Différences entre les versions de « Le miracle de Bayonne »

De Christ-Roi
Aller à la navigation Aller à la recherche
Ligne 72 : Ligne 72 :
  
 
<small>(6) Raymond d'Onzac, évêque de Bayonne, va en Angleterre pour rester quelque temps près du roi, qui lui accorde sa protection pendant le voyage et notifie ce fait au peuple de Bayonne. - Lettre du roi Henri III :  « Réparez à l'évêque de Bayonne tout dégât fait dans sa propriété pendant son absence » (1252). - A l'évêque et à tout le clergé de Bayonne, au maire, chapitre, jurats, et citoyens de Bayonne, le roi demande confiance pour équiper des galères (1243). - Plaintes des armateurs de Bayonne sur la capture de leurs navires par les pillards de l'île de Wigth et des côtes méridionales d'Angleterre. Leur punition (1254). - Lettre du roix aux maires et cent pairs « pour faire des galères pour la defense de l 'Eglise » contre les Sarrasins d'Espagne et d'Afrique (1276). - Pierre de S. Jean, évêque de Bayonne, est nommé procureur du roi d'Angleterre, auprès du roi de Castille, pour le mariage de Jeanne, fille d'Edouard, avec le fils aîné d'Alfonse de Castille (1346). Ordre de laisser les nouveaux maires, jurats, cent pairs et la communauté de Bayonne, leurs bourgeois et marchands, les sujets de Bayonne et chacun d'eux, quittes du paiement de 3 deniers, par livre, sur tous leurs biens venant aux ports anglais. (22 déc. 1376. Edouard III). - Pierre de Ville de Bayonne, amiral anglais (1403). Nomination de Pierre du Bernet, évêque de Bayonne, après Menendez (1406). Envois d'hommes armés et d'archers de Bristol à Bayonne et vaisseaux nécessaires au transport de sir John de Astley, chevalier maire de Bayonne (1451). Chan. J.-B. Daranatz. Curiosités du Pays Basque. Bayonne, Lasserre, 2 vol. in-8°, t.I, pp. 293-195: t.II, pp. 296-317.</small>.
 
