit et le jour sont incompatibles dans le même lieu : quand l'une entre, l'autre sort. Plus Satan avance, plus le Saint-Esprit recule. Du cénacle au concile de Florence, l'enseignement du Saint-Esprit coule à pleins bords sur l'Europe qu'il vivifie. Avec la Renaissance, on voit les eaux du fleuve se retirer, et le grand enseignement du Saint-Esprit rentrer dans des limites de plus en plus étroites. Interrogeons l'histoire ; interrogeons nos yeux.

"La Renaissance arrive; et la guerre contre le christianisme, qui, depuis plusieurs siècles, se réduisait à des combats partiels, recommence, avec vigueur, sur toute la ligne. Vingt ans avant Luther, les bases mêmes de la religion sont battues en brèche par les béliers gréco-romains. Mille fois la lutte donne lieu à des traités spéciaux, destinés à défendre, les uns après les autres, tous les dogmes chrétiens : démonstrations, conférences, sermons, dissertations, apologies sous toutes les formes, se succèdent d'années en années, presque de mois en mois. L'existence de Dieu; la divinité de Notre-Seigneur; l'authenticité, l'intégrité, l'inspiration, la vérité historique des Écritures; l'infaillibilité de l'Église; l'immortalité, la liberté, la spiritualité de l'âme; chaque sacrement, chaque institution, chaque pratique religieuse : en un mot, chaque vérité chrétienne a été montrée vingt fois dans l'éclat de ses preuves, et dans la magnificence de ses rapports avec la nature de l'homme et les besoins de la société.

"Rien de semblable pour le Saint-Esprit. Et pourtant, c'est lui qu'on niait, en niant les différentes manifestations du grand mystère de la grâce dont il est le principe; lui qu'on attaquait, en attaquant chaque partie de la Cité du bien, dont il est le fondateur et le Roi. Qui pourrait nommer un grand ouvrage, composé depuis la Renaissance, par un grand auteur, dans le but de faire connaître et de rappeler aux adorations du monde la troisième personne de la sainte Trinité ? Pour nous, il nous a été impossible d'en découvrir un seul en Italie, en Allemagne, en Angleterre, en Belgique, en France. Il faut le reconnaître et en gémir : à l'égard du Saint-Esprit, l'enseignement public s'est visiblement appauvri.

"Le monde actuel en est la preuve. Quelquefois au moins on parle de ce qu'on connaît, de ce qui, à un degré quelconque, occupe la pensée. On nomme volontiers ce qu'on aime. Souvent cri invoque celui dont on croit avoir besoin. Quelle place occupe dans le langage moderne le nom du Saint-Esprit ? Au milieu du naufrage des croyances, quelques noms chrétiens ont surnagé. Dieu, le Christ, la Providence, viennent de temps en temps sur les lèvres de l'orateur ou tombent de la plume de l'écrivain. En est-il de même du Saint-Esprit? Quand avez-vous entendu prononcer son nom ? Qui l'invoque sérieusement ? Vous souvient-il de l'avoir lu dans les livres d'histoire, de science, de littérature, de législation, ou dans les discours officiels, depuis cent ans et au delà ? Or, quand le mot s'en va, l'idée s'efface.

"Il n'est que trop vrai ; dans le monde actuel, le Saint-Esprit ne compte presque plus. Les palais, les salons, les académies, la politique, l'industrie, la philosophie, l'enseignement, sont vides de lui; c'est un élément social inconnu ou suranné. Parmi les catholiques eux-mêmes, est-il souvent autre chose que l'objet d'une croyance métaphysique ? Où est le culte spécial, ardent, soutenu qui s'adresse à lui ? La troisième personne de la sainte Trinité dans l'ordre nominal n'est-elle pas la dernière dans notre souvenir et dans nos hommages ?

