Les croisades

De Christ-Roi
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Une manifestation de foi populaire

A propos des croisades Jean Sévillia signale qu'elles furent avant tout une manifestation de foi populaire et une réaction de défense des Européens contre l’invasion de l’islam ottoman.

"Les excès et les massacres qu'on leur attribue ne sortent pas de l'ordinaire de l'époque et sont plutôt moins choquants que les horreurs du XXe siècle issu des Lumières..." [1]

"Les modernes ne comprennent pas qu’un Roi abandonne son état pour partir en croisade. Saint Louis ne pouvait pas comprendre qu’on abandonne Dieu pour l’état. Dieu, c’est Jésus : c’est avec Lui, par Lui et en Lui que l’homme atteint sa perfection. Dans cette quête qui l’a emmené loin de France, Saint Louis, modèle de tous ses sujets, leur montrait quelle est la perfection de l’homme..." (Abbé Vincent Bettin) [2]

Les croisades devraient être comprises comme le moyen le plus sûr de vaincre la religion du "faux prophète" et de cesser son expansion. Et ce jusqu'au XVIIIème siècle. Châteaubriand affirmait dans ses Mémoires d'outre-tombe : "... Les croisades ne furent des folies, comme on affectait de les appeler, ni dans leur principe, ni dans leur résultat. (...) Les croisades, en affaiblissant les hordes mahométanes au centre même de l'Asie, nous ont empêchés de devenir la proie des Turcs et des Arabes..."

Croisades : la grande épopée

Le souvenir de ces expéditions lointaines a longtemps fait rêver les Français. Aujourd'hui, elles ont moins bonne presse. Pourtant, au-delà de la légende dorée ou de la légende noire, les chercheurs voient dans l'aventure des croisades un moment capital de l'histoire occidentale.

Par Jean Sévillia, Le Figaro, [05 juillet 2003]

Première des huit grandes croisades, celle des «barons» (1097-1099), prêchée par le pape Urbain II, s’ouvre par le siège d’Antioche, qui dura neuf mois et établit la suprématie militaire des Francs. (DR.) Au mois de mars dernier, quand les troupes américaines et britanniques s'apprêtaient à donner l'assaut à l'Irak, afin d'inciter ses lecteurs à soutenir «the true Brits» partis combattre dans le désert, un tabloïd anglais illustrait ses pages d'un logo figurant un chevalier ceint d'un heaume décoré de la croix. Il n'était pas étonnant, dans ces conditions, d'entendre certains islamistes - comme ils l'avaient fait lors de la première guerre du Golfe, en 1991, ou lors de la guerre d'Afghanistan, en 2001 - dénoncer l'armée des croisés venue d'Occident pour occuper un pays musulman. Cependant, dans un cas comme dans l'autre, l'analogie ne vaut rien. Car les croisades, comme tout événement historique, ne peuvent être expliquées, comprises et jugées que dans leur contexte et, sauf à commettre un anachronisme délibéré, le monde du XIe siècle peut difficilement être comparé au nôtre.

Le 27 novembre 1095, à Clermont, le pape Urbain II lançait un appel à la chrétienté. En Terre sainte, expliquait-il, beaucoup de chrétiens avaient été «réduits en esclavage», les Turcs détruisant leurs églises. Et le souverain pontife avait exhorté les chrétiens à «repousser ce peuple néfaste». A Limoges, Angers, Tours, Poitiers, Saintes, Bordeaux, Toulouse et Carcassonne, Urbain II avait renouvelé son appel. Voilà le point de départ d'une entreprise que l'historien Emmanuel Le Roy Ladurie n'hésite pas à qualifier de «magnifique aventure».


Il n'y a guère, même dans les manuels de l'école républicaine, les croisades étaient regardées d'un oeil favorable : les laïcs y voyaient une expédition qui avait fait rayonner la culture française. De nos jours, le discours est facilement contraire : certains tendent à considérer les croisades comme une agression perpétrée par des Occidentaux violents et cupides à l'encontre d'un islam tolérant et raffiné. Et chez les chrétiens, le sujet frôle la repentance...

La question doit pourtant être abordée au-delà de l'air du temps, en refusant la légende noire comme la légende dorée, et en considérant les seuls faits. Les faits, du point de vue de la longue durée, c'est que la croisade n'a pas constitué une attaque gratuite contre le monde musulman mais, au contraire, a formé une réplique à l'expansion de l'islam.


Partis répandre la foi de Mahomet, les Arabes s'emparent de Jérusalem en 638. Réduits à la condition de dhimmi, les chrétiens du Moyen-Orient sont autorisés à pratiquer leur religion, mais astreints au port de signes distinctifs et au paiement d'un impôt spécial. Construire de nouvelles églises leur est interdit, ce qui, à terme, les condamne. Les pèlerinages européens peuvent continuer (pour les chrétiens du Moyen Age, le pèlerinage est une dévotion essentielle), mais à condition de payer un tribut. En 800, les califes abbassides, qui ont Bagdad pour capitale, reconnaissent à Charlemagne la tutelle morale sur les Lieux saints. Toutefois, au début du XIe siècle, la situation s'aggrave. Pour conserver leur poste, les chrétiens employés par le califat doivent se convertir à l'islam. En 1009, le calife El-Hakim persécute les non-musulmans. En 1078, les Turcs seldjoukides prennent Jérusalem. Dès lors, les pèlerinages deviennent si dangereux qu'ils finissent par s'interrompre.


Au VIIe siècle, les musulmans ont conquis la Palestine et la Syrie ; au VIIIe siècle, ils ont envahi l'Afrique du Nord en y détruisant une chrétienté dont saint Augustin avait jadis été la gloire, puis ils ont occupé l'Espagne et le Portugal ; au IXe siècle, ils ont conquis la Sicile. En ce XIe siècle, Constantinople fait face au péril turc. En 1054, un schisme a séparé l'Eglise d'Orient de l'Eglise de Rome, mais les différends théologiques n'empêchent pas les deux pôles du monde chrétien de se parler. Contre la pression turque, en 1073, l'empereur byzantin Michel VII appelle au secours le pape Grégoire VII, demande renouvelée par Alexis Ier Comnène à l'adresse d'Urbain II en 1095. En Espagne, la Reconquête chrétienne a commencé dès 1030. Tolède a été repris aux Maures en 1085 mais, l'année suivante, les Almoravides, venus du Maroc, ont lancé une nouvelle offensive. A l'incitation du pape, des chevaliers français se sont engagés dans les armées d'Aragon, de Castille et du Portugal. En Sicile, les Normands ont débarqué en 1040, ont chassé les Arabes au terme d'une guerre de trente ans.


C'est dans cette perspective à la fois géopolitique et culturelle qu'il faut replacer l'appel lancé par le pape, à Clermont, en 1095. La croisade, répétons-le, forme une réplique à l'expansion de l'islam, une riposte à l'implantation des Arabes et des Turcs en des régions qui ont été le berceau du christianisme au temps de saint Paul, implantation musulmane qui ne n'est d'ailleurs pas opérée par la douceur mais par de très classiques moyens militaires, c'est-à-dire par la force. Délivrer les Lieux saints, permettre aux chrétiens de se rendre sur les lieux où le Christ a vécu et où ses fidèles sont désormais persécutés, c'est le but de la croisade.

Croisade, disons-nous ? Oui, mais c'est encore un anachronisme. Car le mot croisade, apparu au tout début du XIIIe siècle, est postérieur aux premières croisades. Les croisés initiaux, eux, parlaient de pèlerinage, de passage, de voyage outre-mer. C'est que le but premier de la croisade était spirituel : il fallait mettre ses pas dans les pas du Christ. L'homme de 2003 est contraint de faire un effort intellectuel pour comprendre l'enjeu dont il est ici question. C'est que nous vivons tous, croyants ou incroyants, dans une société où la liberté de conscience et la laïcité sont érigées au rang de principes.

Le Moyen Age croit en Dieu


Au Moyen Age, non seulement ce n'est pas le cas, mais ces concepts ne sont pas même intelligibles : ils sont, au sens propre, inconcevables. L'Europe est chrétienne, et cette foi lui confère une communauté de civilisation, dans un temps où les nations ne sont pas constituées. Cette foi médiévale rend ténue, même si la tradition chrétienne distingue le domaine de Dieu et le domaine de César, la frontière entre le temporel et le spirituel. L'homme de 1003, lui, adore Dieu et craint le diable. Il y a pour lui beaucoup plus important que la vie terrestre : la vie au Ciel, qui n'est pas gagnée d'avance puisqu'il faut, pour la mériter, faire son salut afin d'échapper à l'enfer. L'Eglise, qui enseigne la parole divine, est gardienne du dogme : le Moyen Age, sans complexe, est dogmatique. Et puisque la vérité ne se divise pas, la liberté religieuse, à l'époque, est au même degré inenvisageable. Si l'on oublie ces données, on ne peut pas comprendre les motivations des croisés.


Imaginons un voyage à pied ou à cheval, au XIe siècle, depuis la Touraine jusqu'à la Palestine ! Des milliers de kilomètres sur un itinéraire incertain (ni panneaux ni cartes), en traversant des contrées hostiles (pas de téléphone en cas de problème), en affrontant la faim et la soif (l'intendance n'était pas prévue), et tout cela pour se diriger vers un pays dont les pèlerins ne savaient rien. Pour les gens du peuple, c'était la folie absolue. Pour les seigneurs aussi, avec en prime, pour eux, un risque financier, car ils devaient entretenir sur leur cassette propre leurs soldats et les pauvres qui les accompagnaient : la croisade a ruiné de nombreux seigneurs qui ont dû emprunter ou vendre des biens fonciers afin d'équiper leurs compagnies. Est-ce l'appât des terres qui les a attirés ? Même pas : l'historien Jacques Heers montre que de larges étendues étaient encore en friche en Occident, bien plus accessibles. Il n'y a pas de doute : ce qui a poussé les premiers croisés à partir, c'est la foi. «Dieu le veut», s'exclamaient-ils.