<small>(6) Raymond d'Onzac, évêque de Bayonne, va en Angleterre pour rester quelque temps près du roi, qui lui accorde sa protection pendant le voyage et notifie ce fait au peuple de Bayonne. - Lettre du roi Henri III :  « Réparez à l'évêque de Bayonne tout dégât fait dans sa propriété pendant son absence » (1252). - A l'évêque et à tout le clergé de Bayonne, au maire, chapitre, jurats, et citoyens de Bayonne, le roi demande confiance pour équiper des galères (1243). - Plaintes des armateurs de Bayonne sur la capture de leurs navires par les pillards de l'île de Wigth et des côtes méridionales d'Angleterre. Leur punition (1254). - Lettre du roix aux maires et cent pairs « pour faire des galères pour la defense de l 'Eglise » contre les Sarrasins d'Espagne et d'Afrique (1276). - Pierre de S. Jean, évêque de Bayonne, est nommé procureur du roi d'Angleterre, auprès du roi de Castille, pour le mariage de Jeanne, fille d'Edouard, avec le fils aîné d'Alfonse de Castille (1346). Ordre de laisser les nouveaux maires, jurats, cent pairs et la communauté de Bayonne, leurs bourgeois et marchands, les sujets de Bayonne et chacun d'eux, quittes du paiement de 3 deniers, par livre, sur tous leurs biens venant aux ports anglais. (22 déc. 1376. Edouard III). - Pierre de Ville de Bayonne, amiral anglais (1403). Nomination de Pierre du Bernet, évêque de Bayonne, après Menendez (1406). Envois d'hommes armés et d'archers de Bristol à Bayonne et vaisseaux nécessaires au transport de sir John de Astley, chevalier maire de Bayonne (1451). Chan. J.-B. Daranatz. Curiosités du Pays Basque. Bayonne, Lasserre, 2 vol. in-8°, t.I, pp. 293-195: t.II, pp. 296-317.</small>.
 +
 +
 +
Bayonne avait pour gouverneur, au nom de l'Angleterre, en 1451, Jean de Beaumont, frère du connétable de Navarre et appartenant à cette grande famille d'outre-monts, toujours opposée aux intérêts français.
 +
 +
Les armées royales de Charles VII, devant Bayonne, avaient pour chefs Gaston IV, comte de Foix, souverain de Béarn, et le comte Dunois, compagnon de Jeanne d'Arc, en sa campagne de France.
 +
 +
Gaston de Foix avait 2 000 arbalétriers, avec archers, guisarmiers et pavisieux (7), ''tirés de son pays'',
 +
« dont il faisait beau voir les montures et harnois de feste ».
 +
 +
Dunois avait 600 lances et un corps considérable d'archers, de guisarmiers et d'artilleurs. 1 000 à 1 200 Espagnols combattaient avec les Français (Castillans, alliés du roi ; Navarrais, hommes de Gaston de Foix) ; 600 Biscayens tenaient la mer contre les Anglais, avec 12 vaisseaux. Sommés de se rendre le 6 août, les Bayonnais refusèrent.
 +
 +
L'investissement complet de la ville par Dunois se fit le 7 août. Il s'était établi à l'est, du côté de Mousseroles, entre l'Adour et la Nive. Le comte de Foix se plaça à St. Léon, sur le champ de manoeuvres actuel, vers les Augustins, du côté de la Porte d'Espagne.
 +
 +
Le Sire d'Albret et le Vicomte de Tartas, arrivés 6 jours plus tard, campèrent à Saint-Esprit, d'où ils détruisirent le pont de bateaux et coupèrent toute retraite possible aux assiégés, de ce côté-là.
 +
 +
Ceux-ci, massés vers Saint-Léon, attaquèrent le premiers ; mais ils furent repoussés et ils abandonnèrent ce poste après avoir brûlé tous les édifices et laissé un grand fossé infranchissable entre eux et les Français. Gaston de Foix occupa aussitôt l'église des Augustins. Les assiégés en furent réduits aux petites sorties et aux coups de main ; mais le comte de Foix ayant délogé les gardes anglaises de l'église des Carmes à Lachepaillet, et les assiégés, apprenant bientôt l'approche des grosses bombardes de Dunois, commencèrent à ''faillir'' et entrèrent en composition, le 18 Août.
 +
 +
On stipula que la garnison sera prisonnière de guerre avec le gouverneur Jean de Beaumont et qu'il serait perçu une rançon de 40 000 écus d'or. La réddition de Bayonne, datée du 19 août 1451, laissait l'honneur sauf. La résistance avait duré 13 ou 14 jours, intense et vigoureuse de la part des Bayonnais, combattant par devoir et succombant, faute d'un secours vainement attendu.
 +
 +
Les Français devaient entrer dans la ville, le matin du vendredi, 20 août, pour prendre possession du Château-Vieux et occuper la cité.
 +
 +
Le lendemain, les portes étaient largement ouvertes. Des fanfares guerrières se faisaient entendre.
 +
 +
Les vainqueurs s'ébranlent et vont prendre possession. Ce sont les Français et leurs alliés : Gascons, et Béarnais de Gaston de Foix, Basques du Labourd, de Navarre et du Guipuzcoa, et aussi les Espagnols de Castille et du nord de l'Espagne.
 +
 +
Il est environ 7 heures du matin. Le ciel, tranquille et pur, bleu et serein, semble sourire à la terre. Le zéphyr caresse et agite les bannières, les étendards, et les pennons rouges, couleur des vaincus, qui surmontent les portes et les tours, les murs de la cathédrale et les fortifications de la ville.
 +
 +
Soudain, au-dessus du camp de Gaston de Foix, un peu à l'ouest, vers l'Espagne, apparaît une immense croix blanche et lumineuse, en forme de crucifix.
 +
 +
Alors, tous de faire le signe de la croix, d'adorer en silence, de se prosterner, d'acclamer parfois avec amour et avec foi le signe sacré de notre Rédemption. Et sur cette grande croix immobile, bientôt la couronne d'épines du divin Crucifié se transforme en blanches fleurs de lis.
 +
 +
Alors aussi, les Bayonnais sortent de leurs demeures, adorent la croix blanche, essuient leurs larmes et disent que le Ciel veut sûrement qu'ils soient Français par la blanche apparition de ce signe lumineux et aussitôt ils se dépouillent des livrées rouges d'Angleterre pour revêtir la blanche livrée française.
 +
 +
Et qui nous apprend cette incroyable merveille ? Ce sont les deux grands chefs de l'armée française, les comtes de Foix et de Dunois, dans une belle lettre envoyée par eux-mêmes au roi de France, Charles VII, alors à Taillebourg en Charente, et dont voici le texte admirable:
 +
 +
===Lettre des comptes de Foix et de Dunois au roi ( 20 août 1451) ===
 +
"Nostre souverain et très redoubté seigneur, nous nous recommandons à vostre bonne grâce tant humblement que faire le povons, et vous plaise sçavoir que ,grâces à Nostre Seigneur, ceste cité de Bayonne est en vostre puissance du jour d'uy à vostre grant honneur et proffit, ainsi que veoir le pourrés par le double de l'appoinctement <small>(Appoincteinent: accord, traité)</small> faict par lesd. de Bayonne que par ce pourteur vous envoyons.
 +
 +
Sire, il est vray que à la propre heure que vos gens prenoient la possession du chastel de Baionne, estant le ciel très cler et bien escuré <small>(Escuré: purifié, net, nettoyé)</small>, apparut une nue où apparaît une grant croix. blanche sur la dicte ville de Bayonne, du costel d'Espaigne; et là s'est arrestée, sans remuer ne bougiez, l'espace d'une heure; et comme dient les aucuns, qui l'ont vehue au commencement, et estoit en forme d'ung crucifix, la couronne sur la teste, laquelle couronne se tourna puis en fleur de lis et a esté vehuy <small>(Vehuy: vue)</small> par tous les gens de cest ost <small>(Ost: armée)</small>, où estoient de mille à douze cents hommes de guerre Espaignoulx qui sont icy avec leurs maignies <small>Magnies: compagnies, groupes. Les chefs tiennent à marquer la présence des Espagnols pour indiquer la fidélité de cette alliance.)</small> en vostre service.
 +
 +
<small>Nous donnons ici même une curieuse Variante du même récit fournie par Escouchy. Il serait curieux de rapprocher toutes celles des plus anciens auteurs, Berry, J. Chartier, du Clercq, etc. :
 +
 +
« Aujourduy, XXe jour d 'oust, à l'heure de sept heures du matin, à laquelle heure estoit promise la cité de Bayonne, et y entrèrent les gens du roy, pour en prendre la possession, au ciel, qui à ceste heure, estoit cler et bien purifié s'apparut dedens une nuée, une croix blanche, au droit de lad, cité, devers les parties d'Espaigne ; laquelle croix, sans mouvoir, demeura l'espace de une heure. Et aucuns disent que, au commencement sur icelle croix avait une semblance de ung crucifix, couronné d'une couronne d'azur sur chef laquelle couronne se mua en une fleur de liz. Dont chacun fut esmerveillés et ceux de lad, ville estoient fort espoentez de veoir telles merveilles, et incontinent leur ensaigne de leur croix rouge, qu'ils avoient sur leurs portes et tours, ostèrent. »
 +
 +
