Chateaubriand

De Christ-Roi
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"CHATEAUBRIAND DEFENSEUR DES AUTELS" (Anne Bernet)

le plus paradoxal, en même temps que le plus sincère, défenseur de l'Eglise et de la foi

"François-René de Chateaubriand n'aura pas inspiré en son temps des sentiments mitigés. Ses thuriféraires l'appelaient "l'enchanteur"; ses détracteurs, qu'il exaspérait, l'accablaient de sarcasmes, parfois drôles, et souvent injustes.

"Le malheur de Chateaubriand fut d'être conscient, ô combien, de son immense talent et d'en retirer, sinon "l'orgueil luciférien" dont le taxent certains commentateurs, à tout le moins une vanité phénoménale. L'homme eut ses défauts; il eut aussi ses vertus, très réelles. Le mélange des deux a fait de cet écrivain le plus paradoxal, en même temps que le plus sincère, défenseur de l'Eglise et de la foi.

"Chateaubriand naît dans une famille chrétienne et dans un siècle qui ne l'est plus guère. Enfant de son époque, il est sensible à toutes les séductions de celui qu'il nommera "le démon de la fausse sagesse". Cette influence est pourtant combattue souterrainement par une éducation dont il ne mesure pas encore la force et qui le sauvera.

"Venu au monde à Saint-Malo le 4 septembre 1768, et non le 4 octobre, jour de sa fête, comme il le croira longtemps, François-René est le neuvième et le dernier enfant, un rang de benjamin qui le conduirait automatiquement à entrer dans les ordres si sa mère, refusant la coutume trop fréquente dans l'aristocratie de pousser vers l'Eglise les fils surnuméraires même sans vocation, ne décrétait qu'elle l'aime mieux honnête dans le monde que prêtre scandaleux.

A la veille de la Révolution

"Judicieux sur le plan spirituel, le choix de Mme de Chateaubriand l'est moins sur le plan matériel. Lorsque la révolution éclate, les Chateaubriand ne savent toujours pas ce qu'ils vont bien pouvoir faire de ce garçon de vingt ans qui n'a de dispositions ni pour l'armée ni pour la marine... Jean-Baptiste, le frère aîné, décide finalement d'émigrer et, chef d'armes et de nom de sa maison, il ne laisse d'autres choix à son cadet que de le suivre, et ce, en dépit du mariage bâclé que François vient de contracter pour complaire à sa mère et à ses soeurs. Chateaubriand ne sait pas qu'il s'exile pour dix ans, ni que les malheurs qui l'accableront feront de lui un autre homme.

"Ce sont d'abord les déceptions rencontrées à l'armée des Princes où un gentilhomme pauvre n'a d'autre espoir que de se faire tuer dans l'anonymat. Les régiments congédiés, Chateaubriand, blessé, malade, sans un sou, finit, avec l'aide de cousins, par échouer en Angleterre. Il croit toucher au fond de la misère, mourant de faim et de froid dans un galetas londonien. il survit en donnant des cours de français, en faisant des travaux de traductions. Ses rares loisirs, il les occupe à rédiger ce qui sera son premier livre, l' Essai sur les Révolutions. le jeune homme grelottant qui écrit ce livre est encore l'enfant des Lumières, au point qu'il réfutera solennellement son oeuvre quand il aura retrouvé la foi. Et pourtant la grâce chemine déjà.

"A Paris, Jean-Baptiste de Chateaubriand et son épouse, l'une des petites-filles de Malesherbes, montent à l'échafaud avec le vieux ministre avocat de Louis XVI. Chateaubriand n'a jamais éprouvé une tendresse particulière envers ce frère autoritaire et facilement méprisant; mais sa fin tragique le frappe. S'y ajoutent, quelques mois plus tard, les trépas soudains de sa mère et de l'une de ses soeurs, Julie de Farcy. Les dernières lignes que l'une et l'autre lui ont adressées ont été pour le supplier de revenir à la foi de ses pères. François-René ne sera pas sourd à ces appels d'outre-tombe. Il résumera ce cheminement d'une formule lapidaire et célèbre:

- J'ai pleuré et j'ai cru.

"Sans doute l'évolution ne s'est-elle pas faite si vite mais elle s'est faite, et la conversion de Chateaubriand, que ses ennemis prétendront sans sincérité, sera solide et durable, en dépits d'écarts de conduite.

