Le Traité du Saint-Esprit (Mgr gaume) Tome 2

De Christ-Roi
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Mgr Gaume, Traité du Saint-Esprit, troisième édition, Gaume et Cie, Editeurs, 3 rue de l'Abbaye, Paris 1890.

Tome II

Texte intégral

GAUME

TRAITE DU SAINT-ESPRIT

L'HISTOIRE GÉNÉRALE DES DEUX ESPRITS QUI SE DISPUTENT L'EMPIRE DU MONDE ET DES DEUX CITÉS QU'ILS ONT FORMÉES ; AVEC LES PREUVES DE LA DIVINITÉ DU SAINT-ESPRIT, LA NATURE ET L'ÉTENDUE DE SON ACTION SUR L'HOMME ET SUR LE MONDE

PAR MGR GAUME

PROTONOTAIRE APOSTOLIQUE, DOCTEUR EN THÉOLOGIE, ETC.

TROISIÈME ÉDITION 1890

II

Droits de traduction et de reproduction réservés.

Ignoto Deo, 
 Au Dieu inconnu. Act, xvn. 93.

CHAPITRE PREMIER DIVINITÉ DU SAINT-ESPRIT. Existence de Dieu. - Preuves et nécessité de ce dogme. - Dieu, c'est la Trinité. - Prouver le dogme de la Trinité, c'est prouver la divinité du Saint-Esprit. - Développements. - Preuves indirectes de la Trinité : la notion de l'être, les créatures matérielles et les créa, tures raisonnables. - Nécessité et influence de ce dogme.