G. du F. de Beaucourt. IIe de Charles VII. 5, p. 52 (F. francs, 5028, f° 183) et du Chesne (Oeuvres d'A. Chartier, p. 848).</small>
 +
 +
Ces choses nous a semblé à tous très merveilleuses et mesmement à ceux de la ville de Baionne, lesquels, quand ils le choisirent <small>(Probablement erreur de copiste, pour voisirent, virent)</small>, lous esabïs, faisant le signe de la croix, incontinent toutes les enseignes <small>(Enseignes: petits drapeaux, insignes, étendards, bannières.)</small> estans sur les pourlaulx et tours, où estoit le croix rouge, ostèrent et mirent jus <small>(Jus: dessous, bas par terre.)</small>.
 +
 +
Demain, avons entencion faire l'entrée de la ville, et, mardi, partir, tenans nostre chemin par devers vous, en la plus grand diligence que faire pourrons, au bon plaisir de Nostre Seigneur, lequel vous doint, nostre souverain et très redoublé seigneur, bonne vie et longue, et à nous, nobles et haulx désirs.
 +
 +
Escript en nostre logis, dehors Bayonne, le vendredi, XXme jour d'aost.
 +
 +
Ainsi signé, vos très humbles et obéissans, les comtes de Foix et de Dunoys. GASTON et JEHAN. De La Loère
 +
 +
<small>Biblioth. Nation. de Paris. Chronique du XVe s. F. Franç. 6487, f. 2. Arch. Nation. dans la Table du Mémorial L. des Comptes (PP. 118) - Chronique, de Mathieu d'Escouchy. p. G. du F. de Beaucourt. (1863), t.1, pp. 361 et suiv. et t.3 Preuves, p. 397.  Là aussi se voit une lettre personnelle de Dunois au roi sur le même sujet, ibid., p. 366, t.I.</small>.
 +
 +
 +
===La levée du siège===
 +
Le samedi matin, à 10 h., les grands chefs, le maréchal de Lohéac, et nombre de seigneurs et de guerriers se présentèrent aux portes de la cathédrale où les attendaient l'évêque G.A. de Lasègue (18), le Chapitre et le Clergé, avec les reliques. Tous les vénérèrent et entrèrent à l'église pour y prier.
 +
 +
Le lendemain, dimanche, les chefs revinrent à la cathédrale pour entendre la messe ; ensuite ils reçurent le serment de fidélité des Bayonnais et de tous ceux qui devaient l'hommage «Le comte de Foix, ajoute un auteur ancien, entra dedans et donna son harnois, lance, escu, espée et massue, à l'église, ensemble son cheval, couvert de drap d'or » (19). Ailleurs, on assure qu'il donna pour en faire une chappe la housse de son coursier estimée 500 écus d'or.
 +
 +
Le Miracle de Bayonne est�il une Légende ou un événement historique certain?
 +
 +
Un personnage éminent, à qui nous devons toute déférence, m'a demandé d'apporter toutes mes preuves et de ne pas laisser planer le moindre doute sur le fait de la glorieuse apparition.
 +
 +
Ce n'est précisément pas difficile.
 +
 +
Comment se prouvent, en effet, l'existence et les modalités d'un événement ancien, extérieur, public, visible ? Surtout par des témoignages contemporains. Des témoins oculaires, compétents, désintéressés, sincères, qui ne peuvent ni se tromper, ni nous tromper, voilà ce qu'il nous faut ! Avons�nous de pareils témoins ? Oui, et au�dessus de tout soupçon.
 +
 +
D'abord, les deux chefs de l'armée française, Gaston IV de Foix et le comte de Dunois. Ce sont eux qui annoncent l'événement au roi.
 +
 +
Gaston de Foix est le premier témoin. Nous savons ce qu'il était. On possède deux histoires de ce
 +
 +
4
 +
 +
Prince. L'une, écrite par son serviteur, Gme Leseur, publiée assez tard (20), l'autre, par un excellent érudit moderne (21) ; et, outre cela, il y a des récits nombreux et instructifs, qui nous représentent ce Prince magnifique, comme un homme de haute moralité, de valeur guerrière incontestable ; brave, honnête et grand seigneur, à qui l'on donnait les deux titres de chevaleureux et de droicturier. N'offret�il pas toutes garanties sérieuses d'un témoin recevable ? Comment aurait�il pu se tromper et pourquoi aurait�il voulu nous tromper ? Poser la question, c'est la résoudre.
 +
 +
Quant à Dunois, il faut lire sa déposition sur Jeanne d'Arc au Procès de réhabilitation pour comprendre la moralité, l'honneur et la loyauté de ce grand chef, qui ne pouvait que dire la vérité au roi de France (22).
 +
 +
Y a�t�il mieux que de pareils témoins ? C'est que nous avons aussi la lettre, envoyée le 25 août par le roi lui�même à toutes les villes de France, pour leur ordonner des prières et des fêtes en l'honneur des événements de Bayonne dont il leur adresse la relation. Nous avons encore les lettres envoyées en cette occasion à Mâcon (3), à Pamiers (24) et à Marmoutiers (25). Il s'ensuit que la France entière a connu et vénéré aussitôt le Miracle de Bayonne et que l'opinion publique française dut placer très haut le prestige de cette ville, où pareille manifestation divine s'était accomplie.
 +
 +
Le document est assez important pour mériter d'être offert à la pieuse curiosité de nos auditeurs et de nos lecteurs
 +
 +
S'ensuit la coppie des lettres que le Roy a escript ez bonnes villes de son Royaulme:
 +
 +
Nostres amés et féaul et chiers et bien amez comme avez assés peu savoir pour ce que ceulx de nostre ville et cité de Baionne ne voulurent estre comprins ou traictié et appoinctement qui avoit esté fait sur le fait de la redduction en nostre obéissance de noz ville et cité de Bordeaulx et autre païs du Bordelois et de Guienne, lors occupez pas nos ennemiz les Anglois, nous envoyasmes partie de nostre armée, ensamble nostre artillerie, pour mettre le siège devant nostre d. ville de Bayonne, et est advenu, que, après que le siège a esté devant par
 +
 +
 +
 +
 +
 +
 +
 +
 +
(/8) Garcia Arnaud de Lasègue, originaire de Bayonne, chanoine de la cathédrale, d'abord évêque de Dax, puis évêque de Bayonne (/444�1454).
 +
 +
(/9) Guilsme de la Perriére dans les Annales de Foix (Toulouse, /525), f 66.
 +
 +
(20) Leseur, Gme, Hist, de Gaston IV, comte de Foix, chronique française médite du XV° s., publiée pour la Soc, de l'Histoire de France, par M. Courteault (Paris. 1893�1895), 2 vol. in�8°.
 +
 +
(21) H. Courteault. Gaston 1V, comte de Foix. Toulouse 1895, in�8° pp. 155e! suiv.
 +
 +
(22) Quicherat, Ayrolles, etc.
 +
 +
(23) Mathieu d'Escouchy. Chronique. Preuves, III, p. 399 et Bibl. Nation. F. Franc. 4420, fol. 80 ro.
 +
 +
(24) Lahondès. Annal. de Pamiers. 1, p. 269 H. Courteault, Gaston 1V, p. /57.
 +
 +
(25) BibI. Nat. F. Baluze, 77f. 36/. J. J. 185,ff /04, 145. Armoires deBalu:e, t. XXV, pp. 39, /46. � F. Franç. 4054, pièce 79.
 +
 +
 +
 +
 +
Ces choses nous a samblé à tous très merveilleuse et mesmement à ceux de la ville de Baionne, lesquelz, quant ils la choisirent, comme esba    ï's, faisans le signe de la croix, incontinent toutes les enseignes estans sur les pourtaulx et tours où estoit la croix rouge, estèrent et mirent jus.
 +
Demain avons entencion faire l'entrée de la ville; et mardi partir tenans notre chemin par devers vous en la plus grant diligence que faire pourrons, au bon plaisir de Nostre Seigneur, lequel vous doint, nostre souverain et très redoubté seigneur, bonne vie et longue, et vous, nobles et haulx désirs.
 +
Escript en nostre logis de hors Bayonne, le vendredi Xxèmejour d'aot.
 +
Ainsi signé: Vos très humbles et obéissons, les comtes de Foix et de Dunoys.GASTON ET JEHAN. De La Loere.
 +
 +
''(Fragments d'une chronique du I5ème siècle, Ms. Fr. 6487, f.2)''.
 +
''publié par G de Beaucourt parmis les pièces justificative de la Chronique de Mathieu d’Escouchy''
 +
 +
NOSTRE SOUVERAIN ET TRES REDOUBTE
 +
 +
SEIGNEUR. Nous nous recommandons à vostre bonne grâce, tant humblement que faire le povons, et vous plaise sça voir que, grâce à Nostre Seigneur, ceste cité de Bayonne est en vostre puissance oujourd'uy (8), à vostre grant honneur et proffit, ainsi que veoir le pourrés par le double de l'appoinctement (9) faict par lesd. de Bayonne que par ce pourteur vous envoyons.
 +
 +
Sire, il est vrai que, à la propre heure que vos gens prenoient la possession du chastel de Baionne, eslant le ciel très cler et bien escuré (12)» apparut une nue où apparait UNE GRANT CROIX SUR LAD. VILLE DE BAYONNE, DU COSTEL D'ESPAIGNE, ET LA S'EST ARRETE, SANS REMUER NE BOUGIEZ, L'ESPACE D'UNE HEURE; et comme dient les aucuns, qui l'ont vehue au commencement, ET ESTOIT EN FORME D'UNG CRUCIFIX, LA COURONNE SUR LA TESTE,
 +
 +
(7 Les guisariniers portaient des hachettes à deux tranchants et les pavisieux, de petits pavois, comme boucliers.
 +
 +
(8) Oujourd'uy pour Aujourd'hui.
 +
 +
(9,) Appoincteinent, accord, traité.
 +
 +
(10,) Escuré, purifié, net, nettoyé.
 +
 +
(/2) Ost, armée.