Dans son appel de Clermont, le pape s'est adressé en priorité aux chevaliers. Mais il est d'abord entendu par le peuple de Normandie, de Picardie, de Lorraine, d'Auvergne, du Languedoc ou de Provence. On cite le cas de villages entiers marchant vers l'Orient. Guidée par des chefs improvisés - Pierre l'Ermite et Gautier Sans Avoir -, la croisade populaire suit le Danube ou la plaine du Pô et traverse les Balkans. Le 1er août 1096, cette foule est à Constantinople. Mais le Bosphore à peine franchi, elle se fait massacrer par les Turcs.

L'autre croisade, celle des barons, vient derrière. Flamands, Lorrains et Allemands, le 15 août 1096, ont emboîté le pas à Godefroi de Bouillon ; les seigneurs du Languedoc et de Provence à Raymond de Saint-Gilles, comte de Toulouse ; Normands et Français à Robert Courteheuse, duc de Normandie, et à son beau-frère, Etienne de Blois ; les Normands de Sicile sont conduits par Bohémond de Tarente et son neveu Tancrède. Les uns ont passé par la Hongrie, d'autres par l'Italie, le reste par la mer. On les appelle tous les Francs car ceux qui sont issus des provinces qui formeront un jour la France sont les plus nombreux. 30 000 hommes en tout, qui se retrouvent à Constantinople en mai 1097. Passant en Asie, ils prennent Nicée puis Antioche. Ils progressent lentement car leurs adversaires sont de redoutables soldats, et parce que les chefs des croisés, rivaux, ne s'entendent guère entre eux. Cependant, le 15 juillet 1099, Jérusalem tombe entre leurs mains.

En entrant dans la ville, les barons chrétiens ont tué et pillé, c'est certain. La légende noire y voit la preuve de leur injustifiable violence. C'est oublier que les croisés se sont conduits comme tous les guerriers de l'époque. Le 10 août 1096, 12 000 «pauvres gens» de la croisade populaire ont été massacrés par les Turcs. Le 4 juin 1098, devant Antioche, les Turcs et les Arabes ont passé au fil de l'épée la garnison chrétienne de la forteresse du Pont de Fer. Le 26 août 1098, les Egyptiens ont arraché Jérusalem aux Turcs et anéanti les défenseurs de la ville, des musulmans liquidant d'autres musulmans...

Après l'élan mystique, une logique politique


Les premiers croisés, on l'a dit, étaient des pénitents motivés par un but spirituel. Après la prise de Jérusalem, un royaume latin est institué. Avec le titre d'«avoué du Saint-Sépulcre», Godefroi de Bouillon en prend la tête ; quand il meurt, quelques mois plus tard, son frère Baudouin le remplace. D'autres Etats chrétiens sont créés : la principauté d'Antioche, le comté d'Edesse, le comté de Tripoli. Or leur fondation ne figurait pas dans les plans primitifs du pape. Dès la prise de Jérusalem, chevaliers ou pauvres, les croisés sont retournés massivement en Europe. Ceux qui sont restés sur place sont isolés, car jamais les établissements francs ne seront des colonies de peuplement. Afin de protéger les principautés chrétiennes et les pèlerinages venus d'Occident, des ordres de moines-soldats - les Hospitaliers ou les Templiers - sont fondés. Mais le but de toutes les croisades postérieures à celle de 1096 ne sera jamais que de secourir les Etats latins implantés en Orient. Dorénavant, des enjeux temporels sont en cause. Après l'élan mystique, une autre logique s'en-clenche : elle est politique, elle est militaire, avec tout ce que cela peut entraîner d'humain, trop humain.


Dès 1144, les musulmans de Syrie reprennent Edesse. La deuxième croisade, prêchée par saint Bernard de Clairvaux, est conduite, en 1147, par l'empereur Conrad III et le roi Louis VII, mais l'opération échoue. En 1187, le sultan Saladin - maître de la Syrie, de l'Egypte, de l'Irak et de l'Asie Mineure - reprend Jérusalem et une grande partie des territoires francs. D'où une troisième croisade (1189-1192), emmenée par l'empereur Frédéric Barberousse, le roi de France Philippe Auguste et le roi d'Angleterre Richard Coeur de Lion. L'expédition ne parvient pas à reconquérir Jérusalem, mais obtient la reprise des pèlerinages.


En 1202, le pape Innocent III lance une quatrième croisade. Devenue le centre de la puissance musulmane, l'Egypte est cette fois visée. Les Vénitiens doivent transporter les troupes chrétiennes mais, les croisés n'étant pas assez nombreux pour réunir la somme exigée, les hommes de la Sérénissime se paient sur la bête en pillant une ville chrétienne de Dalmatie. Même scénario à Constantinople, facilité par les rivalités internes au sein de la dynastie byzantine. Assiégée par les Vénitiens en avril 1204, la capitale de l'empire d'Orient est pillée trois jours durant. Innocent III se trouve contraint de dénoncer ses propres soldats : «Vous avez dévié et fait dévier l'armée chrétienne de la bonne route dans la mauvaise.» Resté comme une déchirure dans la mémoire orthodoxe, le sac de Constantinople rendra irrémédiable le schisme de 1054 entre la chrétienté latine et la chrétienté d'Orient.


Il y aura encore quatre croisades. La cinquième (1217-1221), prêchée de nouveau par Innocent III et continuée par son successeur, Honorius III, aboutira à la conquête de Damiette. La sixième (1228-1129), conduite par l'empereur Frédéric II de Hohenstaufen, placera à nouveau Bethléem, Nazareth et Jérusalem aux mains des chrétiens, mais en 1244, la Ville sainte sera reconquise par les musulmans. Lors de la septième croisade (1248-1254), dirigée contre l'Egypte, l'armée de Saint Louis sera ravagée par la peste, le roi étant fait prisonnier et n'obtenant sa liberté qu'au prix d'une rançon et de la restitution de Damiette. La huitième croisade, menée en Tunisie en 1270, sera un désastre, Saint Louis y trouvant la mort. En 1291, la chute de Saint-Jean-d'Acre signifiera la fin des établissements chrétiens du Levant.


Le terme de croisade est trompeur. Il recouvre des événements étalés sur près de deux siècles, de 1095 à 1270, où les intérêts temporels pèsent de tout leur poids. Si la légende noire des croisades, pratiquant des indignations sélectives, est mensongère, la légende dorée de la chrétienté en marche, telle qu'on la trouvait naguère dans des livres bien intentionnés mais eux aussi mensongers, n'a pas de validité historique. En réalité, les croisades constituent un phénomène extrêmement complexe, où l'on trouve de tout.

Ces expéditions multiples n'ont pas constitué un affrontement de bloc à bloc. Les chrétiens comme les musulmans ont été divisés : des combats ont opposé des chrétiens à d'autres chrétiens, des musulmans à d'autres musulmans. On a même vu des tribus musulmanes s'allier aux croisés et certains chrétiens orientaux préférer le service de princes musulmans. Les deux siècles de présence franque ont aussi compris des périodes de paix, au cours desquelles on a vu chrétiens et musulmans coexister.


Toutefois, aujourd'hui, cette rencontre fait l'objet d'un mythe, car on ne veut pas attiser la notion de choc des civilisations. Mais l'histoire reste l'histoire. S'il est exact que des influences mutuelles se sont produites entre chrétiens et musulmans à l'époque des croisades, les chercheurs s'accordent à en souligner le caractère limité et fragile. Car jamais les trêves n'ont été durables. Sauf pour la principauté d'Antioche, les royaumes francs, réduits à une mince bande côtière, ont eu moins d'un siècle d'existence. En s'en tenant aux grandes lignes de leur histoire, force est de constater que ces Etats, le dos à la mer, ont été constamment sur la défensive. Dès qu'un territoire était reconquis par les musulmans, les chrétiens endossaient à nouveau leur statut de dhimmi. Et dans les principautés chrétiennes, même si les musulmans pouvaient construire des mosquées (ce qui n'était pas le cas des chrétiens en pays musulman), ils étaient soumis à un statut social inférieur. En d'autres termes, à l'époque des croisades, on n'a vu nulle part de tolérance au sens où notre culture contemporaine comprend ce concept.


Saladin, de nos jours, est présenté comme un souverain libéral. Mais lors la prise de Jérusalem, en 1187, s'il traite avec égard Guy de Lusignan, le roi de Jérusalem, il laisse massacrer Renaud de Châtillon, les Hospitaliers et les Templiers, de même que les troupes turques alliées aux Francs. Les plus chanceux des prisonniers chrétiens qui ne peuvent payer une rançon sont réduits en esclavage. Les autres sont placés devant cette alternative : la conversion à l'islam ou la mort. Saladin, un modèle de tolérance ?

L'histoire, c'est l'histoire. Celle-ci nous dit que, depuis la prise de la Syrie par les Arabes, en 636, Byzance n'avait fait que résister aux musulmans. En 1453, Constantinople tombera aux mains des Turcs. En 1526, Soliman le Magnifique fera la conquête de la Hongrie. En 1529, les Ottomans assiégeront Vienne. En 1571, la bataille navale de Lépante donnera un coup d'arrêt à leur offensive, barrée à nouveau, en 1683, lors du second siège de Vienne. Pendant quatre siècles, l'Europe centrale et balkanique aura vécu sous la menace turque. René Grousset, le grand historien des croisades, soulignait cependant que les croisades avaient donné à Constantinople un répit de trois siècles et demi. Le rappeler, ce n'est pas exprimer un fantasme de croisé mais énoncer un fait.