Dieu, la Trinité, la divinité du Saint-Esprit ! Dans la langue de la révélation comme dans la foi des peuples, ces trois vérités sont tellement unies, que la certitude de la première implique la certitude des deux autres. Or, Dieu existe avec tous les attributs qu'adore le genre humain. Avant tous les siècles, par delà tous les mondes, il est UN ÊTRE personnel, éternel, infini, immuable, qui est à lui-même son principe et sa félicité. Être toujours II. 1 2 TRAITÉ DU SAINT-ESPRIT. fécond, il est la vie de toutes les vies, le centre de tous les mouvements, le commencement et la fin de tout ce qui est. Comme l'Océan contient la goutte d'eau dans son immensité, il enveloppe dans son sein l'univers et ses créations multiples. Il est au dedans et au dehors ; il est loin, il est près: il est partout. Dans l'astre qui brille au front des cieux, il y est. Dans l'air qui me fait vivre, il y est. Dans la chaleur qui m'anime et dans l'eau qui me désaltère ; dans le souffle de la brise et dans le mugissement des vagues ; dans la fleur qui me réjouit et dans l'animal qui me sert; dans l'esprit et dans la matière; dans le berceau et dans la tombe; dans l'atome et dans l'immensité ; dans le bruit et dans le silence: il y est. Lui toujours, lui partout. Il entend tout: et la musique harmonieuse des célestes sphères, et les chants joyeux de l'alouette, et le bourdonnement de l'abeille, et le rugissement du lion, et le pas de la fourmi, et le bruit de la feuille agitée, et la respiration de l'homme, et la prière du juste, et les blasphèmes du méchant. Il voit tout: et le soleil étincelant aux regards de l'univers, et l'insecte caché sous l'herbe, et le vermisseau enseveli sous l'écorce de l'arbre, et l'imperceptible infusoire perdu dans les abîmes de l'Océan. Il voit et le jeu varié de leurs muscles, et la circulation de leur sang, et les pensées de mon esprit, et les battements de mon cour, et les besoins du petit oiseau qui demande sa pâture, et les vmux solitaires du faible, et les larmes de l'opprimé. Il gouverne tout : et l'innombrable armée des cieux, et les saisons, et les vents, et les tempêtes, et les siècles, et les peuples, et les passions humaines, et les puis TRAITÉ DU SAINT-ESPRIT. 3 sances des ténèbres, et les créatures privées de raison, et les êtres doués d'intelligence. Il nourrit, il ré chauffe, il loge, il habille, il protège, il conserve tout ce qui respire; car tout ce qui respire ne respire que par lui et ne doit respirer que pour lui. Source éternelle du vrai, règle immuable du bien, il donne à l'homme la lumière pour le connaître, la force pour l'accomplir. Dans son infaillible balance, il pèse les actions des rois et des sujets, des particuliers et des peuples. Rémunérateur suprême de la vertu et vengeur incorruptible du vice, il cite à son tribunal le faible et le puissant, et le juste qui l'adore et l'impie qui l'outrage. Aux uns des châtiments sans miséricorde et sans espoir, aux autres une félicité sans mélange et sans fin. Être au-dessus de tous les êtres, créateur et modérateur de l'univers, tout proclame votre existence; et les magnificences du ciel, et l'éblouissante parure de la terre, et l'obéissance filiale des flots irrités, et les vertus de l'homme de bien, et les châtiments du coupable, et la démence même de l'athée. Ce qui parle vous loue par ses acclamations ; ce qui est muet, par son silence. Tout révère votre majesté, et la nature vivante, et la nature morte. A vous s'adressent toutes les douleurs; vers vous s'élèvent toutes les prières. Créateur, conservateur, modérateur, père, juge, rémunérateur et vengeur, tous les noms de puissance, de sagesse, d'amour, d'indépendance et de justice, vous sont donnés; tous vous conviennent, et cependant aucun ne saurait vous nommer. Être au-dessus de tous les êtres, ce nom est le seul qui ne soit pas indigne de vous: Eco suMI Qui sux. 4 TRAITÉ DU SAINT-ESPRIT. Un être au-dessus de tous les êtres, un Dieu auteur et régulateur suprême du monde et des siècles, tel est le dogme fondamental que proclame l'univers et devant lequel se sont inclinées, le front dans la poussière, toutes les générations qui, depuis six mille ans, ont passé sur la face du globe. Contre ce fait, sur lequel repose, comme l'édifice sur sa base, la foi du genre humain, que prouvent et que peuvent les dénégations de l'athée? Ce qu'elles prouvent? ce que prouve une voix discordante dans un vaste concert. On la fait taire ou elle revient à l'unission, et, sans elle ou avec elle, le concert continue. Ce qu'elles peuvent ? ce que peut le faible trait, décoché en passant par l'Arabe fugitif, contre la pyramide du désert. L'Arabe disparaît, et la pyramide demeure. A son tour, que nous veut la philosophie rationaliste avec son dieu. de fabrique humaine, son dieu soliveau, son dieu néant? Être de raison ou plutôt de déraison, dieu impersonnel, sourd, muet, indifférent aux couvres et aux besoins de ses créatures; produit variable de la pensée individuelle : non, tel n'est pas, tel ne fut à aucune époque et sous aucun climat, le Dieu du genre humain. Son histoire en témoigne. » « Jamais, dit un homme qui la connut à fond, jamais les nations ne tombèrent si bas dans le culte des idoles, qu'elles aient perdu la connaissance, plus ou moins explicite, d'un seul vrai Dieu, Créateur de toutes choses'.» Le dogme de l'unité de Dieu n'est pas vrai seulement parce qu'il a autant de témoins qu'il y a d'astres dans le s Gentes non usque adeo ad falsos deos esse delapsas, ut opinionem amitterent unius vert De!, ex quo est omnis qualiscumque natura. S. Aug., contra Faust., lib. XX, n. 19 ; Id., Lactant., De errore.