Version du 19 février 2006 à 19:23

Croix-blanche.JPG

Introduction

Reproduction selon le rapport fait par DUNOIS et Gaston de FOIX au roi Charles VII

Le miracle de la Croix Blanche, est celui de la libération de la Ville de Bayonne en 1451.

Bayonne est alors une des dernières Ville-symbole et d’importance libérée dans les mois précédant la fin de la Guerre de Cent ans.

Calais ne redevenant français qu’en 1598, Bayonne devint un symbole de la Libération du Pays et du bon droit français puisque l’histoire moderne le confirme, se produisit l’événement miraculeux de l’apparition dans le ciel de Bayonne le 20 août 1451, du côté de la Porte d’Espagne, d’une grande Croix Blanche (symbole des français contre la croix rouge des anglais) surmontée d’une couronne d’épines, qui se transformaient respectivement en fleur de lys et couronne blanche, comme énoncé dans la lettre des Comte de FOIX et de DUNOIS au roi CHARLES VII ( voir ci-après) et rapporté par les chroniqueurs de l’époque et l’inscription de pierre apposée au XXème siècle dans la cathédrale de Bayonne.

Les anglais rendirent donc Bayonne sans combattre, après 3 siècles d’occupation. Cet évènement miraculeux très symbolique avait été annoncé 20 ans avant par Jeanne d’Arc, et rejoint la Patronne de France dans l’aspect miraculeux de son histoire, de ses voix à son cœur qui continuait à battre après sa mort, comme en attestent les chroniqueurs et témoins de l’époque, et par exemple, le Musée de Rouen [1].


LETTRE DES COMTES DE FOIX ET DE DUNOIS AU ROI ( 20 AOÜT 1451)

"Nostre souverain et très redoubté seigneur, nous nous recommandons à vostre bonne grâce tant humblement que faire le povons, et vous plaise savoir que ,grâces à Nostre Seigneur, ceste cité de Bayonne est en vostre obeissance du jour d'uy à vostre grant honneur et proffit, ainsi que veoir le pourrés par le double de l'appointement faict par les diz de Bayonne que par ce pourtours vous envoyons. Sire, il est vray que à la proprre heure que voz gens prenoient la possession du chastel de Baionne, estant le ciel très cler et bien escuré, apparut unne nue où apparaît unne grant croix. blanche sur la dicte ville de Bayonne, du costel d'Espaigne; et là s'est arrestée, sans remuer ne bougiez, l'espace d'une heure; et comme dient aucuns qui l'ont vehue au commancement, et estait en forme d'ung crucifix, la couronne sur la teste, laquelle couronne se tourna puis en fleur de lis et a esté vehuy par tous les gens de cest ost, où estoient de mille à douze cens hommes de guerre Espaignoulx qui sont icy avec leurs maignies en vostre service. Ces choses nous a samblé à tous très merveilleuse et mesmement à ceux de la ville de Baionne, lesquelz, quant ils la choisirent, comme esba ï's, faisans le signe de la croix, incontinent toutes les enseignes estans sur les pourtaulx et tours où estoit la croix rouge, estèrent et mirent jus. Demain avons entencion faire l'entrée de la ville; et mardi partir tenans notre chemin par devers vous en la plus grant diligence que faire pourrons, au bon plaisir de Nostre Seigneur, lequel vous doint, nostre souverain et très redoubté seigneur, bonne vie et longue, et vous, nobles et haulx désirs. Escript en nostre logis de hors Bayonne, le vendredi Xxèmejour d'aot. Ainsi signé: Vos très humbles et obéissons, les comtes de Foix et de Dunoys.GASTON ET JEHAN. De La Loere.