Ne pas récrire le passé au nom du présent

En 1983, dans un livre célèbre, les Croisades vues par les Arabes, le romancier Amin Maalouf accusait les croisés d'avoir provoqué une irrémédiable fracture : «Il est clair que l'Orient arabe voit toujours dans l'Occident un ennemi naturel. Et l'on ne peut douter que la cassure entre ces deux mondes date des croisades, ressenties par les Arabes, aujourd'hui encore, comme un viol.» Un viol, les croisades ? Sur le plan factuel, il sera toujours possible de répliquer que ce sont les musulmans qui, en envahissant des terres chrétiennes, ont violé les premiers. Mais l'expression est dangereuse, car elle semble ouvrir un crédit éternel de victimes aux pays musulmans. Et l'historien sait que les raisonnements par analogie doivent être maniés avec prudence : répétons-le, on ne peut comparer l'univers politique, social et mental de la chrétienté médiévale avec le nôtre. Mais cette autonomie de l'histoire vaut dans tous les sens. Ce n'est pas parce que nous sommes aujourd'hui confrontés à la présence de l'islam dans la société française qu'il faut récrire le passé. Les croisades, avec leurs ombres et leurs lumières, ont été une formidable épopée. On a bien le droit d'y rêver.

Les premiers croisés étaient des pèlerins

Par Jacques Heers

LE FIGARO

[05 juillet 2003]

La première croisade n'était, à l'origine, qu'un pèlerinage protégé par une force armée. A Clermont, le 27 novembre 1095, le pape Urbain II avait longuement évoqué les malheurs des chrétiens qui priaient au Saint-Sépulcre et avait appelé les chevaliers d'Occident à délivrer Jérusalem. Les hommes se disaient tous «pèlerins». La croisade des «barons» comptait, en fait, des dizaines de milliers de petites gens, hommes, femmes et enfants, sans armes ni vivres, encadrés, conduits, nourris par des chevaliers, hommes de guerre ceux-ci, infiniment moins nombreux. Ce n'était, en aucune façon, une «guerre sainte» : chevaliers et clercs ignoraient tout de l'islam. Les témoins et acteurs de l'expédition ne parlent pas une seule fois des musulmans ; pour eux, les ennemis étaient des Turcs et, bien plus souvent, des Mèdes, des Parthes, des Assyriens, des Sumériens et d'autres peuples de l'Antiquité.

Mais, très tôt, dès le séjour à Constantinople, les chefs de la croisade songèrent, eux, à conquérir des terres. Baudouin, frère de Godefroi de Bouillon, devint comte d'Edesse. A Antioche, soumise après un siège de huit mois, Bohémond de Tarente, prince normand de Sicile, l'emporta sur Raymond de Saint-Gilles, comte de Toulouse. Leurs querelles ont longtemps retardé la marche vers la Terre sainte, à tel point que les pauvres pèlerins menacèrent de reprendre seuls la route. Le 15 juillet 1099, les Francs prirent Jérusalem, l'arrachant aux Egyptiens qui, l'année d'avant, en avaient chassé les Turcs. Godefroi de Bouillon, «avoué du Saint-Sépulcre», voulait, en accord avec le patriarche latin aussitôt nommé, fonder un Etat pontifical, à l'instar de celui de Rome. Mais il mourut un an plus tard et Baudouin d'Edesse fut proclamé et couronné roi.

Dès lors, le but des croisades, qui comptaient toujours un grand nombre de pèlerins, fut aussi de défendre et même d'étendre ces Etats latins de Terre sainte. Elles étaient si nombreuses que personne ne pourrait en faire le compte. Notre habitude d'attribuer un numéro aux plus importantes ou aux plus insignes conduit à masquer une réalité bien plus complexe. En l'an 1100, trois grosses armées furent anéanties en Anatolie. Gênes, Pise et Venise armèrent plusieurs forces. Ce furent ensuite les Allemands et les Scandinaves. Chaque année amenait par mer une foule de pèlerins qui aidaient à construire de nouveaux châteaux.

La perte de Jérusalem, le 2 octobre 1187, provoqua un grand émoi en Occident. L'empereur Frédéric Barberousse traversa l'Anatolie à la tête d'une immense armée mais se noya dans un fleuve du Taurus. Le roi Richard d'Angleterre et Philippe Auguste embarquèrent leurs troupes sur des nefs armées à Gênes et à Marseille. Ils sauvèrent Saint-Jean-d'Acre assiégé par Saladin et Richard, victorieux jusqu'aux portes de Jérusalem, obtint un accord qui garantissait le libre accès aux Lieux saints.

Ces croisades maritimes évitaient de hasardeuses chevauchées. En revanche, il fallait négocier la location des navires ou se mettre à la merci des nations maritimes. L'an 1204, à Venise, les croisés, trop peu nombreux pour payer les navires qu'ils avaient fait construire, se sont pliés aux exigences de leurs créanciers : donner l'assaut à une ville de Dalmatie puis prendre Constantinople. Grâce au concours des Vénitiens et aux querelles qui divisaient les Grecs, les «pèlerins» emportèrent la ville au second assaut et y installèrent un empereur latin, le comte Baudouin de Flandre. Ce fut la curée, la chasse aux trésors et aux reliques. Ils mirent la ville à sac, dévalisant palais et maisons, creusant partout pour découvrir les caches. Les Grecs reprirent Constantinople en 1261 mais cet empire latin, qui ne devait sa survie qu'aux secours, a privé les Francs de Terre sainte et précipité leur chute.

L'idée d'attaquer l'Egypte était en l'air depuis longtemps. Saint Louis fit construire tout exprès le port d'Aigues-Mortes ; il y embarqua ses troupes le 25 août 1248. Fait prisonnier en mai 1250, libéré contre une énorme rançon, il demeura à Saint-Jean-d'Acre près de quatre années. L'engagement des souverains donne la mesure de ce que représentaient ces croisades pour les chrétiens d'Occident. L'empereur Barberousse y a laissé la vie. Le roi Louis VII est resté dix-huit mois absent, Richard d'Angleterre plus de trois ans et a failli y perdre son royaume. Saint Louis a pris la mer avec ses trois frères ; il n'est revenu en France que six ans plus tard ; la reine, Marguerite de Provence, l'accompagnait et trois enfants royaux sont à Acre.

Causes de la Croisades

Des pélerins massacrés

En 1064 le pèlerinage à Jérusalem de l'archevêque de Mayence et des évêques de Bamberg et Rastisbonne ("il se trouva pour le suivre plus de douze mille fidèles de son diocèse et des diocèses voisins, 'des barons et des princes, des riches et des pauvres'. Régine Pernoud, Les hommes de la Croisade, Taillandier, Mayenne 1977, p. 17) finit mal. Des milliers de personnes, sans défense, furent massacrées par les Musulmans.

"Le Vendredit saint, ils n'étaient plus qu'à deux jours de marche à peine de leur but, entre Césarée et Ramla.

C'est alors que surgit une troupe de Bédouins. Une grêle de flèches s'abbatit sur la foule exténuée, dont le seul recours fut la protection dérisoire que pouvaient offrir les chariots transportant malades, femmes et enfants, hâtivement disposés en barricades… Le massacre n'en dura pas moins du Vendredi saint à Pâques, et ne s'arrêta vraisemblablement que parce que les pillards étaient à courts de flèches, ou fatigués de tuer, ou parce que le butin n'en valait plus la peine..." (Régine Pernoud, Les hommes de la Croisade, Taillandier, Mayenne 1977, p. 18)

C'est le massacre des pélerins de l'évêque Gunther de Bamberg à Ramla (printemps 1065): "tous les participants avaient été massacrés, ou peu s'en faut… L'hécatombe qui en avait résulté – Günther emmenait avec lui quelque dix mille pèlerins dont aucun n'était armé et dont le massacre avait duré dix jours, du Vendredi saint à Pâques, – avait eu quelque influence sur la réponse faite par Urbain II lorsque celui-ci, trente ans plus tard, au Concile de Clermont, était venu appeler à la défense des pèlerins de Terre sainte. Aujourd'hui, le nom de Ramla qui s'inscrit sur les plaques de signalisation de l'autoroute éveille toujours, pour ceux qui connaissent l'histoire médiévale, une vive émotion…" (Régine Pernoud, Richard Cœur de Lion, Fayard, Mesnil-sur-l'Estrée 1988, p. 177).

"Le cas des pèlerins allemands de l'évêque Günther est connu sans doute à cause du grand nombre de ses compagons et partant de l'étendue du massacre, mais il n'est pas isolé.

Succomber à une attaque de pillards représentait d'ailleurs un sort à peine plus cruel que celui qui consistait à alimenter les marchés d'esclaves de Syrie ou d'Égypte; telle avait été pour plus d'un la fin du pèlerinage.

D'autres ne s'en tiraient qu'après avoir été rançonnés et dépouillés, tant aux divers péages qu'aux abords mêmes des Lieux saints, où les gardiens byzantins n'étaient pas les derniers à lever des taxes sur les pèlerins occidentaux..." (Régine Pernoud, Les hommes de la Croisade, Taillandier, Mayenne 1977, p. 18)

Première Croisade (1095-1099)

Les Francs s'établissent dans les terres chrétiennes conquises par les Arabes au VIIe s.

La 1ère Croisade "se termine par la reconquête militaire de la terre sainte et la défaite des arabes et des Turcs" (Jacques Heers, Les Croisades, les dossiers Historia, Saint-Amand 1999, p. 39).

Au Concile de Clermont, le 18 novembre 1095, le pape Urbain II appelle à la croisade.

En Terre sainte, expliquait-il, beaucoup de chrétiens avaient été «réduits en esclavage», les Turcs Seldjoukides détruisant leurs églises, les pèlerins sont empêchés de faire leurs dévotions à Jérusalem.

La reconquista visant à reprendre aux Musulmans le sud de l'Espagne avait, elle aussi, déjà préparé les esprits à l'idée de croisade.

On n'enregistre pas sans stupeur un autre arrêt du concile: …Philippe Ier, en effet, s'était publiquement rendu coupable d'adultère: abandonnant sa femme, il avait enlevé celle de son vassal, le comte d'Anjou, Foulques le Réchin.

Sommé au nom de l'autorité spirituelle de renoncer à cette union scandaleuse, il fit défaut au concile. Le pape prononça contre lui l'excommunication solennelle.

Lorsqu'on songe au grand dessein que le pape portait en lui dans le même temps, et pour lequel il fit appel précisément, en premier lieu, aux vassaux du roi de France, cette excommunication à elle seule donne le climat de l'époque.