TRAITÉ DU SAINT-ESPRIT. 5 firmament et de brins d'herbe sur la terre; il est encore vrai parce qu'il est nécessaire. Ce qu'est le soleil dans le monde physique, Dieu l'est à tous égards, et plus encore, dans le monde moral. Qu'au lieu de continuer à verser sur le globe ses torrents de lumière et de chaleur, le soleil vienne tout à coup à s'éteindre: imaginez ce que devient la nature. A l'instant, la végétation s'arrête; les fleuves et les mers deviennent des plaines de glace; la terre se durcit comme le rocher; tous les animaux malfaisants, que la lumière enchaîne dans leurs antres ténébreux, sortent de leurs repaires et s'appellent au carnage; le trouble et' l'épouvante s'emparent de, l'homme, partoutrègne la confusion, le désespoir, lamort: quelques jours suffisent pour ramener le monde au chaos. Que Dieu, soleil nécessaire des intelligences, vienne à disparaître. Aussitôt la vie morale s'éteint. Toutes les notions du bien et du mal s'effacent; l'erreur et la vérité, le juste et l'injuste, se confondent dans le droit du plus fort. Au milieu de ces ténèbres, toutes les hideuses cupidités, assoupies dans le cœur de l'homme, se réveillent, et, sans crainte comme sans remords, se disputent les lambeaux mutilés des fortunes, des cités et des empires ; la guerre est partout, la guerre de tous contre tous, et le monde n'est plus qu'une caverne de voleurs et d'assassins. Ce spectacle, l'oeil de l'homme ne l'a jamais vu, pas plus qu'il n'a vu l'univers sans l'astre qui le vivifie. Mais ce qu'il a vu, c'est un monde où, semblable au soleil voilé par d'épais nuages, l'idée de Dieu ne jetait plus qu'une lueur incertaine. Au travers des ténèbres dans lesquelles ils s'étaient volontairement ensevelis, les peuples païens n'apercevaient qu'indistinctement l'unité et 6 incommunicable de la divine essence. Parce que le flambeau qui devait la diriger vacillait au vent des passions, des intérêts et des opinions, leur marche intellectuelle et morale fut tour à tour chancelante, absurde, rétrograde : les dieux égaraient l'homme. Des tâtonnements éternels sur les questions les plus importantes et les plus simples, des superstitions grossières et cruelles, des systèmes creux ou immoraux, condamnèrent le genre humain au bagne, vingt fois séculaire, de l'idolâtrie. Là, gisent encore enchaînées les nations modernes, éloignées des zones bénies sur lesquelles rayonne de tout son éclat le dogme tutélaire de l'unité divine. Il n'en peut être autrement : entre l'homme et le mal, il n'y a qu'une barrière, Dieu; Dieu connu, Dieu respecté. Otez Dieu, l'homme, sans frein et sans règle, devient une bête féroce, qui descend avec délices jusqu'aux combats de gladiateurs et aux festins de chair humaine. Par la raison contraire, veut-on empêcher l'homme de tomber dans l'abîme de la dégradation et du malheur? S'il y est enseveli, veut-on l'en retirer et le conduire au plus haut degré de lumière, de vertu et de félicité? Trêve de discours, trêve de combinaisons et de systèmes un mot suffit. Dites au grand malade : Il y a un Dieu ; lève-toi et marche en sa présence. Que le genre humain prenne ce mot au sérieux, en sorte que le dogme souverain de l'unité divine pèse de tout son poids sur les esprits et sur les volontés, et le malade est guéri. Dieu règne, et l'homme est éclairé de la seule lumière qui ne soit pas trompeuse; il est vertueux de la seule vertu qui ne soit pas un masque; il est heureux du seul bonheur qui ne soit pas une déception; il est libre de la seule TRAITÉ DU SAINT-ESPRIT. 7 liberté qui ne soit ni une honte, ni un crime, ni un mensonge'. Nous le répétons, avec ce seul mot : Il y a un Dieu, le mondé sera guéri; sinon, non. Un jour ce mot fut dit sur le genre humain, gangrené de paganisme, dit partout, dit avec une autorité souveraine, et le grand Lazare se leva de sa couche douloureuse, et il couvrit de ses baisers brûlants la main qui l'avait sauvé. Philosophes, politiques, sénat, aréopage, vous tous qui vous donniez, qui vous donnez encore pour les guérisseurs des nations, cette main ne fut pas la vôtre; elle ne la sera jamais. Chaque jour encore, ce mot souverain est prononcé, en Europe, sur quelque âme malade; dans les îles lointaines de l'Océanie, sur quelque peuplade anthropophage; et, de près comme an loin, il produit sous nos yeux le miraculeux effet qu'il produisit il y a dix-huit cents ans. Telle est, constatée par la raison et par l'histoire, la puissance salutaire, par conséquent la vérité du dogme de l'unité de Dieu. Mais qu'est-ce que Dieu? Dieu, c'est le Père, et le Fils, et le Saint-Esprit, trois personnes distinctes dans une seule et même divinité. En d'autres termes, Dieu c'est la Trinité; il ne peut être autre chose. Interrogé sur ce qu'il est, Dieu lui-môme a répondu : Je suis Celui qui suis; je suis l'Être, l'Être absolu, l'Être sans qualification. Or, l'être absolu possède nécessairement tout ce qui constitue l'être, et il le possède dans toute sa perfection. Trois choses constituent l'être: la mesure, lenombre, le poids'. Dans les êtres matériels, la mesure, c'est le fond ou 1 Amhula coram me et esto perfectus. Gen., xvir, 1. 'Ego sum qui sum. Exod., ni, 14. 2 Omnia in mensura, et numero, et pondere disposuisti. Sap. n, 21. TRAITÉ DU SAINT-ESPRIT. 8 TRAITÉ DU SAINT-ESPRIT.