(Fragments d'une chronique du I5ème siècle, Ms. Fr. 6487, f.2). publié par G de Beaucourt parmis les pièces justificative de la Chronique de Mathieu d’Escouchy



Discours de M. le Chanoine V. Dubaral (1928)

Extrait du discours prononcé à la Cathédrale de Bayonne, le 8Juillet 1928, par M. le Chanoine V. Dubaral, curé-archiprêtre de Saint-Martin, Président de la Société des Sciences, Lettres et Arts de Pau. O Crux, ave, O Croix, salut!


Les Prophéties de Jeanne d'Arc

C'était juste 20 ans avant le « Miracle de Bayonne », les premiers mois de l'année 1431. Une jeune fille de 19 ans expiait dans les prisons de Rouen le mérite et la gloire d'avoir libéré la France de l'oppression de ses ennemis. Pénétrée de l'esprit de Dieu et accompagnée de ses Voix inspiratrices, qui lui furent toujours fidèles, Jeanne d'Arc répondait aux questions de ses bourreaux, qui étaient ses juges, le 1er mars 1431 : « Avant qu'il soit sept ans, les Anglais perdront plus grand gage qu'ils ne firent devant Orléans » P. Champion, Le Procès de condamnation de Jeanne d'Arc. Paris. II. Champion, 1921, in-8°, pp. 154 et 158., allusion à la prochaine délivrance de Paris.

Et le samedi 7 mars 1431, elle ajoute qu'ils « seront boutés hors de France, exceptés ceux qui y mourront, et que Dieu enverra victoire aux Français » Dans le Missel de Bayonne de 1543 (1901. In-4°, p. XCII).... «Et de ce je suis messagère de par Dieu, et je dis de TOUT le royaume de France P. Dunand. Les Visions et les Voix. Paris. Poussielgue. 1903. In-8", p. 208. ».


La Conquête de la France

Cette conquête commence par un acte de réconciliation, entre Français et Bourguignons. Ces derniers avaient vendu Jeanne aux Anglais, mais celle-ci écrivit au duc de Bourgogne, en faveur de la paix « entre son roi et lui » Jeanne d'Arc appelait cela « gagner une grande besogne ». Elle requit le duc de Bourgogne d'avoir à se réconcilier « avec son roi ». Ibid.. Elle voulait convertir la haine en amour. Cette réconciliation se fit par la paix d'Arras, en 1435 Ibid. p. 209..

L'année suivante, c'est la prise de Paris par le connétable de Richemond (16-17 avril 1436).

Et puis, il y a des coups de main ; Montereau est pris en 1437, Meaux en 1440 - sans compter les mille autres incidents de la lutte.

Ensuite, c'est une longue trêve, incompréhensible pour nous aujourd'hui, et qui s'explique par la mollesse des uns et la lassitude de tous.

Enfin, tout s'agite en 1449.

La Normandie est alors aux Français. Rouen se rend en octobre et tout le pays maritime, l'année suivante, au point que le 12 août fut choisi comme jour de fête nationale de la délivrance et célébré pendant longtemps.

Bientôt, la Guienne est attaquée. Bergerac et Bazas se rendent, dès 1449. Bordeaux ouvre ses portes à Dunois, le 30 juin 1451.


Siège de Bayonne

1451 ! Maintenant Bayonne, c'est ton tour : vas-tu te rendre, ou vas-tu résister ?

Les Bayonnais ne furent jamais ni peureux, ni lâches, ni traîtres. Ils sont honnêtes, loyaux, pleins de franchise et d'honneur.

Toutes délibérations prises, Bayonne va se défendre, Bayonne va résister. Telle est la vérité, toute la vérité.

Expliquons cela, et vous comprendrez alors, Mes Frères, pourquoi Bayonne, ville anglaise depuis 300 ans, voulait rester anglaise encore, en 1451.

Bayonne était ville anglaise depuis 1152. Eléonore d'Aquitaine, répudiée par Louis VII le jeune, épousa Henri Plantagenet, duc de Normandie et plus tard roi d'Angleterre. Elle lui portait en dot tout l'Ouest de la France et changea ainsi, en un instant, de par le droit public de l'époque, la nationalité d'un grand pays.

Imprévoyante faute politique, dit-on aujourd'hui - c'est vrai - et qu'il fallut réparer par des siècles de luttes sanglantes.

Mais, à lire les vieux documents, on voit que l'Angleterre traitait ses lointains sujets avec un libéralisme et une largeur de vues vraiment exceptionnelle. Elle faisait alors ce qu'elle fait d'ordinaire aujourd'hui pour ses possessions lointaines et ses colonies. L'Aquitaine était déjà, si vous le voulez, un Canada avant la lettre. Ce sont les faits qui nous l'apprennent, et avec quelle sûreté et quelle évidence !

Grâce aux secours de cette grande nation, Bayonne acquit une importance commerciale et maritime considérable. Les marins bayonnais étaient réputés les premiers marins du monde. Le commerce de notre ville jouissait d'une activité et d'une faveur extraordinaire. Savez-vous qu'à Séville, il y avait une « rue de Bayonne » et qu'à Londres l'évêque de Bayonne, le maire et les cent pairs, recevaient toujours l'accueil le plus courtois et le plus flatteur ?