Visiblement ce ne sont pas les soucis d'ordre politique qui la dominent... (Régine Pernoud, Les hommes de la Croisade, Taillandier, Mayenne 1977, p. 36).

"L'appel d'Urnain II ne pouvait en aucun cas surprendre: certains historiens disent même qu'il ne faisait que répondre à une attente vivement ressentie par un grand nombre de chevaliers qui, par les récits de leurs proches, étaient parfaitement au courant de la situation en orient et désiraient payer de leur personne.

"Les évêques et les abbés convoqués au Concile de Clermont le 18 novembre 1095 devaient s'en tenir à des problèmes discipliaires et, entre autres mesures, envisager l'excommunication de Philippe Ier,a ccusé d'adultère, de simonie et d'usurpation de biens ecclésiastiques.

"Ce n'est que le dixième jour du Concile, le 27 novembre, que le pape évoqua la terre sainte et le Saint-Sépulcre, les souffrances qu'y supportaient les pèlerins, exhortant alors les chrétiens à se lever nombreux pour aller défendre le pèlerinage, les armes à la main.

"Le texte de son discours ne nous est pas connu et les chroniqueurs du temps, témoins ou non, puis les hsitoriens par la suite, l'ont simplement reconstitué à leur manière. Mais tous se rejoignent à peu près. Urbain II parla longuement de la profanation de Jérusalem et des Lieux saints "où le Fils de Dieu habita corporellement"; il rappela que Nicée, Antioche, Jérusalem, villes où avaient vécu les premiers chrétiens, étaient maintenant aux mains des "arabes, des sarrasins, des Persans et des Turcs qui détruisaient les églises et immolaient les chrétiens comme des agneaux..."

L'insécurité dont parle urbain II à Clermont est bien réelle" (Jean Richard, Les Croisades, les dossiers Historia, Saint-Amand 1999, p. 157).

"C'est en ce sens que la croisade est une 'guerre sainte' : non une entreprise pour exterminer ni même convertir les autres, mais une campagne contre les ennemis, une reconquête des terres perdues" (Jacques Heers, Les Croisades, les dossiers Historia, Saint-Amand 1999, p. 42-47).

Il s'agissait d'une croisade pour soustraire à la domination des musulmans les Lieux saints de Palestine (aujourd’hui Israël et Palestine), et notamment le tombeau du Christ à Jérusalem aux mains des musulmans depuis 636 sous le califat d'Omar Ier.

Un sanctuaire musulman, le dôme du Rocher, fut élevé au-dessus du rocher réputé être le lieu de l'autel du Temple de Salomon. Les chrétiens furent traités avec indulgence, mais lorsque les califes égyptiens fatimides prirent Jérusalem en 969, leur situation devint plus précaire...

Les Turcs Seldjoukides firent la conquête de Jérusalem en 1078. Et le souverain pontife avait exhorté les chrétiens à «repousser ce peuple néfaste». A Limoges, Angers, Tours, Poitiers, Saintes, Bordeaux, Toulouse et Carcassonne, Urbain II avait renouvelé son appel. Voilà le point de départ d'une entreprise que l'historien Emmanuel Le Roy Ladurie n'hésite pas à qualifier de «magnifique aventure».

La destruction de l'église du Saint-Sépulcre fut l'un des motifs des croisades avec le jhihad islamique armé qui chassait les chrétiens de leurs terres. Les croisades, au nombre de huit, se sont achevées en 1270.

"Les victoires remportées contre les turcs, à vrai dire inespérées si l'on considère la disproportion des forces, étaient tenues pour des miracles" (Jacques Heers, Les Croisades, les dossiers Historia, Saint-Amand 1999, p. 48).

"Dès le début de la conquête, les Chrétiens de Syrie avaient constitué pour les Croisés une sorte de 'cinquième colonne' dont l'appoint n'était pas négligeable. Au premier rang parmi ces chrétiens, étaient les Arméniens qui avaient eu terriblement à souffrir, les siècles passés, soit des Byzantins, soit des Turcs qui en avaient fait d'horribles massacres (déjà)…

C'est dire que, placés entre deux oppresseurs, les Arméniens virent avec quelque soulagement venir les armées franques. Ils fournirent de l'aide aux armées de Tancrède et lors de la prise de Jérusalem (1099) des contingents arméniens combattirent à côté des Francs.

Dans la principauté d'Edesse, un réel attachement se manifeste même de la part de la population arménienne pour les comtes qui les gouvernent. Lorsque Jocelyn de Courtenay fut fait prisonnier (1123), c'est avec l'aide de la population arménienne de Kharpout qu'un petit groupe d'hommes résolus – cinquante en tout – parvint à se rendre maître de la ville et, attaquant la garnison, permit à Jocelin de s'échapper. Eux-mêmes allaient payer leur audace de leur vie, car les Turcs revinrent en masse et les masacrèrent jusqu'au dernier…

En dehors des Arméniens, le gros de la population chrétienne en Terre sainte se compose de Syriens ou de Grecs dont la religion est diverse: orthodoxes ou hérétiques de différentes sectes, principalement des monophysites…

En dépit du schisme, déclaré une cinquantaine d'années plus tôt, entre l'église de Byzance et le Siège de Rome, les rapports furent cordiaux; ils ne devaient s'envenimer que peu à peu, à la suite des trahisons des Byzantins (l'empereur Isaac Ange envoya ses félicitations à Saladin après la chute de la Ville sainte! en 1187...) et surtout après la prise de Constantinople par les croisés… Enfin, l'essentiel de la population se trouve cosntitué par les Musulmans… [Régine Pernoud, Les hommes de la Croisade, Taillandier, Mayenne 1977, p. 166-167].

Et voici que par un miracle qui parut divin, et devait encore exalter les enthousiasmes, à l’affreuse disette et aux fléaux des années passées succéda brusquement une année d’abondances et de bienfaits (1096) ; abondance en blé, en vin, en fruits de toutes sortes, comme si Dieu avait voulu directement favoriser l’œuvre de ceux qui allaient combattre pour Lui. (Sources : Funck-Brentano, L’ancienne France, le Roi, in Marquis de la Franquerie, La mission divine de la France, ESR, p. 139.

"Urbain II quitta Clermont le 2 décembre suivant. La suite de son itinéraire nous le montrer en diverses villes de la France méridionale, et dès lors la prédication de la croisade se mêle à la dédicace d'une multitude d'églises qui viennent de sortir de terre, car c'est une époque de pleine germination pour le sol de France, qui voit naître notre art roman, en même temps que nos chansons de geste: le 7 décembre, dédicace de l'église de Saint-Flour; consécration ensuite de l'ababtiale Saint-Géraud d'Aurillac; le 29 décembre, consécration solennelle de la cathédrale Saint-Etienne de Limoges, et le lendemain de l'ababtiale Saint-Sauveur dans la même ville. Puis c'est le 10, la consécration du maître-autel dans l'abbaye Saint-Sauveur de Charroux et, le 13 janvier, fête de saint Hilaire, celle d'un autre autel dans le monastère du même nom, à Poitiers. Il en est ainsi un peu partout où il passe, à Angers, à Marmoutiers, à Bordeaux, enfin à Toulouse où, le 28 mai de l'an 1096, on le revoit, avec, à son côté, Raymond de Saint-Gilles, à la consécration solennelle de la collégiale Saint-Sernin. Puis c'est la cathédrale de Maguelonne, celle de Nîmes, et l'autel de la nouvelle basilique de Saint-Gilles du Gard, où il se retrouve le 15 juillet avant de repartir pour Villeneuve-lès-Avignon, Apt, Forqualier et de gagner Milan par les cols des Alpes, au mois d'août 1096. Mais déjà, sur les routes, devançant les rendez-vous assignés par le pape, la croisade avait commencé (Régine Pernoud, Les hommes de la Croisade, Taillandier, Mayenne 1977, p. 43).

En 1096, le pape ne se doutait pas de l’enthousiasme et de la ferveur que son appel à la croisade allait susciter parmi les simples citadins et les paysans. En effet, parallèlement à la croisade des barons se forme une croisade des pauvres dont le principal initiateur et prédicateur est Pierre l’Ermite, originaire d’Amiens. Partis les premiers, ces croisés, dirigés par Pierre l’Ermite Avoir traversent l’Europe centrale, commettant nombre d’exactions sur leur passage (notamment en Germanie contre les Juifs). Environ 12 000 d’entre eux atteignent le Proche-Orient mais, mal équipés, ils sont rapidement anéantis par les Turcs à Nicomédie (aujourd’hui Izmit) en octobre 1096.

Le 1er août 1096, l' expédition de Pierre l'Ermite, - la date est incertaine – se trouvait sous les murs de Cosntantinople. Son expédition avait donc mis un peu plus de trois mois pour franchir la distance des bords du Rhin au Bosphore. Elle était composée d' "une foule incommensurable d'hommes du peuple, avec femmes et enfants, tous les croix rouges sur l'épaule. Leur nombre dépassait celui des grains de sable au bord de la mer, et des étoiles du ciel. Ils s'étaient précipités comme des torrents de tous les pays et avaient envahi l'empire grec en passant par la Dacie… Cela formait une cohue d'hommes et de femmes, comme de mémoire d'homme on n'en avait encore jamais vu". Ainsi s'exprime avec un brin d'exagération mériodonale, la propre fille de l'empereur, Anne Comnène, qui, racontant l'évènement s'est révélée historien de valeur avec toutefois, comme on peut le cosntater, un penchant pour les effets littéraires. La fille de l'empereur Alexis, Anne, affirme qu'il conseilla à Pierre d'attendre à Constantinople l'arrivée des barons croisés, et que seule l'impatience de celui-ci menan l'expédition à sa perte. D'autres historiens, en particulier l'Anonyme qui a raconté la première croisade, et dont les dires sont généralement exacts, affirme que c'est l'empereur, pressé de s'en débarrasser, qui hâta leur départ, en quoi il avait quelques excuses, car "les Chrétiens se conduisaient bien mal, enlevaient le plomb dont les églises étaient couvertes, si bien que l'empereur irrité donna l'ordre de leur faire traverser le Bosphore…

Le 21 octobre, les malheureux tombaient dans une embuscade tendue par les Turcs, qui en faisiaent aussitôt une massacre épouvantable. Après quoi il ne fut que trop facile aux vainqueurs de surprendre le camp de Civitot et d'y tuer au petit bonheur tous ceux qui s'y trouvaient: hommes, femmes, enfants… L'année suivante, Foucher de Chartres, … contemplait le long du golde de Nicomédie les tas d'ossements blanchis au soleil, témoins du massacre. On devait en 1101 bâtir de ces ossements, aux dires de la princesse Anne de Comnène: "Je ne dis pas un immense tas, ni même un tertre, ni même une colline, mais comme une haute montagne d'une superficie considérable, tant était grand l'amoncellement des ossements… (Régine Pernoud, Les hommes de la Croisade, Taillandier, Mayenne 1977, p. 52-54).