la substance; le nombre, c'est la figure qui modifie la substance; le poids, c'est le lien qui nuit la substance à la figure, et entre elles toutes les parties de l'être. Cherchez dans toute la nature, du cèdre au brin d'herbe, de l'éléphant à la mite, de la montagne au grain de sable, vous ne trouverez pas un seul être qui ne réunisse ces trois choses. Elles sont tellement essentielles, qu'une de moins, l'être ne peut exister, ni même se concevoir. Ainsi, ôtez la substance, qu'avez-vous? le néant; la figure? le néant; le lien? le néant'. La mesure, le nombre et le poids ne sont dans les créatures, que parce que Dieu les y a mis. Dieu ne les y a mis, que parce qu'il les possède, c'est-à-dire parce qu'il est lui-même mesure, nombre et poids. Comme nous l'avons vu du dogme de l'unité de Dieu, la Trinité a donc autant de témoins qu'il y a dans l'univers de créatures inanimées, d'astres au firmament, d'atomes dans l'air et de brins d'herbe sur la terre c'est la pensée des plus grands génies. « Dans toutes les créatures, dit saint Augustin, apparaît le vestige de la Trinité. Chaque ouvrage du divin artisan présente trois choses : l'unité, la beauté, l'ordre. Tout être est un, comme la nature des corps et l'èssence des âmes. Cette unité revêt une forme quelconque, comme les figures ou les qualités des corps, les doctrines ou les talents des âmes. Cette unité et cette forme ont 1 Mensura ennui rei modum presfigit, et numerus omni rei speciem prmbet, etpondus.omnemremad quietem et stabi itatemtrahit. S. Aug., De Gen. ad Litt., lib. IV, c. m. e Hmc tria : modus, species et ordo, tanquam generalia bona sont in robes a Deo factis. Et ita lime tria ubi magna sont, magna bona sont; ubi parva, parva bona sunt; ubi nulle, nullum bonum est. S. Aug., Lib. de natur. boni, e. m. TRAITÉ DU SAINT-ESPRIT. 9

entre elles des rapports et sont dans un ordre quelconque. Ainsi, dans les corps, la pesanteur et la position; dans les âmes, l'amour et le plaisir. Dès lors, puisqu'il est impossible de ne pas entrevoir le Créateur dans le miroir des créatures, nous sommes conduits à connaître la Trinité, dont chaque créature présente un vestige plus ou moins éclatant. En effet, dans cette sublime Trinité est l'origine de tous les êtres, la parfaite beauté, le suprême amour'. n Trinité! voilà, suivant Lattante, saint Athanase, saint Denys d'Alexandrie, Tertullien', le dogme que proclame incessamment, à ceux qui ont des yeux pour entendre, l'universalité des êtres. Les plus nobles le répètent d'une voix plus sonore. Serait-il juste qu'il en fût autrement? Ne doivent-ils pas un hommage particulier à l'auguste mystère dont le vestige plus éclatant, marqué sur leur front, est la raison même et la mesure de leur noblesse? Ainsi, le soleil, l'arbre, la source sont des prédicateurs éloquents de la Trinité. Dans l'unité de la même essence, ils nous montrent, l'un: le foyer, le rayon et la chaleur; l'autre : la racine, le tronc et les branches ; ' Trinitatis vestigium in creaturis apparet. Lib. VI, De Trinit., c. s, ad fin. - 11œc igitur omnia quce arte divine farta sont, unitatem quotadam in se ostendunt, et speciem, et ordinem. Quidquid enim horum est, et uuum aliquid est, sicut sont natura: corporum, et ingenia animarum ; et aliqua specie formatur, sicut sont figures vel qualitates corporum, ac doctrines vol artes animarum; et ordinem aliquem petit ont tenet, sicut suri pondera vol collocations corporum, atque amures ont delectationes animarum. Oportet igitur ut Creatorem, per en ques farta sont, intellectum conspicientes, Trinitatem intelligamus, cujus in creatura, quomodo dignum est, apparat vestigium. In illa enim Triuitate,summaorigoestrerum omnium, et perfectissima pulchritudo, et beatissima delectatio. Id., De Trinit., lib. VI, n. 12. T. VIII, p. 1300, édit. Paris. e Voir Vitass., De Trinit. guest. Y, art. 1. 10 TRAITÉ DU SAINT-ESPRIT.