(6) Raymond d'Onzac, évêque de Bayonne, va en Angleterre pour rester quelque temps près du roi, qui lui accorde sa protection pendant le voyage et notifie ce fait au peuple de Bayonne. - Lettre du roi Henri III : « Réparez à l'évêque de Bayonne tout dégât fait dans sa propriété pendant son absence » (1252). - A l'évêque et à tout le clergé de Bayonne, au maire, chapitre, jurats, et citoyens de Bayonne, le roi demande confiance pour équiper des galères (1243). - Plaintes des armateurs de Bayonne sur la capture de leurs navires par les pillards de l'île de Wigth et des côtes méridionales d'Angleterre. Leur punition (1254). - Lettre du roix aux maires et cent pairs « pour faire des galères pour la defense de l 'Eglise » contre les Sarrasins d'Espagne et d'Afrique (1276). - Pierre de S. Jean, évêque de Bayonne, est nommé procureur du roi d'Angleterre, auprès du roi de Castille, pour le mariage de Jeanne, fille d'Edouard, avec le fils aîné d'Alfonse de Castille (1346). Ordre de laisser les nouveaux maires, jurats, cent pairs et la communauté de Bayonne, leurs bourgeois et marchands, les sujets de Bayonne et chacun d'eux, quittes du paiement de 3 deniers, par livre, sur tous leurs biens venant aux ports anglais. (22 déc. 1376. Edouard III). - Pierre de Ville de Bayonne, amiral anglais (1403). Nomination de Pierre du Bernet, évêque de Bayonne, après Menendez (1406). Envois d'hommes armés et d'archers de Bristol à Bayonne et vaisseaux nécessaires au transport de sir John de Astley, chevalier maire de Bayonne (1451). Chan. J.-B. Daranatz. Curiosités du Pays Basque. Bayonne, Lasserre, 2 vol. in-8°, t.I, pp. 293-195: t.II, pp. 296-317..


Bayonne avait pour gouverneur, au nom de l'Angleterre, en 1451, Jean de Beaumont, frère du connétable de Navarre et appartenant à cette grande famille d'outre-monts, toujours opposée aux intérêts français.

Les armées royales de Charles VII, devant Bayonne, avaient pour chefs Gaston IV, comte de Foix, souverain de Béarn, et le comte Dunois, compagnon de Jeanne d'Arc, en sa campagne de France.

Gaston de Foix avait 2 000 arbalétriers, avec archers, guisarmiers et pavisieux (7), tirés de son pays, « dont il faisait beau voir les montures et harnois de feste ».

Dunois avait 600 lances et un corps considérable d'archers, de guisarmiers et d'artilleurs. 1 000 à 1 200 Espagnols combattaient avec les Français (Castillans, alliés du roi ; Navarrais, hommes de Gaston de Foix) ; 600 Biscayens tenaient la mer contre les Anglais, avec 12 vaisseaux. Sommés de se rendre le 6 août, les Bayonnais refusèrent.

L'investissement complet de la ville par Dunois se fit le 7 août. Il s'était établi à l'est, du côté de Mousseroles, entre l'Adour et la Nive. Le comte de Foix se plaça à St. Léon, sur le champ de manoeuvres actuel, vers les Augustins, du côté de la Porte d'Espagne.

Le Sire d'Albret et le Vicomte de Tartas, arrivés 6 jours plus tard, campèrent à Saint-Esprit, d'où ils détruisirent le pont de bateaux et coupèrent toute retraite possible aux assiégés, de ce côté-là.

Ceux-ci, massés vers Saint-Léon, attaquèrent le premiers ; mais ils furent repoussés et ils abandonnèrent ce poste après avoir brûlé tous les édifices et laissé un grand fossé infranchissable entre eux et les Français. Gaston de Foix occupa aussitôt l'église des Augustins. Les assiégés en furent réduits aux petites sorties et aux coups de main ; mais le comte de Foix ayant délogé les gardes anglaises de l'église des Carmes à Lachepaillet, et les assiégés, apprenant bientôt l'approche des grosses bombardes de Dunois, commencèrent à faillir et entrèrent en composition, le 18 Août.

On stipula que la garnison sera prisonnière de guerre avec le gouverneur Jean de Beaumont et qu'il serait perçu une rançon de 40 000 écus d'or. La réddition de Bayonne, datée du 19 août 1451, laissait l'honneur sauf. La résistance avait duré 13 ou 14 jours, intense et vigoureuse de la part des Bayonnais, combattant par devoir et succombant, faute d'un secours vainement attendu.

Les Français devaient entrer dans la ville, le matin du vendredi, 20 août, pour prendre possession du Château-Vieux et occuper la cité.

Le lendemain, les portes étaient largement ouvertes. Des fanfares guerrières se faisaient entendre.

Les vainqueurs s'ébranlent et vont prendre possession. Ce sont les Français et leurs alliés : Gascons, et Béarnais de Gaston de Foix, Basques du Labourd, de Navarre et du Guipuzcoa, et aussi les Espagnols de Castille et du nord de l'Espagne.

Il est environ 7 heures du matin. Le ciel, tranquille et pur, bleu et serein, semble sourire à la terre. Le zéphyr caresse et agite les bannières, les étendards, et les pennons rouges, couleur des vaincus, qui surmontent les portes et les tours, les murs de la cathédrale et les fortifications de la ville.

Soudain, au-dessus du camp de Gaston de Foix, un peu à l'ouest, vers l'Espagne, apparaît une immense croix blanche et lumineuse, en forme de crucifix.

Alors, tous de faire le signe de la croix, d'adorer en silence, de se prosterner, d'acclamer parfois avec amour et avec foi le signe sacré de notre Rédemption. Et sur cette grande croix immobile, bientôt la couronne d'épines du divin Crucifié se transforme en blanches fleurs de lis.

Alors aussi, les Bayonnais sortent de leurs demeures, adorent la croix blanche, essuient leurs larmes et disent que le Ciel veut sûrement qu'ils soient Français par la blanche apparition de ce signe lumineux et aussitôt ils se dépouillent des livrées rouges d'Angleterre pour revêtir la blanche livrée française.