Suite à la prise d'Antioche (3 juin 1098 après un long siège de huit mois), les croisés qui allaient affronter l'armée de l'atabeg de mossoul étaient accompagnés d'une solennelle procession d'évêques, de prêtres, de clercs et de moines, tous en habits sacerdotaux, portant des croix. Au plus dur de la bataille alors que le sort demeurait incertain, ils virent venir à leurs secours "une grande troupe de cavaliers montés sur des chevaux blancs et portant de blanches bannières, dévalant les montagnes, conduits par saint Georges et par les bienheureux Démétrius et Théodore". Et l'un des historiens de ces croisades d'ajouter : "À tout ceci nous devons croire car de nombreux chrétiens l'ont vu". (Jacques Heers, Les Croisades, les dossiers Historia, Saint-Amand 1999, p. 48).

À partir de l'épisode d'Antioche, les Croisés ne bénéficient plus de la coopération byzantine...

Le 7 juin 1099, les Croisés atteignent Jérusalem qu'ils prennent le 15 juillet 1099. Durant deux jours (16-17), la ville est livée au pillage. Musulmans et Juifs sont massacrés, réduits en esclavage ou chassés. Le succès des Francs est donc entaché dès le départ me semble-t-il par ce massacre injuste des habitants de la Ville Sainte. Cette tache dut probablement obérer définitivement le succcès à long terme de la croisade.

Pour gouverner la ville, les Francs choisissent Godefroi de Bouillon qui n'acceptent que le titre d' "avoué du Saint-Sépulcre". À sa mort (1100), son frère, Baudouin de Boulogne, lui succède en tant que roi. Avec son successeur Baudouin II (1118-1131), Baudouin Ier est le véritable fondateur du royaume.

Pour le moment, Jérusalem redevint de nouveau une ville chrétienne et la capitale du nouveau royaume chrétien latin de Jérusalem jusqu'à sa prise, en 1187, par le chef musulman Saladin. La Ville Sainte revint à Godefroi de Bouillon et non à Raymond IV: par humilité, le seigneur lorrain refusa le titre de roi pour celui d'avoué du Saint-Sépulcre. A la mort de Godefroi, le royaume passe à son frère Baudouin (premier roi de Jérusalem (1100-1118), dont il fit un État régi par les principes de la féodalité.

Deuxième croisade (1147-1149

Saint Bernard prêche la 2ème croisade. Mais c'est un échec. En 1144, la perte d'Edesse (1144) prise par l'atalabeg de Mossoul, Zengî est très vivement ressentie en occident et la prédication de Saint Bernard à Vézelay en 1146 pour une croisade limitée aux grands, rencontrant un succès considérable dans toutes les classes de la société, réveille l'esprit de croisade : deux armées se constituent sous la direction de l'empereur Conrad III et du roi Louis VII. Elles empruntent un itiniraire terrestre. Les allemands subissent des pertes conséidérables en Anatolie où il sont battus par les Turcs, tandis que Louis VII suit la côte égéenne.

En 1148, ce sont finalement de maigres contingents qui parviennent jusqu'en Terre sainte en 1148. Et sur place les Francs sont divisés sur les objectifs à atteindre.

Le prince d'Antioche, Raymond de Poitiers, conseille d'attaquer Alep puis Edesse. Louis VII souhaite se rendre à Edesse. Un compromis fâcheux est trouvé malgré l'hostilité de Manuel Commène : la croisade assiégera Damas (23-28 juillet 1148) qui est pourtant l'alliée des Francs et représente pour eux un utile contrepoids à la puissance montante de Nûr al-Dîn.

L'attaque contre Damas échoue.

Les Francs et les croisés s'accusent réciproquement de la défaite et quittent la Palestine sans autre résultat que de renforcer Nour ad-Din à qui la prise de Damas permit de faire à son profit l'unité de la Syrie musulmane (1154).

Mais la deuxième croisade permet tout de même la création de quatre royaumes latins.

De la 2e à la 3e croisade

1163 "... la plus belle et la mieux connue de ces constructions est évidemment le Krak des chevaliers… À plusieurs reprises les forces musulmanes tentèrent de réduire le karak, qui semblait résumer à lui seul la force franque. Déjà le sultan Nouer-el-Din, maître d'Alep et d'Édese, et fort de l'échec de la deuxième croisade, avait essayé de s'en emparer. Il venait d'anéantir les armées du prince d'Antioche raymond, celle de Jocelin d'Édesse, et marchait de succès en succès lorsqu'il installa son camp devant le krak. La garnison était réduite à des effectifs squelettiques et sa reddition paraissait assurée; or, un jour, sur l'heure de midi, alors que seuls quelques gardes veillaient dans l'écrasante chaleur, les chevaliers surgirent, équipés de pied en cap, et bousculèrent d'un coup, avant même qu'elles fussent revenues de leur surprise, les troupes du Sultan, qu'ils poursuivirent jusque sur les bords du lac de Homs. Ce combat de bosquet qui en 1163 libéra le krak, rerste l'un des faits d'armes les plus étonnants des croisades. Saladin lui-même devait plus tard échouer devant le karak" (Régine Pernoud, Richard Cœur de Lion, Fayard, Mesnil-sur-l'Estrée 1988, p. 185-186).

De 1169 à 1171, Saladin unifie le monde musulman (Syrie-Egypte) : maître de la Syrie (1171).

1174 Mort d'Amaury. Son fils, "l'admirable Baydouin IV, le roi lépreux, déploya en dépit de son atroce infirmité une activité qui lui permit de tenir tête à Saladin et de remporter même contre lui la victoire de Montgisard (25 novembre 1177), l'un des faits d'armes les plus éclatants des croisades" (Régine Pernoud, Les hommes de la Croisade, Taillandier, Mayenne 1977, p. 12).

"Saladin ne fut quelque temps contenu que grâce à l'héroïsme de Baudouin IV, le Roi Lépreux, roi de Jérusalem (1174-1185, fils d’Amaury). Après la mort du roi lépreux Baudouin IV, en 1185, ce fut la catastrophe. A Hattin, presque toute la chevalerie franque fut tuée ou capturée. En quelques semaines, Saladin se rendit maître des états chrétiens à l'exception de quelques places côtières:

1174 Saladin s'empare de Damas (1171)

1176 Défaite contre les Turcs Seldjoukides du sultan d’Iconion (Konya, ville du centre de la Turquie, capitale du sultanat de Rum) qui précipite l’effondrement de l’empire.

Le 18 novembre 1177, c'est tout de même la victoire de Montgisard, "le plus grand fait d'armes des Francs soldats du Christ-Roi" : Saladin est défait par le jeune roi lépreux Baudouin IV [("500 chevaliers contre les 30 000 hommes de l'armée de Saladin à Montgisard" (Source: Régine Pernoud, Les hommes de la Croisade, Taillandier, Mayenne 1977, p. 98)]

"500 chevaliers auxquels se joignirent 80 Templiers (en tout 3000 combattants) contre 30000 Mamelouks au moins groupés autour de Saladin" (Régine Pernoud, Les hommes de la Croisade, Taillandier, Mayenne 1977, p. 156).

Voici le récit de cette bataille mémorable.

1177 MONTGISARD, LE PLUS GRAND FAIT D'ARMES DES FRANCS SOLDATS DU CHRIST-ROI [3]

(Rubrique Nos documents, Document divers, Histoire)

Le lieu : MONTGISARD. La date : le vendredi 18 novembre 1177.

Faits précédents : "…Un nouveau malheur attendait les Francs. Toutes les milices de l'arrière-ban qui se dépê-chaient de rejoindre leur roi et arrivaient par petits groupes, se trouvèrent soudain environnées par l'ennemi. Les unes après les autres, elles furent massacrées ou faites prisonnières. Elles furent attachées en longues files derrière des chameaux et traînées ainsi à la suite de l'armée.

"Dans tout le royaume ce fut la panique et l'épouvante. Tout le monde fuyait. Les campagnes et les villes étaient désertées. Ramla dont les défenses n'étaient pas assez solides avait été abandonnée. Les uns, ceux qui étaient en mesure de se battre, étaient allés rejoindre le roi à Ascalon par la côte, les autres s'étaient jetés dans le port de Jaffa ou dans le château de Mirabel dont les hautes murailles juchées au sommet des première collines, dominaient toute la plaine du littoral. De cet observatoire exceptionnel les réfugiés apeurés pouvaient voir les cavaliers ennemis sillonnant leurs terres, coupant leurs arbres et leurs vignes, démolissant leurs maisons, transformant leurs récoltes en brasiers. Au loin une lourde fumée noire montait des ruines de Ramla. A regarder ces troupes hurlantes, déchaînant l'apocalypse, on pouvait se croire revenu aux jours les plus sombres de l'Occident quand les hordes des Huns anéantissaient tout sur leur passage. La terreur que répandaient les musulmans était telle qu'à Jérusalem même l'affolement gagnait la population. Des familles entières abandonnèrent leurs maisons pour se mettre à l'abri derrière les énormes mœllons de la Tour de David.