le troisième : le réservoir, l'écoulement et le fleuve'. Expliquant la doctrine des Pères : « Dans chaque créature, ajoute l'Ange de l'école, se trouvent des choses qui se rapportent nécessairement aux personnes divines, comme à leur cause. En effet, chaque créature a son être propre, sa forme, son ordre ou son poids. Or, en tant que substance créée, elle représente la cause et le principe, et démontre la personne -du Père, qui est le principe sans principe. En tant qu'elle a une forme, elle représente le Verbe, comme forme de l'ouvrage conçue par l'ouvrier. Entant qu'elle a l'ordre ou le poids elle représente le Saint-Esprit, comme amour, unissantles êtres entre eux et procédant de la volonté créatrice. A cela se rapportentlamesure, le nombre et le poids : la mesure àla substancedel'être; lenombre, à laforme; le poids, à l'ordre '. » Si les créatures inanimées, qui sont les dernières dans l'échelle des êtres, présentent le vestige de la Trinité, il est évident que ce vestige doit briller avec plus d'éclat dans les créatures d'un ordre supérieur. Que dis-je? ce n'est pas seulement le vestige que 1Ici., id.

2 In creaturis omnibus iuvenitur reprœsentatio Trinitatis per modum vestigii; in quantum, in quolibet creatura inveniuntur aliqua quœ necesse est reducere in divinas personas, aient in causam. Quœlibet enim creatura subsistit in suc esse, et habet formam per quam determinatur ad speciem, et habet ordinem ad aliquid aliud. Secundum igitur quod est quidam substantia creata, reprasentat causam et principium; et sic demonstrat personam Patris, qui est priucipium non de principio. Secundum auteur quod habet quamdam formam et speciem, reprmsentat Verbum, secundum quod forma artificiati est ex conceptions artificis. Secundum auteur quod habet ordinem, reprœsentat Spiritum sanctum, in quantum est amer; quia ordo effectus ad aliquid alterum, est ex voluntate Creantis... et ad lime etiamreducuntur illa tria, numerus, pondus, mensura. Nam mensura refertur ad substantiam rei limitatam suis principiis, numerus ad speciem, pondus ad ordinem. i p., q. x7 .v, art. 7, cor. TRAITÉ DU SAINT-ESPRIT. Ii noustrouverons, c'est l'image. «Tout effet, continue saint Thomas, représente sa cause en partie, mais de manières différentes. Certain effet représente seulement la causalité de la cause, sans indication de la forme. C'est ainsi que la fumée représente le feu. Une telle représentation s'appelle représentation par vestige. C'est avec raison, car le vestige prouve qu'un être a passé par là; mais il ne dit pas quel il est. Certain effet représente la cause quant àla ressemblance. Ainsi le feu engendré représente le feu générateur, la statue de Mercure, Mercure. Cette représentation s'appelle représentation par image. « Or, les processions des personnes divines se considèrent suivant les actes de l'intellect et de la volonté. En effet, le Fils procède comme la parole de l'intellect; le Saint-Esprit, comme l'amour de la volonté. Il en résulte que, dans les créatures raisonnables, douée d'intellect et de volonté, se trouve la représentation de la Trinité par forme d'image, puisqu'on trouve en elles le Verbe conçu et l'amour procédant'. » Il en résulte encore que le dogme de la Trinité a autant de miroirs qu'il y a d'anges dans le ciel, de démons dans l'enfer, et d'hommes venus ou à venir sur la terre, depuis le commencement du monde jusqu'à la fin. En résumé, ce qui, dans les créatures inanimées, est mesure, nombre et poids, s'appelle dans les créatures raisonnables puissance, sagesse, amour; et en Dieu, Père ou puissance, Fils ou sagesse, Saint-Esprit ou amour mutuel du Père et du Fils. Ces trois choses : puissance, sagesse, amour, sont tellement essentielles en Dieu, qu'une de moins, Dieu n'est pas et ne peut pas ' 1 p., q. xw, art. 7, cor. 12 TRAITÉ DU SAINT-ESPRIT.