"Dans la vie privée, le retour de l'écrivain au catholicisme n'aura rien d'exemplaire. Ce n'est que la mort dans l'âme qu'il se résigne, rentré en France, à partager l'existence de sa légitime épouse; encore lui impose-t-il sans vergogne le défilé incessant des belles amies que la délaissée surnomme amèrement "les Madames"...

L'amour-propre exacerbé de François-René est bien éloigné de l'humilité chrétienne et toute critique de son talent équivaut à faire de lui un ennemi furibond et rancunier. Son fameux pèlerinage à Jérusalem qui s'achève par un rendez-vous adultère est plus une glorification de l'auteur qu'une véritable et sincère démarche pénitentielle.

"Et cependant...

Une immense générosité

"Cet homme odieux est capable d'incroyable délicatesses lorsqu'il s'agit de secourir quelqu'un dans le malheur. Et, tandis que sa perpétuelle opposition politique lui crée d'épineux problèmes financiers, il engloutit ses droits d'auteur, toujours insuffisants, dans des oeuvres pies: pourvoir à l'éducation de ses neveux orphelins et à celle du fils de son cher cousin Armand; soutenir l'infirmerie Marie-Thérèse, fondation de son épouse, qui héberge de vieux prêtres rentrés d'émigration et réduits à la misère; secourir les oeuvres missionnaires de Terre Sainte. De tout cela, Chateaubriand ne se glorifie jamais. Ceux qui s'étonnent qu'il soit un tel panier percé ignorent que l'essentiel de ce qu'il gagne, il le donne... Avec l'outrance qui le caractérise, il dira qu'il a été obligé "d'hypothéquer sa tombe". Il meurt pauvre. Cette perpétuelle charité silencieuse doit faire oublier l'époux volage et l'écrivain vaniteux. Car vaniteux, il l'est. La vérité est que le succès littéraire est monté à la tête de ce génie de trente-quatre ans.

"Avant sa conversion, Chateaubriand travaillait à un roman américain, fruit de son voyage outre-atlantique en 1790. Aprèss a conversion, il a transformé cette hsitoire d'amour entre deux jeunes sauvages en une aplogie des vertus chrétiennes qu'il inclut, bien que ce ne soit pas la place idéale, dans son essai apologétique sur les beautés du christianisme. puis, ses amis lui faisant remarquer qu' Atala semble bien curieux entre un commentaire sur l'éloquence de Bossuet et un autre sur la sainte poésie des sonneries de cloches, Chateaubriand se décide à publier seul le récit, qui servira de publicité à l'étude de fond.

La lecture d' Atala aujourd'hui, excepté la splendeur du style, prête plus à sourire qu'à méditer. Mais, en dépit de la faiblesse religieuse de l'argument, le triomphe de la tragédie indienne assure celui du Génie du Christianisme. A tout prendre, l'apologétique de Chateaubriand est faible et sa théologie douteuse. Pourtant son livre, en 1802, tiendra sa palce dans le retour à la religion souhaité par Bonaparte, et par un peuple encore sous le choc de la persécution révolutionnaire. Pourquoi?

Retour à la Religion

"Avec la Terreur, l'anti-cléricalisme, l'anti-christianisme des pilosophies des Lumières ont montré leur vrai visage: celui de la haine, de la folie de tuer et de détruire. La France civilisée du XVIIIe siècle se réveille incrédule du cauchemar, ne comprenant pas comment elle a pu sombrer dans un tel torrent de sang. Les plus avisés attribuent cette catastrophe au dénigrement religieux qui précéda la Révolution. Revenir à Dieu, c'est revenir à la civilisation; c'est en finir avec l'horreur, le chaos et la barbarie. Mais peut-on revenir à ce Dieu que Voltaire et ses amis tournaient en dérision? Si maladroit soit-il par endroits, l'engagement religieux de ce jeune écrivain si brillant est la réponse qu'attendent ses lecteurs. Le christianisme ne peut être mauvais ou ridicule si les jeunes talents y reviennent. Voilà pouquoi, malgré ses à peu-près, ses compilations hâtives et ses naïvetés, le Génie du Christianisme est bel et bien une victoire de la religion sur l'athéisme. Les incrédules ne s'y tromperont pas qui accableront de leurs plaisanteries Chateaubriand."

(Source: Anne Bernet, Revue Fideliter, Janvier-Février 1996, N° 109, Echéance 2000, p. 71-75).