"Tout semblait perdu. Seul un miracle aurait pu sauver le royaume. BAUDOUIN faisant preuve de la fermeté d'un véritable chef, ne cédait pas au désespoir. Devant tant de massacres et de désolations, il était prêt à livrer combat coûte que coûte pour tenter d'arrêter la marche de Saladin.

"Un léger renfort venait de lui arriver avec les Templiers de Gaza qui avaient préféré déserter leur ville pour se joindre à lui. Quatre-vingts frères étaient venus avec Eudes de Saint-Amand, ce qui portait les effectifs, selon Guillaume de Tyr, à trois cent soixante-quinze chevaliers…contre plus de 50000 musulmans !

"Quand on songe que plus de cinquante mille musulmans écu-maient la campagne, on comprend l'angoisse qui devait étreindre les cœurs les plus solides… Cependant, en dépit de tout, Baudouin décida de quitter Ascalon.

"Avec lui, il emmena pour implorer l'aide des cieux, la Vraie Croix, ce bois sacré recouvert de plaques d'or incrustées de pierreries que l'on sortait les jours de grands dangers, comme en France l'oriflamme de Saint-Denis. Pour ne point attirer l'attention de l'ennemi, il fit sortir ses troupes par la porte qui se trouvait le long de la mer. Ensuite, ils remontèrent à travers les dunes pour se mieux dissimuler et parvinrent ainsi près d'Ibelin. C'est alors en se dirigeant vers Ramla qu'ils se rendirent compte de l'étendue de la catastrophe. A mesure qu'ils mar-chaient au milieu des champs de coton brûlés, des maisons abattues, des vignes arrachées, dans l'air empuanti par les cadavres égorgés, éventrés de leurs frères, les Francs sentaient monter en eux une sourde et terrible colère. Loin de les abattre, la vue de tous ces malheurs ne faisait que les inciter davantage à se venger. Il n'était plus question d'attendre ou de manœuvrer avec pusillanimité, mais de courir contre le camp de SALADIN et de le combattre.

"Celui-ci progressait assez lentement et se trouvait encore au sud de Ramla, tandis que son séide, l'arménien Ivelin, poussait avec sa cavalerie, jusqu'à Calcalie bien plus au nord. Sans aller jusqu'à Ramla, les Francs obliquèrent à l'est vers le Tell Djezer, simple butte au milieu de la plaine, sur laquelle se trouvait le petit château de Montgisard. Là, le vendredi 18 novembre 1177, à l'abri de ses murailles, ils se rassemblèrent et se préparèrent au combat.

"Saladin se trouvait légèrement plus au sud. Il se croyait en sûreté, pensant avoir laissé les chrétiens derrière lui à Ascalon. En apprenant leur présence devant lui, sa surprise fut totale. Il n'eut que le temps de rassembler ses troupes égaillées dans la campagne à grand renfort de trompettes et tambours. Ses préparatifs n'étaient pas encore achevés lorsque Baudouin et sa troupe apparurent devant le tertre de Montgisard. Leur petit nombre paraissait dérisoire et, dans ces lieux bibliques, on pouvait justement évoquer le souvenir de David et Goliath…

"Au milieu de cette première bataille, l'évêque de Bethléem, Albert, vint se placer en portant la Vraie Croix pour inviter chacun à se surpasser. Quant à Baudouin il avait, selon les règles, prit le commandement de la troi-sième bataille aidé par Robert de Boves. Serrant les rangs ils marchaient en avant comme un seul homme. Sous un ciel tourmenté de novembre, dans la plaine rase d'où s'élevaient seules les fumées des ruines et des camps, ils avançaient résolus, prêts à mourir.

"Michel le Syrien, qui connut bien Baudouin, nous a raconté le geste émouvant du roi lépreux à cet ultime mo-ment. «Il descendit de sa monture, se prosterna la face contre la terre devant la Croix et pria avec des larmes. A cette vue le cœur de tous les soldats fut ému. Ils étendirent tous la main sur la Croix et jurèrent de ne jamais fuir et, en cas de défaite, de regarder comme traître et apostat quiconque fuirait au lieu de mourir.

"Ils remontèrent à cheval et s'avancèrent contre les Turcs qui se réjouissaient pensant avoir raison d'eux. En voyant les Turcs qui étaient comme la mer, les Francs se donnèrent mutuellement la paix et se demandèrent les uns aux autres un mutuel pardon. Ensuite, ils engagèrent la bataille». Il était environ deux heures. Baudouin d'Ibelin, épaulé par son frère Balian de Naplouse déchaîna à grands cris la première charge. Ils déferlèrent comme un torrent furieux prêt à tout engloutir, mais la violence de leur assaut fut bientôt anéantie par la véritable mer humaine dans laquelle ils s'étaient jetés. Il en alla de même pour les deux autres batailles qui s'élancèrent ensuite. Un moment on ne vit plus qu'une énorme houle, hurlante et ferraillante, d'où émergeait seul le bois de la Croix que brandissait l'évêque de Bethléem. Peu à peu, dans cette presse infer-nale, se firent quelques percées. Renaud de Châtillon, qui donnait libre cours à sa violence et à son désir de vengeance accumulé pendant seize ans de captivité, travaillait comme un bûcheron abattant des chênes, faisant de larges éclaircies autour de lui. Les beaux-fils de Raymond de Tripoli, Hugues et Guillaume de Tibériade, l'imitaient avec autant de succès ainsi que Robert de Boves qui, près de Baudouin sauvait le renom des gens de France. Loin de diminuer, le courage des Francs ne faisait que grandir à mesure que durait le combat. Bientôt un flottement, un léger remous se fit sentir dans les rangs adverses, puis soudain devant les trouées de plus en plus grandes qu'ouvrait la petite armée chrétienne, animée d'une ardeur surnaturelle, l'on vit les musulmans plier, céder. Enfin ce fut comme un vent de déroute qui disloqua leurs rangs, les emportant dans une fuite éperdue.

"Alors, l'on vit cet extraordinaire spectacle, trois cents chevaliers pourchassant des milliers de guerriers aguerris. A un moment donné, Saladin, reconnaissable à sa robe jaune rutilante, fut sur le point d'être pris et ne dut son salut qu'à la vitesse de son cheval et au sacrifice de quelques mameluks. Le sort de tout l'Orient chrétien s'est sans doute joué à cet instant. Si ces mameluks ne s'étaient fait tuer pour lui, Saladin eût été pris ou même tué et alors... Ce jour-là les mameluks non seulement sauvèrent leur maître, mais l'honneur du combat. Ils formaient la garde personnelle du sultan. Ils étaient mille, ressemblant à des archanges d'un monde infernal, étincelant dans leurs tuniques couleur safran. Avec tout leur courage et leur légendaire vertu guerrière, ils ne purent rien contre la débandade générale, rien que se faire massacrer.

"Un secours inattendu vint encore compléter la victoire des Francs. Tous les prisonniers que les musulmans traînaient attachés à des chameaux, profitant de la confusion générale, brisèrent leurs liens et ramassant des armes s'attaquèrent à ceux qui gardaient les bagages. La défaite fut alors totale. De la grande armée d'invasion il ne restait plus rien. Sur plus de vingt kilomètres ce fut une fantastique course poursuite jusqu'à des marais, sortes de trous d'eau le long des oueds, appelés la «Canée des Etourneaux». Tous les infidèles qui portaient encore des armes s'empressaient de les y jeter, qui un casque, qui un brassard ou une bottine de fer, qui une cotte. Ils y déversèrent aussi les quelques bagages qu'ils avaient encore, car il s'agissait non seulement de fuir plus vite et profiter de la nuit qui tombait, mais ten-ter de masquer l'ampleur de leur défaite en essayant d'empêcher les chrétiens de les exhiber comme trophées.

"Seule comptait la vitesse dans leur course éperdue, celui qui n'avait plus de cheval était un homme mort. Le temps lui-même se ligua contre les vaincus.

"Les gros nuages noirs si menaçants au début du combat crevèrent déversant une pluie glacée. La poursuite dura trois jours, pendant trois jours on ramassa des prisonniers grelottant de froid et de faim, pendant trois jours, on entassa le butin, repêchant tout ce qui avait été jeté à l'eau. Leurs chevaux qui n'avaient eu aucun moment de repos, car ils ne les avaient fait ni manger ni boire pendant les trois jours qu'ils séjournèrent sur notre territoire, furent tous perdus. Pour comble de misère, ils n'avaient absolument rien à manger pour eux-mêmes, en sorte que le froid et la faim, la lon-gueur des routes et toutes ces fatigues extraordinaires les épuisaient entièrement.... Pendant plusieurs jours on amena des prisonniers du milieu des forêts, des montagnes et même du désert ; quelques fois même il en venait qui se livraient de plein gré aimant mieux être jetés en prison et chargés de fers que de languir tourmentés par le froid et la faim…

"Dans tout l'Islam la nouvelle se répandit semant la consternation. Malgré le prestige de Saladin ce fut un jour de deuil et de honte. «Cette défaite fut un événement funeste, un événement terrible», écrivit un de leurs chroniqueurs. Pas un des apologistes de Saladin ne réussit à masquer ce moment néfaste qui leur avait fait souvenir que les chrétiens pouvaient être encore de redoutables adversaires.

"Le soir de la bataille, Baudouin vint se reposer à Ascalon. Son visage meurtri par la lèpre était transfiguré. Par la joie. Joie intense d'avoir sauvé son pays d'une catastrophe irrémédiable. Joie d'avoir vu le sultan le plus puissant, l'armée la plus aguerrie s'enfuir devant ses dix-sept ans et son infime cohorte. Joie de n'avoir perdu, fait étonnant, que cinq chevaliers ! Cette victoire était d'ailleurs si prodigieuse, si surprenante, si complète que tout le monde, et Baudouin le premier, voulut y voir la main de Dieu. Il se trouva des témoins pour avoir remarqué pendant le combat que la Vraie Croix brandie par l'évoque de Bethléem était devenue si haute que les combattants semblaient sous la protection de son ombre. D'autres avaient aperçu un mystérieux chevalier aux blanches armes dont les actions avaient été si éclatantes qu'il ne pouvait s'agir que de saint Georges… St Georges dont on vénérait la sépulture dans la ville toute proche de Lydda.