Et qui nous apprend cette incroyable merveille ? Ce sont les deux grands chefs de l'armée française, les comtes de Foix et de Dunois, dans une belle lettre envoyée par eux-mêmes au roi de France, Charles VII, alors à Taillebourg en Charente, et dont voici le texte admirable:

Lettre des comptes de Foix et de Dunois au roi ( 20 août 1451)

"Nostre souverain et très redoubté seigneur, nous nous recommandons à vostre bonne grâce tant humblement que faire le povons, et vous plaise sçavoir que ,grâces à Nostre Seigneur, ceste cité de Bayonne est en vostre puissance du jour d'uy à vostre grant honneur et proffit, ainsi que veoir le pourrés par le double de l'appoinctement (Appoincteinent: accord, traité) faict par lesd. de Bayonne que par ce pourteur vous envoyons.

Sire, il est vray que à la propre heure que vos gens prenoient la possession du chastel de Baionne, estant le ciel très cler et bien escuré (Escuré: purifié, net, nettoyé), apparut une nue où apparaît une grant croix. blanche sur la dicte ville de Bayonne, du costel d'Espaigne; et là s'est arrestée, sans remuer ne bougiez, l'espace d'une heure; et comme dient les aucuns, qui l'ont vehue au commencement, et estoit en forme d'ung crucifix, la couronne sur la teste, laquelle couronne se tourna puis en fleur de lis et a esté vehuy (Vehuy: vue) par tous les gens de cest ost (Ost: armée), où estoient de mille à douze cents hommes de guerre Espaignoulx qui sont icy avec leurs maignies Magnies: compagnies, groupes. Les chefs tiennent à marquer la présence des Espagnols pour indiquer la fidélité de cette alliance.) en vostre service.

Nous donnons ici même une curieuse Variante du même récit fournie par Escouchy. Il serait curieux de rapprocher toutes celles des plus anciens auteurs, Berry, J. Chartier, du Clercq, etc. :

« Aujourduy, XXe jour d 'oust, à l'heure de sept heures du matin, à laquelle heure estoit promise la cité de Bayonne, et y entrèrent les gens du roy, pour en prendre la possession, au ciel, qui à ceste heure, estoit cler et bien purifié s'apparut dedens une nuée, une croix blanche, au droit de lad, cité, devers les parties d'Espaigne ; laquelle croix, sans mouvoir, demeura l'espace de une heure. Et aucuns disent que, au commencement sur icelle croix avait une semblance de ung crucifix, couronné d'une couronne d'azur sur chef laquelle couronne se mua en une fleur de liz. Dont chacun fut esmerveillés et ceux de lad, ville estoient fort espoentez de veoir telles merveilles, et incontinent leur ensaigne de leur croix rouge, qu'ils avoient sur leurs portes et tours, ostèrent. »

G. du F. de Beaucourt. IIe de Charles VII. 5, p. 52 (F. francs, 5028, f° 183) et du Chesne (Oeuvres d'A. Chartier, p. 848).

Ces choses nous a semblé à tous très merveilleuses et mesmement à ceux de la ville de Baionne, lesquels, quand ils le choisirent (Probablement erreur de copiste, pour voisirent, virent), lous esabïs, faisant le signe de la croix, incontinent toutes les enseignes (Enseignes: petits drapeaux, insignes, étendards, bannières.) estans sur les pourlaulx et tours, où estoit le croix rouge, ostèrent et mirent jus (Jus: dessous, bas par terre.).

Demain, avons entencion faire l'entrée de la ville, et, mardi, partir, tenans nostre chemin par devers vous, en la plus grand diligence que faire pourrons, au bon plaisir de Nostre Seigneur, lequel vous doint, nostre souverain et très redoublé seigneur, bonne vie et longue, et à nous, nobles et haulx désirs.

Escript en nostre logis, dehors Bayonne, le vendredi, XXme jour d'aost.

Ainsi signé, vos très humbles et obéissans, les comtes de Foix et de Dunoys. GASTON et JEHAN. De La Loère

Biblioth. Nation. de Paris. Chronique du XVe s. F. Franç. 6487, f. 2. Arch. Nation. dans la Table du Mémorial L. des Comptes (PP. 118) - Chronique, de Mathieu d'Escouchy. p. G. du F. de Beaucourt. (1863), t.1, pp. 361 et suiv. et t.3 Preuves, p. 397. Là aussi se voit une lettre personnelle de Dunois au roi sur le même sujet, ibid., p. 366, t.I..


La levée du siège

Le samedi matin, à 10 h., les grands chefs, le maréchal de Lohéac, et nombre de seigneurs et de guerriers se présentèrent aux portes de la cathédrale où les attendaient l'évêque G.A. de Lasègue (18), le Chapitre et le Clergé, avec les reliques. Tous les vénérèrent et entrèrent à l'église pour y prier.

Le lendemain, dimanche, les chefs revinrent à la cathédrale pour entendre la messe ; ensuite ils reçurent le serment de fidélité des Bayonnais et de tous ceux qui devaient l'hommage «Le comte de Foix, ajoute un auteur ancien, entra dedans et donna son harnois, lance, escu, espée et massue, à l'église, ensemble son cheval, couvert de drap d'or » (19). Ailleurs, on assure qu'il donna pour en faire une chappe la housse de son coursier estimée 500 écus d'or.

Le Miracle de Bayonne est�il une Légende ou un événement historique certain?

Un personnage éminent, à qui nous devons toute déférence, m'a demandé d'apporter toutes mes preuves et de ne pas laisser planer le moindre doute sur le fait de la glorieuse apparition.

Ce n'est précisément pas difficile.

Comment se prouvent, en effet, l'existence et les modalités d'un événement ancien, extérieur, public, visible ? Surtout par des témoignages contemporains. Des témoins oculaires, compétents, désintéressés, sincères, qui ne peuvent ni se tromper, ni nous tromper, voilà ce qu'il nous faut ! Avons�nous de pareils témoins ? Oui, et au�dessus de tout soupçon.