"Deux fois seulement l'humanité a vu cette ignorance profonde, cette indifférence générale. La première, dans le monde païen, avant la prédication de l'Évangile; la seconde, à notre époque, dix-huit siècles après l'établissement du christianisme. Pour les païens d'autrefois le Saint-Esprit était comme n'étant pas. Son nom même ne se trouve dans aucune de leurs langues. La raison en est simple : dans le monde antique le Saint-Esprit n'était rien, parce que le mauvais Esprit était tout. Que prouve l'ignorance du monde actuel et son indifférence à l'égard du Saint-Esprit, sinon que Satan regagne le terrain qu'il a perdu et qu'il reforme sa Cité ?

"Voilà LE VRAI MYSTÈRE DES TEMPS MODERNES. Qui ne le voit pas ne voit rien, qui ne le comprend pas ne comprend rien à la situation.

Cinquième phénomène. Rentré dans la Cité du bien, Satan commence par en ébranler la base.

"Cinquième phénomène. Rentré dans la Cité du bien, Satan commence par en ébranler la base.

"L'unité de foi, la puissance sociale de l'Église, le droit chrétien, la constitution chrétienne de la famille, étaient, nous l'avons vu, les quatre grandes assises de l'édifice religieux et social de nos ancêtres : que sont-elles devenues?

"Où est aujourd'hui l'unité de foi ? Le symbole catholique est brisé en morceaux comme un verre. La moitié de l'Europe n'est plus catholique ; l'autre moitié est à peine catholique à demi.

"Où est la puissance sociale de l'Église ? où est sa propriété ? Son sceptre est un roseau, et la mère des peuples n'a plus où reposer sa tête.

"Où est le droit chrétien ? Honni, foulé aux pieds, il est remplacé par le droit nouveau, disons mieux, par le droit de César, le droit de la force, du caprice et de la convenance.

"Où est la constitution chrétienne de la famille ? Le divorce est rentré dans les codes de la moitié de l'Europe. Ailleurs, sous le nom de mariage civil, vous avez le concubinage légal. Partout l'autorité paternelle désarmée ; et la famille, sans perpétuité, devenue une institution viagère.

"Quel est l'artisan de ces grandes ruines qui en supposent et qui en ont déterminé tant d'autres ? Si ce n'est pas l'Esprit du bien, c'est l'Esprit du mal : il n'y a pas à sortir de là.

"Cependant, fasciner et détruire n'est que la première partie de l'œuvre satanique. Sur les ruines qu il a faites, l'usurpateur s'empresse d'élever son trône. Qui ne serait épouvanté en voyant, au dix-neuvième siècle de l'ère chrétienne, le règne du démon se manifester au cœur même de la Cité du bien, avec tous les caractères qu'il eut dans l'antiquité païenne? Ces caractères, on ne l'a pas oublié, furent le RATIONALISME, le SENSUALISME, le CÉSARISME, la HAINE DU CHRISTIANISME.

"De ces différents caractères quel est celui qui nous manque? Le Rationalisme, ou l'émancipation de la raison de toute autorité divine en matière de croyances, peut-il être beaucoup plus complet ? L'autorité divine enseigne par l'organe de l'Église : quel est aujourd'hui le gouvernement qui l'écoute ? Sous le nom de liberté de conscience, toutes les religions ne sont-elles pas, politiquement et aux yeux d'un grand nombre, également vraies, également bonnes, et dignes d'une égale protection ? Qu'est-ce que cela, sinon l'Esprit de mensonge donnant, dans la Rome antique, le droit de bourgeoisie à tous les cultes et admettant tous les dieux au même Panthéon ?

"Sont-ils relativement nombreux les particuliers qui règlent leur foi sur la parole de l'Église ? Les hommes, les livres, les brochures, les journaux antichrétiens, ne sont-ils pas les oracles de la multitude ? D'ailleurs, la foi se connaît aux oeuvres, comme l'arbre aux fruits. Interrogez les membres du sacerdoce consultez les statistiques de la justice ; regardez autour de vous. Si cela ne vous suffit pas pour mesurer la puissance de la foi sur le monde actuel et fixer les limites de son empire, prenez une mappemonde et jugez !