"L'aspect surnaturel ne diminua en rien le retentissement de ce triomphe ni le mérite de Baudouin. Par tout le royaume ce fut un immense soulagement et une indicible allégresse. Le fabuleux butin récupéré sur les musulmans permit de panser une partie des blessures et des ravages qu'ils avaient causés. "Sitôt les partages effectués Baudouin se rendit à Jérusalem afin d'y faire célébrer avec le plus de solennité possible des messes d'action de grâces et d'y jouir d'un repos dont il avait grand besoin".

BEAUDOIN AVAIT 17 ANS, IL ETAIT LEPREUX, IL ETAIT FRANC, IL ETAIT CATHOLIQUE."

En nom Dieu, les hommes d'armes ont bataillé et Dieu leur a donné la victoire."

En août 1182, Saladin essaie de prendre Beyrouth pour couper les États latins en deux : échec de l'opération.

En 1186, Guy de Lusignan devient roi de Jérusalem (1186-1192).

En Mai 1187, alors que Saladin préparait une opération de représailles contre le pillage de la caravane opéré par Renaud de Châtillon qu'il s'était juré de tuer de sa propre main (il devait tenir parole), Gérard de Ridefort lança inconsidérément (en dépit des avis contraires du maître de l'Hôpital et du maréchal du temple), contre sept mille Mamelouks,c ent quarante chevaliers qui furent imméditaement massacrés. Puis ce fut, sous couleur de venger les morts, la marche fatale vers Hâttin, l'armée follement engagée dans les collines arides, sans eau, sans ombre, et l'attaque décidée finalement sous l'influence de Richard de Ridefort et par ordre du roi Guy à l'encontre du Conseil des barons. Cette armée engagée dans les pires conditions, offrit aux Sarrasins une cible facile; il suffit d'un feu de broussailles rabattu par le vent pour étouffer littéralement les malheureux, et, tandis que raymond III et ses hommes réussissaient une eprcée désespérée dans les rans Turcs, tout le reste tomba au pouvoir de Saladin. Celui-ci eut la générosité d'épargner le roi qu'il reçut dans sa tente pour finalement le tuer de ses mains. Puis le Sultan fit attacher au poteau d'exécution, un à un, chacun des deux cent trente templiers qui avaient été faits prisonniers. A chacun tour à tour était offerte la possibilité d'avoir la vie sauve à condition de "crier la loi" (d'embrasser la religion musulmane). Pas un seul n'y consentit et tous eurent successivement la tête tranchée. Chose curieuse, Richar de Ridefort, le grand maître, échappa seul à ce traitement et eut la vie sauve, et l'on allait voir par la suite ce que l'on n'avait jamais vu encore et ce qu'on ne reverra plus dans les annales du Temple: Gérard livrant le château de Gaza, apaprtenant aux templiers, en échnage de sa propre libération; c'était aller contre l'un des serments sur lesquels reposait la vie de la terre sainte, mais gérard de Ridefort n'en était pas à un parjure près. Dans l'ordre, on l'accusait d'avoir "crié la loi" (Régine Pernoud, Les hommes de la Croisade, Taillandier, Mayenne 1977, p. 135-138).

Le 4 juillet 1187, c'est le désastre aux Cornes d'Hattîn contre Saladin. Guy de Lusignan est fait prsionnier; L'armé franque est anéantie; après quoi, ce devait être un jeu pour le vainqueur de s'emparer successivement de toutes les villes dont la conquête, une centaine d'années auparavant, avait coûté tant de sang et de larmes: Acre, le 10 juillet, Jaffa et Beyrouth le 6 août, Césarée, Sidon et Ascalon, enfin la ville sainte elle-même, Jérusalem, le 2 octobre. Le Royaume latin est réduit à Tyr.

On aurait pu croire après l'anénatissement de l'armée franque, que la terre sainte était entièrement perdue pour les Chrétiens. Pourtant sa survie allait se prolonger pendant cent ans encore… Ce n'est que grâce aux renforts arrivés d'Europe que cette résistance, concentrée à Tyr, puis à Acre, put opposer un front efficace aux armées de Saladin" (Régine Pernoud, Les hommes de la Croisade, Taillandier, Mayenne 1977, p. 139).

...Mais si contre toute attente, les royaumes francs purent survivre plus de cents à la catastrophe qui avait anéanti leur armée et livré Jérusalem à Saladin, ils le durent pour une bonne part aux forteresses dont les croisés avaient jalonné leurs conquêtes.

Ces forteresses ne formaient pas seulement un système de défense: elles permettaient aussi d'établir une chaîne de communications, chose impensable en un pays où les combattants dispersés devaient pouvoir correspondre au milieu d'une population hostile ou peu sûre.

On a nié qu'elles aient constitué un véritable système défensif; et il est hors de doute que les premières tout aumoins furent construites au hasard des circonstances, mais hors de doute aussi, le fait qu'une fois en possession d'une large part de la contrée les croisés s'appliquèrent à les organiser en véritables réseaux et qu'entre les châteaux et les villes fortifiées on pouvait correspondre de façon plus rapide que par les courriers, grâce au système rudimentaire de télégraphie optique dont les sémaphores ont été les derniers témoins avant la découverte de la radio, et qui existait d'ailleurs en Occident, par exemple pour la défense des ports et des places maritimes; à Marseille les différents 'farots' qui signalaient les écueils de la côte à l'usage des pilotes correspondaient aussi entre eux, d'une colline à l'autre, par des signaux lumineux pendant la nuit et des colonnes de fumée pendant le jour (l'une des collines surplombant le Vieux-Port en a tiré son nom: le Pharo).

Ainsi sur la côte palestinienne, le port de Jaffa communiquait avec Ibelin et la forteresse d'Ibelin avec Montgisard et Blanche-Garde, tandis que Blanche-Garde servait de relais entre Ascalon et le château de Beth-Gibelin (Régine Pernoud, Richard Cœur de Lion, Fayard, Mesnil-sur-l'Estrée 1988, p. 176-177).

C'est évidemment la grande époque du bâtiment dans tout l'Occident – l'époque qui voit s'élever, de Saint-Sernin de Toulouse à Cologne, ou à Lund, en Suède, toute une floraison d'édifices telle qu'aucune autre époque n'en connaîtra, s'accompagnant de ce phénomène de croissance des villes comme on ne le verra plus que dans l'Amérique du XIXe s.

Mais nulle part cette fièvre de bâtir n'est plus impressionnante qu'en orient, où elle se développe sous un climat hostile et parmi des populations difficilement tenues.

Or, à peine les Croisés ont-ils mis pied en Orient qu'ils commencent à bâtir, et leur activité de bâtisseurs ne cessera qu'à la chute du Royaume latin: deux siècles dont l'histoire est celle de la pierre autant et plus que de l'épée, et dans laquelle les édifices auront joué un rôle moins éclatant mais plus efficace que les batailles (Régine Pernoud, Richard Cœur de Lion, Fayard, Mesnil-sur-l'Estrée 1988, p. 179).

Leur terrible infériorité numérique, les dirigeants des royaumes latins la compensaient en partie grâce à leurs murailles et à leurs tours; elles leur assuraient tout au moins une supériorité stratégique et leur permettaient de soutenir des assauts inégaux.

De là l'importance des forteresses.

Pendant longtemps, on a attribué à l'influence musulmane ce développement de l'art des fortifications, et ce fut un des lieux communs de l'histoire de l'art que l'origine arabe ou byzantine de l'architecture militaire en Occident, précisément à la suite des croisades.

Le premier archéologue qui soutint la thèse contraire fit hausser les épaules; il s'appelait T.E. Lawrence. Aujourd'hui, on a reconnu la justesse de ses remarques et restitués aux croisés l'implantation en Orient de tout un système défensif qu'ils allaient être amenés à perfectionner sans cesse sous la poussée des circonstances (Régine Pernoud, Richard Cœur de Lion, Fayard, Mesnil-sur-l'Estrée 1988, p. 183-184).

Pour revenir au désasrte d'Hattîn, "...il est certain, au témoignage des chroniqueurs arabes, qu'il [Saladin] avait assisté en personne au massacre des prisonniers chrétiens après Hâttin, notamment des templiers, tous décapités..." (Régine Pernoud, Richard Cœur de Lion, Fayard, Mesnil-sur-l'Estrée 1988, p. 161).

2 octobre 1187 Prise de Jérusalem par Saladin suite à la défaite du roi de Jérusalem Guy de Lusignan à Hattin.

Régine Pernoud relève la trahison de l'empereur Byzantin: "l'empereur Isaac Ange envoya ses fellicitations à Saladin après la chute de la Ville sainte"… les rapports jusque là cordiaux entre l'Eglise de Byzance et le Siège de Rome devaient s'envenimer peu à peu à la suite des trahisons des Byzabtins et, surtout, après la prise de Cosntantinople par les croisés (Régine Pernoud, Les hommes de la Croisade, Taillandier, Mayenne 1977, p. 167).

Dans tout l'Occident, ces nouvelles allaient semer l'alarme et provoquer une émotion favorable à un regain d'attention pour la défense de ce que la Chrétienté considérait comme son fief: la Terre sainte, où le Christ avait vécu, était mort et ressuscité.

Richard prend la croix un des premiers – dès le lendemain du jour où parvint la nouvelle – des mains de l'évêque Barthélemy de Tours.

Troisième croisade (1189-1193)

Le 11 décembre 1189, Richard s'embarque pour la croisade (3ème).