même se concevoir. Si vous lui ôtez la puissance, qu'avezvous? le néant. La sagesse? le néant. L'amour'? le néant? Nous avons ajouté que Dieu possède les trois conditions essentielles de l'être dans toute leur perfection. Or, dans l'être propremént dit, la perfection de ces conditions, c'est d'être réelles, substantielles, subsistantes par elles-mêmes; en un mot, de vraies hypostases ou personnes distinctes. En attendant les preuves directes du dogme de la Trinité, cela soit dit, non pour démontrer ce qui est indémontrable, mais pour montrer que l'auguste mystère n'a rien de contraire à la raison, et que même la vraie philosophie en soupçonne l'existence, avant d'en avoir la certitude. Ainsi Dieu l'a voulu. Et pourquoi? D'une part, afin de ne jamais se laisser sans témoignage, en imprimant ses vestiges ou son image dans toutes les créatures ; d'autre part, afin de donner aux hommes, et spécialement aux nations chrétiennes, le moyen d'atteindre leur perfection, en prenant pour modèle la Puissance infinie, la Sagesse infinie, l'Amour infini. En effet, si le dogme de l'unité de Dieu fut le soleil du monde judaïque, le dogme de la Trinité est le soleil du monde évangélique. Or, ce qu'est la rose en bouton à la rose épanouie, le dogme de l'unité de Dieu l'est au dogme de la Trinité. Marcher en la présence d'un Dieu en trois personnes, clairement connu, est donc pour les peuples chrétiens la loi de leur être et la condition de leur supériorité. 'De là, le mot de saint Jérôme : Sans le Saint-Esprit, le mystère de la Trinité est incomplet : Absque enim Spirite sancto, imperfectum est mysterium Trinitatis. Ad Hedibian,, opp. t. IV, p. 189. 2 Reprmsentatio vestigii attenditur secundum appropriais; per quem modem ex creaturis in Trinitatem divinarum personarum veniri po test. S. Th., ibid., ad 1. TRAITÉ DU SAINT-ESPRIT. 13

C'est la loi de leur être. Viennent-ils à l'oublier ou à la méconnaître? Sur-le-champ ils tombent des hauteurs lumineuses du Calvaire, et, rétrogradant de quarante siècles, ils se replongent dans les ténèbres du Sinaï. Là ne s'arrête pas leur chute. Un peuple chrétien ne peut cesser de l'être, sans descendre au-dessous du juif, audessous du mahométan, sans devenirune race dégradée qui n'a pas de nom dans la langue humaine. C'est la condition de leur supériorité. La perfection intellectuelle et morale d'une société est toujours en raison directe de la notion qu'elle a de Dieu. Autant la connaissance claire de l'unité divine éleva les enfants d'Israël au-dessus des nations païennes, autant la révélation de la Trinité élèveles peuples chrétiens au-dessus du peuple juif. Que les sociétés baptisées le sachent ou qu'elles l'ignorent, qu'elles le croient ou qu'elles le nient, c'est dans les profondeurs de ce dogme éternellement fécond, que se trouve la source cachée de leur supériorité, sous tous les rapports. La Trinité est le pivot du christianisme, par conséquent la première assise des sociétés, nées du christianisme. Otez ce dogme, et l'incarnation du Verbe n'est plus qu'une chimère; la rédemption du monde, une chimère; l'effusion du Saint-Esprit, une chimère; la communication de la grâce, une chimère ; les sacrements, une chimère ; le christianisme tout entier, une chimère; et la société, uneruine'. Trinitatis fides per quam subsistit munis Eccesia. Orig., homil. ix in Exod., n. 3. - De mysterie agirons, quod fidei nostrm prmcipuum caput est, et totius christianm religions fundamentum. Hoc sublato, jam noua esset Verbi incarnatio, nulla Christi satisfactio, mulla hominum redemptio, mulla Spiritus sancti effusio, nulle gratiarum largitio, railla sacramentorum efficacia: totum rueret salutis opus. Liebeimz., Instit. theolog., t. III, p. 123.

CHAPITRE II (SUITE DU PRECEDENT.) Preuves directes de la Trinité : la Bible. - Le monde, l'homme, le chrétien : trois créations qui révèlent le mystère de la Trinité. - Dans le principe, Dieu créa le ciel et la terre, et l'Esprit deDieu était porté sur les eaux : formule de la création du monde physique. - Explication de saint Augustin. - Faisons l'homme à notre image : formule de la création de l'homme. - Explication dé saint Thomas, de saint Chrysostome, de saint Augustin, de Bossuet. - Manifestations multiples de la Trinité. - Passage de M. Drach. - Jee te baptise au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit : formule de la création du chrétien. - Explcation. - Autant de preuves de la Trinité, autant de preuves de la divinité du Saint-Esprit.