Le Sensualisme

"Le Sensualisme, ou l'émancipation de la chair de toute autorité divine en matière de moeurs, ne marche-t-il pas de pair avec le Rationalisme ? Sous ce rapport, le monde actuel court à toutes jambes aux antipodes du christianisme. Le concile de Trente définit la vie chrétienne une pénitence continuelle, perpetua poenitentia ; et notre époque, une jouissance continuelle, la plus large possible et par tous les moyens possibles. L'homme devient chair. Inutile d'insister sur ce caractère du règne satanique, dont le développement rapide alarme tous les esprits sérieux.

Le Césarisme

"Le Césarisme, ou l'émancipation de la société de l'autorité divine en matière de gouvernement, par la concentration de tous les pouvoirs spirituels et temporels dans la main d'un homme, empereur et pontife, ne relevant que de lui-même. Qu'en est-il de ce nouveau caractère ? Regardez : la moitié des rois de l'Europe se sont faits papes ; l'autre moitié aspire à le devenir. Fouler aux pieds les immunités de l'Église, empiéter sur les droits de l'Église, souffleter l'Église, dépouiller l'Église, enchaîner l'Église : n'est-ce pas là ce qu'ont fait ou laissé faire tous les gouvernements de l'Europe, depuis la Renaissance ? N'est-ce pas ce qu'ils font encore? Si ce n'est pas là du Césarisme païen, nous ne comprenons plus le sens des mots.

La Haine du christianisme

"La Haine du christianisme. Le paganisme ancien haïssait le christianisme d'une haine implacable, universelle, à qui tous les moyens étaient bons pour insulter, pour écraser son ennemi. Il le haïssait dans son Dieu, dans ses ministres, dans ses disciples, dans ses dogmes, dans sa morale, dans ses manifestations publiques. Son nom était devenu celui de tous les crimes. Il était responsable de toutes les calamités publiques. La prison, l'exil, la mort au milieu des tortures, étaient justement dus à une secte, dit Tacite, coupable de la haine du genre humain.

"Satan est toujours Satan. Sa haine du christianisme est aussi jeune, aussi universelle, aussi implacable aujourd'hui qu'autrefois. Il hait le Dieu des chrétiens. Depuis un siècle surtout, quels blasphèmes restent à proférer contre la personne adorable du Verbe incarné ? Citez un seul de ses mystères qui n'ait été mille fois attaqué, un seul de ses droits qui n'ait été nié et qui ne soit foulé aux pieds ?

"Il le hait dans ses ministres. Dans le paroxysme de sa fureur, n'a-t-il pas dit qu'il voudrait tenir le dernier boyau du dernier des rois, pour étrangler le dernier des prêtres ? (Diderot.) Autant qu'il a pu, n'a-t-il pas réalisé son voeu sanguinaire ? Est-il un seul pays, en Europe, où, depuis la Renaissance, les évêques, les prêtres, les religieux n'aient pas été dépouillés, chassés, poursuivis comme des bêtes fauves, insultés et massacrés ? Le Vicaire même du Fils de Dieu, le Père du monde chrétien, Pierre, du moins, aura été respecté. Voyez plutôt comme ils l'ont traité dans la personne de Pie VI et de Pie VII ; comme ils le traitent encore dans la personne de Pie IX. Qu'est-ce que l'Europe actuelle, sinon une famille en révolte contre son père ? Chaque jour, depuis neuf ans, des millions de voix ne font-elles pas retentir le cri déicide : Nous ne voulons plus qu'il règne sur nous ? Assiégée par cent mille excommuniés, la papauté n'est-elle pas un Calvaire ? Judas le vendeur; Caïphe l'acheteur; Hérode le moqueur; Pilate le lâche; le soldat spoliateur et bourreau, ne reparaissent-ils pas sur la scène ?