D'abord, les deux chefs de l'armée française, Gaston IV de Foix et le comte de Dunois. Ce sont eux qui annoncent l'événement au roi.

Gaston de Foix est le premier témoin. Nous savons ce qu'il était. On possède deux histoires de ce

4

Prince. L'une, écrite par son serviteur, Gme Leseur, publiée assez tard (20), l'autre, par un excellent érudit moderne (21) ; et, outre cela, il y a des récits nombreux et instructifs, qui nous représentent ce Prince magnifique, comme un homme de haute moralité, de valeur guerrière incontestable ; brave, honnête et grand seigneur, à qui l'on donnait les deux titres de chevaleureux et de droicturier. N'offret�il pas toutes garanties sérieuses d'un témoin recevable ? Comment aurait�il pu se tromper et pourquoi aurait�il voulu nous tromper ? Poser la question, c'est la résoudre.

Quant à Dunois, il faut lire sa déposition sur Jeanne d'Arc au Procès de réhabilitation pour comprendre la moralité, l'honneur et la loyauté de ce grand chef, qui ne pouvait que dire la vérité au roi de France (22).

Y a�t�il mieux que de pareils témoins ? C'est que nous avons aussi la lettre, envoyée le 25 août par le roi lui�même à toutes les villes de France, pour leur ordonner des prières et des fêtes en l'honneur des événements de Bayonne dont il leur adresse la relation. Nous avons encore les lettres envoyées en cette occasion à Mâcon (3), à Pamiers (24) et à Marmoutiers (25). Il s'ensuit que la France entière a connu et vénéré aussitôt le Miracle de Bayonne et que l'opinion publique française dut placer très haut le prestige de cette ville, où pareille manifestation divine s'était accomplie.

Le document est assez important pour mériter d'être offert à la pieuse curiosité de nos auditeurs et de nos lecteurs

S'ensuit la coppie des lettres que le Roy a escript ez bonnes villes de son Royaulme:

Nostres amés et féaul et chiers et bien amez comme avez assés peu savoir pour ce que ceulx de nostre ville et cité de Baionne ne voulurent estre comprins ou traictié et appoinctement qui avoit esté fait sur le fait de la redduction en nostre obéissance de noz ville et cité de Bordeaulx et autre païs du Bordelois et de Guienne, lors occupez pas nos ennemiz les Anglois, nous envoyasmes partie de nostre armée, ensamble nostre artillerie, pour mettre le siège devant nostre d. ville de Bayonne, et est advenu, que, après que le siège a esté devant par





(/8) Garcia Arnaud de Lasègue, originaire de Bayonne, chanoine de la cathédrale, d'abord évêque de Dax, puis évêque de Bayonne (/444�1454).

(/9) Guilsme de la Perriére dans les Annales de Foix (Toulouse, /525), f 66.

(20) Leseur, Gme, Hist, de Gaston IV, comte de Foix, chronique française médite du XV° s., publiée pour la Soc, de l'Histoire de France, par M. Courteault (Paris. 1893�1895), 2 vol. in�8°.

(21) H. Courteault. Gaston 1V, comte de Foix. Toulouse 1895, in�8° pp. 155e! suiv.

(22) Quicherat, Ayrolles, etc.

(23) Mathieu d'Escouchy. Chronique. Preuves, III, p. 399 et Bibl. Nation. F. Franc. 4420, fol. 80 ro.

(24) Lahondès. Annal. de Pamiers. 1, p. 269 H. Courteault, Gaston 1V, p. /57.

(25) BibI. Nat. F. Baluze, 77f. 36/. J. J. 185,ff /04, 145. Armoires deBalu:e, t. XXV, pp. 39, /46. � F. Franç. 4054, pièce 79.



Ces choses nous a samblé à tous très merveilleuse et mesmement à ceux de la ville de Baionne, lesquelz, quant ils la choisirent, comme esba ï's, faisans le signe de la croix, incontinent toutes les enseignes estans sur les pourtaulx et tours où estoit la croix rouge, estèrent et mirent jus. Demain avons entencion faire l'entrée de la ville; et mardi partir tenans notre chemin par devers vous en la plus grant diligence que faire pourrons, au bon plaisir de Nostre Seigneur, lequel vous doint, nostre souverain et très redoubté seigneur, bonne vie et longue, et vous, nobles et haulx désirs. Escript en nostre logis de hors Bayonne, le vendredi Xxèmejour d'aot. Ainsi signé: Vos très humbles et obéissons, les comtes de Foix et de Dunoys.GASTON ET JEHAN. De La Loere.

(Fragments d'une chronique du I5ème siècle, Ms. Fr. 6487, f.2). publié par G de Beaucourt parmis les pièces justificative de la Chronique de Mathieu d’Escouchy

NOSTRE SOUVERAIN ET TRES REDOUBTE

SEIGNEUR. Nous nous recommandons à vostre bonne grâce, tant humblement que faire le povons, et vous plaise sça voir que, grâce à Nostre Seigneur, ceste cité de Bayonne est en vostre puissance oujourd'uy (8), à vostre grant honneur et proffit, ainsi que veoir le pourrés par le double de l'appoinctement (9) faict par lesd. de Bayonne que par ce pourteur vous envoyons.

Sire, il est vrai que, à la propre heure que vos gens prenoient la possession du chastel de Baionne, eslant le ciel très cler et bien escuré (12)» apparut une nue où apparait UNE GRANT CROIX SUR LAD. VILLE DE BAYONNE, DU COSTEL D'ESPAIGNE, ET LA S'EST ARRETE, SANS REMUER NE BOUGIEZ, L'ESPACE D'UNE HEURE; et comme dient les aucuns, qui l'ont vehue au commencement, ET ESTOIT EN FORME D'UNG CRUCIFIX, LA COURONNE SUR LA TESTE,

(7 Les guisariniers portaient des hachettes à deux tranchants et les pavisieux, de petits pavois, comme boucliers.

(8) Oujourd'uy pour Aujourd'hui.

(9,) Appoincteinent, accord, traité.

(10,) Escuré, purifié, net, nettoyé.

(/2) Ost, armée.