"Il le hait dans ses disciples. Les vrais catholiques subissent le sort de leurs prêtres. Toutes les injures adressées à leurs pères par les païens d'autrefois leur sont adressées par les païens d'aujourd'hui (On peut en voir la nomenclature dans Mamachi, Antiquitates et origines christianae, etc. Mieux que tous les raisonnements, ce fait seul manifeste l'identité de l'Esprit dominateur des deux époques.) On les tient pour inhabiles ou pour suspects. Autant qu'on le peut, on les exclut des charges publiques, on les traite d'arriérés, d'ennemis du progrès, de la liberté, des institutions modernes, demeurants d'un autre âge qui voudraient ramener le monde à l'esclavage et à la barbarie. On les opprime dans leur liberté, en annulant les dons qu'ils ont faits à l'Église, leur mère, ou aux pauvres, leurs frères ; en supprimant leurs associations de charité, qu'on ne rougit pas de mettre au-dessous des sociétés excommuniées. On les opprime dans leur droit de propriété, on prend leurs couvents pour en faire des casernes ; leurs églises, pour en faire des écuries ; leurs cloches, pour en faire des canons ; leurs vases sacrés, pour en faire de la monnaie ou des objets de luxe, à l'usage de leurs ennemis.

"On les opprime dans leur conscience, en leur imposant un travail défendu, en insultant, chaque jour, sous leurs yeux, tout ce qu'ils aiment, tout ce qu'ils respectent, tout ce qu'ils adorent. Pour que rien ne manque ni à leur martyre ni à la haine qui les poursuit, dans toute l'Europe, depuis la Renaissance, on les a pendus, brûlés, guillotinés. Encore aujourd'hui, en Italie, on les fusille ; en Pologne, on les pend ; en Irlande, on les tue par la faim. Si Dieu ne se lève, on en fera des boucheries, et des milliers de voix crieront: C'est justice ! Reus est mortis !

"Il le hait dans ses dogmes. Depuis quatre siècles, au sein de l'Europe baptisée, il s'est dépensé, pour détruire l'édifice de la vérité chrétienne, plus d'encre, plus de papier, plus de temps, plus d'argent, plus d'efforts, qu'il n'en faudrait pour convertir le monde : cette guerre impie n'a pas cessé. Sans parler des livres, des théâtres, des discours antichrétiens: que font ces myriades de feuilles empoisonnées qui, chaque soir, partent de toutes les capitales de l'Europe, pour tomber le lendemain, comme des nuées de sauterelles venimeuses, dans les villes et les campagnes, et semer partout le mépris et la haine de la religion, le doute et l'incrédulité ?

"Il le hait dans sa morale. Redevenu ce qu'il était aux jours de la souveraineté satanique, le monde actuel semble organisé pour la corruption des moeurs : Totus in maligno positus. Si les tristesses et les alarmes de tout ce qui porte encore un coeur chrétien ne vous le disent pas assez haut, regardez vous-mêmes.

"La fièvre des affaires ; la soif de l'or et du plaisir ; l'industrie qui constitue des millions d'âmes dans l'impossibilité morale de remplir les devoirs essentiels du christianisme ; le luxe babylonien dont les coupables folies vont toujours croissant ; les modes impudiques ; les danses obscènes ; cinq cent mille cafés ou cabarets (en France seulement), gouffres béants où se perdent l'amour du travail, la pudeur, la santé, l'esprit de famille, le respect de soi-même et de toute autorité ; dans toutes les classes de la société des habitudes de mollesse qui énervent les âmes ; des scandales retentissants qui familiarisent avec le mal et tuent la conscience ; le mépris des lois qui ont pour but l'asservissement de la chair ; la profanation du dimanche ; la sanctification du lundi ; l'abandon de la prière et des sacrements : qu'est-ce que cela sinon la haine de la morale chretienne, haine infernale dont le dernier mot est d'étouffer le christianisme dans la boue ?

"Il le hait dans ses manifestations publiques et privées. Là, il interdit le son des cloches et condamne le prêtre qui, en public, porterait son costume ; ailleurs, il abat les croix. Ici, il défend au Fils de Dieu de sortir de ses temples pour recevoir les hommages de ses enfants, et, sous peine d'être insulté, il doit se cacher avec soin lorsqu'il va les visiter sur leur lit de douleur. Tout cela se passe dans des sociétés qui se disent chrétiennes !

"Il s'y passe bien autre chose. En signe de victoire, Satan a replacé ses statues dans les jardins, dans les promenades, sur les places des grandes villes, dans l'Europe entière. Pénétrant jusque dans l'intérieur du foyer domestique, il en a banni les images du Verbe incarné et mis les siennes à leur place.

« Il n'y a plus de Christ au foyer, s'écriait naguère un éloquent prédicateur; il n'y a plus de Christ suspendu à la muraille ; il n'y a plus de Christ se révélant dans les moeurs. Quoi! vous avez sous vos yeux les portraits de vos grands hommes ; vos maisons se décorent de statues et de tableaux profanes ! Que dis-je ? vous gardez, exposés aux regards de vos enfants et aux admirations de la famille, les Amours du paganisme, les Vénus du paganisme, les Apollons du paganisme ; oui, toutes les hontes du paganisme trouvent un asile au foyer des chrétiens ; et, sous ce toit qui abrite tant de héros humains et de divinités païennes, il n'y a plus de place pour l'image du Christ, que Tibère lui-même ne refusait pas d'admettre avec ses divinités au Panthéon de Rome » (Le P. Félix, ubi supra.)

"Oui, il est vrai, vrai non-seulement en France où enseigne l'Université, mais vrai en Europe où enseignent les ordres religieux, vrai longtemps avant l'Université et la révolution française : chez les chrétiens lettrés des temps modernes, le Christ n'est plus au foyer. Mais il y était chez nos aïeux ignorants du moyen âge. Comment en a-t-il été banni ? comment a-t-il été remplacé par les dieux du paganisme, c'est-à-dire par Satan lui-même sous ces formes multiples, omnes dii gentium daemonia ? A quelle époque remonte cette substitution sacrilège ? Qui a formé les générations qui s'en rendent coupables ? Dans quels lieux et dans quels livres ontelles appris à se passionner pour les choses, les hommes, les idées et les arts du paganisme ? Quel Esprit a dicté l'enseignement qui aboutit à un pareil résultat ? Est-ce l'esprit du Cénacle ou l'esprit de l'Olympe ? C'est l'un ou l'autre.

La naissance de ce que Mgr Gaume appelle le "mouvement d'unification matérielle", c'est-à-dire de la mondialisation devant préparer le règne de l'Antichrist

"Enfin, il est un dernier phénomène qui, chaque jour, se manifeste avec plus d'éclat : c'est le double mouvement auquel le monde actuel obéit : mouvement d'unification matérielle, et mouvement de dissolution morale. L'Esprit du dix-neuvième siècle pousse de toutes ses forces à l'unification matérielle des peuples : navires à vapeur, chemins de fer, télégraphes électriques, unions douanières, traités de commerce, libre échange, multiplication des postes, abaissement de la taxe des imprimés et des lettres : pas de moyen de communication qu l n'accélère ou qu'il n'invente. En même temps, il absorbe les petites nationalités, supprime la famille, la commune, la province, la corporation, toute espèce de franchise et d'autonomie ; il ressuscite les armées permanentes de l'ancien monde, rebâtit ses grandes capitales, et, au cou des peuples affranchis par le Christianisme, rive les chaînes de la centralisation césarienne.

"A ce mouvement d'unification matérielle, correspond, en dehors du Catholicisme, un mouvement non moins rapide de dissolution morale. En fait de doctrines religieuses, sociales, politiques, que reste-t-il debout ? le grand dissolvant de toute espèce de foi, le Rationalisme, n'est-il pas le dieu de la foule ? Où trouve-t-on des convictions assez profondes, des affirmations assez nettes pour résister aux séductions de l'intérêt, pour braver les menaces ou même l'oubli du pouvoir, pour se maintenir inébranlables au milieu des sophismes de l'impiété et des entraînements du mauvais exemple ? Quelle peut être l'unité morale d'un monde qui a brisé en morceaux le symbole catholique, qui entend, qui supporte, qui accueille toutes les négations, même celle de Dieu ?

"Pareil spectacle n'a été vu qu'une fois : c'est à l'époque où le monde romain penchait vers sa ruine. Formée par l'absorption continue du faible par le fort, du peuple par le peuple, l'unité matérielle arriva jusqu'au despotisme d'un seul homme. Satan avait atteint son but. Rome était le monde, et César était Rome ; et César était Empereur et grand Prêtre de Satan. Alors le genre humain, sans force de résistance, parce qu'il était sans foi, et sans autre ambition que les jouissances matérielles, panem et circenses, n'était plus qu'un bétail bâtonné, vendu, égorgé, suivant le caprice du maître.

"Armées permanentes, grandes capitales, rapidité des communications, centralisation universelle, unification matérielle des peuples, poussée avec une ardeur fiévreuse; dissolution morale, arrivée au morcellement indéfini de tout symbole et de toute foi : qui oserait soutenir que ce double phénomène n'est pas le précurseur de la plus colossale tyrannie ? Peut-être la pierre d'attente du règne antichrétien, annoncé pour les derniers temps ? A nos yeux, c'est César à cheval avec Lucifer en croupe"

(Source: Mgr Gaume, Le Traité du Saint-Esprit, 1865, troisième édition, Gaume et Cie Editeurs, 3 rue de l'Abbaye, tome I, Paris 1890, p. 458-472; Voir aussi l'histoire détaillée de la Renaissance dans notre son ouvrage La Révolution, t. IX.)

Conséquences des grandes négations

L'enfoncement dans les erreurs les plus profondes

Tandis qu'elle (l'Eglise) projetait sa lumière du côté des bons, la mystérieuse colonne tournait du côté des méchants sa face ténébreuse. La nuit se fit dans leur intelligence et ilss 'enfoncèrent dans les erreurs les plus profondes.

Le panthéisme, le fatalisme, le matérialisme, monstrueux systèmes des rationalistes païens reparurent.

Dès lors, ni le dogme, ni la morale, ni l'Eglise elle-même, rien ne fut sacré. Conséquences inévitables de ces grandes négations,

  • les moeurs se corrompirent
  • les révolutions, non pas dynastiques, mais sociales, montèrent à la surface,
  • et les trônes chancelant sur leurs bases surplombèrent en attendant le prochain coup de vent qui devait les renverser.

La naissance de sectes nombreuses

Il ne se fit pas attendre. L'esprit séducteur du paradis terrestre, auquel la moitié de l'Europe s'était abandonnée, ne tarda pas à faire son oeuvre, toujours ancienne et toujours nouvelle. De son souffle empoisonné naquirent des sectes nombreuses qui, comme les barbares d'autrefois, se jetèrent sur le monde coupable.

Pendant un siècle et au delà, elles promenèrent, le feu, le carnage, la mort avec des cruautés inouïes, en Allemagne, en Angleterre, en France, en Suisse, en Danemark et dans tous les pays du Nord. Ce prix fut soldée la révolte des nouveaux Egyptiens: c'était justice."

( Mgr Gaume, Un signe des temps ou les quatre-vingts miracles de Lourdes, Editions Saint-Rémi, p. 44-45.)