"Pour faire rentrer de l'argent pour la croisade, Richard "se trouve peut-être le premier souverain à avoir songé à des ventes d'offices. Le mécanisme était simple: déposer baillis et vicomtes, puis exiger d'eux qu'ils se rachètent, faute de quoi ils étaient jetés en prison… Et tout lui était vendable, aussi bien puissance, domination, comtés, vicomtés, châteaux, villes, butins et autres semblables… Les évêques n'échappaient pas à la règle…

Si bien que, selon Benoît de Peterborough, il amassa un immense trésor en argent, plus qu'aucun de ses prédécesseurs ne semble en avoir possédé" (Régine Pernoud, Richard Cœur de Lion, Fayard, Mesnil-sur-l'Estrée 1988, p. 90-91).

Après la défaite de Hattin (4 juillet 1187) des Croisés contre Saladin, les États latins sont presque entièrement reconquis par le musulman : Jérusalem et le Saint-Sépulcre sont perdus.

De leurs vastes territoires du début du XIIe s., les Francs ne conservent que tyr, Tripoli, Antioche et quelques forteresses isolées comme le krak des chevaliers.

Cette défaite fait scandale.

Le pape Grégoire VIII incite les chrétiens au repentir et décide une nouvelle croisade.

Au printemps 1191 Richard (roi d'Angleterre 1189- 1199) et Philippe II arrive en Terre sainte.

Mais après une mésentente entre les deux rois, le roi de France rembarque quelques mois plus tard laissant Richard seul face au sultan d’Egypte et de Syrie Saladin.

Richard réussit à arbitrer les conflits politiques qui divisaient les Francs de Syrie-Palestine en reconnaissant Henri de Champagne comme roi de Jérusalem et en donnant, en compensation, Chypre au roi déchu Guy de Lusignan (qui avait été défait à Hattin en 1187).

Richard réussit à reprendre la quasi-totalité du littoral mais il lui faut renoncer à Jérusalem. Une trêve est conclue avec Saladin.

Chronologie:

Mai 1191 Richard prend Chypre à l'empereur byzantin Isaac Ange et le fait prisonnier pour avoir refusé son aide aux croisés. Le 5 juin, Richard quitte Chypre.

7 juin 1191 Nouvel éclat, Richard s'empare d'un vaisseau portant 1500 Sarrasins envoyés au secours d'Acre assiégée, défendue par le Sultan Saladin lui-même.

8 juin 1191 Entrée de Richard dans la baie de Saint-Jean d'Acre.

15 juin-23 juin 1191 Richard et Philippe tombent tous deux malades, atteints de "léonardie" (peut-être la malaria).

17 juin 1191 Saladin lance des attaques sur les arrières des Francs.

12 juillet 1191 Philippe et Richard enlèvent St Jean d’Acre le vendredi 12 juillet: "On vit les croix et les drapeaux se dresser sur les murs de la ville", écrit un chroniqueur arabe, Abou-Shama...

De son côté, le chroniqueur Ambroise rappelle triomphalement ce qui s'est passé quand les Sarrasins avaient fait la conquête d'Acre:

"Il y avait quatre ans que les Sarrasins avaient conquis Acre, et je me rappelle nettement qu'elle nous fut rendue le lendemain de la fête de saint Benoît malgré leur race maudite.

Il fallait voir alors les églises qui étaient restées dans la ville, comme ils avaient mutilé et effacé les peintures, renversé les autels, massacré les croix et les crucifix par mépris de notre foi pour satisfaire leur incroyance et faire place à leurs mahomeries (mosquées)…" Les troupes de Saladin s'éloignèrent, non sans transformer la région en désert sur leurs passages.

Jusqu'à Caïpha, les vignes, les arbres fruitiers furent coupés, les forteresses ou cités, petites ou grandes, détruites… Parcourant les anciennes églises d'Acre qui avaient été converties en mosquées, l'évêque de Vérone, Alard, l'archevêque de Tyr, les autres évêques, de Chartres, de Beauvais, de Pise, et généralement tous ceux qui avaient été présents, se mettaient en devoir de purifier les sanctuaires et de rétablir partout le culte chrétien. Des messes solennelles furent célébrées dans les églises réconciliées, tandis que larmée s'employait à réparer les murs et à relever les maisons détruites… Il fut décidé que tous ceux qui pouvaient prouver que telle ou telle maison leur avait appartenu se la verrait restituer; d'autre part ils y hébergeraient les chevaliers qui avaient combattu pendant tout le temps où ceux-ci demeureraient au service de la Terre sainte"(Régine Pernoud, Richard Cœur de Lion, Fayard, Mesnil-sur-l'Estrée 1988, p. 147-149).

"Faire le désert devant l'armée chrétienne est désormais la seule tactique de Saladin. Lorsqu'il regagne Jérusalem, à la fin de ce mois de septembre, il rase non seulement Ascalon, mais encore le château de Ramla et l'église de Lydda qui se trouvait sur la route...

"Les habitants [de Ascalon], aterrés par la nouvelle que leur ville allait être détruite et qu'ils devaient abandonner leurs demeures, poussaient de grands cris et vendaient à vil prix tout ce qu'ils ne pouvaient emporter… Une partie d'entre eux partit pour l'Égypte, une autre pour la Syrie. Ce fut une épreuve terrible pendant laquelle se passèrent des choses épouvantables" (Beha el-Din, chroniqueur arabe cité in Régine Pernoud, Richard Cœur de Lion, Fayard, Mesnil-sur-l'Estrée 1988, p. 171)

L'historien Joshua Prawer a bien mis l'accent sur l'importance de la prise d'Acre qui allait rester la capitale de ce qu'on a persisté à appeler le royaume de Jérusalem, pendant un siècle exactement: de 1191 à la chute définitive de 1291 (= châtiment de la trahison de Philippe Auguste ?)

31 juillet 1191 Philippe Auguste quitte la croisade, embarque pour Tyr, première étape sur le chemin du retour. L'expédition du roi de France vue de la Terre sainte était terminée.

"Quoi qu'il en soit, le départ de Philippe Auguste était un gage donné aux armées musulmanes et à Saladin… la défection du roi de France et d'une partie de ses troupes était un coup sensible porté à l'élan comme aux possibilités des armées chrétiennes. Cette défection pèsera lourd sur la mémoire de Philippe Auguste, et celle de Richard s'en trouvera, par contraste, rehaussée d'une gloire singulière (Régine Pernoud, Richard Cœur de Lion, Fayard, Mesnil-sur-l'Estrée 1988, p. 157).

20 août 1191 Massacre de 2700 prisonniers Sarrasins, décapités, sur ordre de Richard, suite à l'échec des négociations avec Saladin.

"On attendait la remise des prisonniers pour le 9 août suivant, selon les accords passés avec l'armée assiégée au moment de sa reddition... On attendait que soit rendue la Vraie Croix et effectuée l'échange des prisonniers. Mais ce jour-là, Saladin manda aux Chrétiens qu'ils lui donnassent un autre jour, car il n'avait pas encore préparé ce qu'il devait.

Nos gens qui avaient grand désir d'avoir la sainte Croix et de voir délivrer les prisonniers, le lui accordèrent.

Quand vint au jour qui fut désigné entre eux, les rois et la chevalerie et toutes les gens d'armes furent préparés.

Les prêtres et les clercs et les gens de religion furent revêtus et tous déchaux [pieds nus] sortirent de la cité en grande dévotoon et vinrent au lieu que Saladin avait désigné.

Quand ils furent là et crurent que Saladin allait leur rendre la sainte Croix, il revint sur la promesse qu'il leur avait faite.

Ceux qui virent cela se tinrent moult engignés [se considérèrent comme dupés]. Grande douleur il y eut entre les chrétiens et maintes larmes y furent ce jour répandues...

Une seconde date, le 20 août, avait été fixée pour l'échange des prisonniers et la reddition de la Vraie Croix.

Une rencontre avait été projetée entre Richard et le frère de Saladin. Or, le roi, ce jour-là, avec quelques compagnons, sortit sur les fossés, mais attendit inutilement le porte-parole annoncé.

La tension et limpatience de Richard avaient atteint leur limite; sans parler de la charge que représentaient la nourriture et la surveillance des prisonniers...

"il commanda qu'on lui amenât les Sarrasins qu'il avait pris en sa partie dit le Continuateur de Guilluame de Tyr… Comme on les lui amenait, il les fit mener entre les deux armées des chrétiens et des sarrasins. Et ils étaient si près que les sarrasins les pouvaient bien voir. Le roi commanda aussitôt qu'on leur dût couper les têtes hardiment. Ils y mirent mains et les occirent à la vue des sarrasins. Un affreux massacre. Benoît de Peterborough raconte que Saladin en avait fait autant aux esclaves chrétiens et il est certain, au témoignage des chroniqueurs arabes, qu'il avait assisté en personne au massacre des prisonniers chrétiens après Hâttin, notamment des templiers, tous décapités… On évalue à 2700 le nombre de prisonniers ainsi exécutés" (Régine Pernoud, Richard Cœur de Lion, Fayard, Mesnil-sur-l'Estrée 1988, p. 160-161).

7 septembre 1191 Richard défait Saladin dans la palmeraie d'Arsouf. Après la victoire d'Arsouf, Richard dirige son armée sur Jaffa. "La place et le port avaient été complètement démantelées sur l'ordre de Saladin, et il était évidemment utile de les relever et de les fortifier à nouveau. Jaffa devait être, par la suite, le port d'embarquement le plus utilisé par les Croisés, et l'on sait comment Tel-Aviv, qui fait suite immédiatement à la vieille ville, reste aujourd'hui, le point par lequel on aborde normalement en Israël, à proximité de Lod, où a été établie l'aéroport, qui se trouve donc proche de l'antique cité de Lydda: un point d'accès quis emble redevenu traditionnel aujourd'hui comme aux XIIe et XIIIe s. Les travaux de reconstruction allaient être lents et occuper l'armée plus de deux mois. Il est vrai que les ouvriers qui y travaillaient demeuraient sur le qui-vive, et que la surveillance devait être incessante… Vers la fin d'octobre 1191, Jaffa était à peu près reconstruite. Une partie de cette cité des croisés subsiste aujourd'hui encore. Il est vraiq u'elle allait être à nouveau fortifiée par Saint-Louis, un demi-siècle plus tard" (Régine Pernoud, Richard Cœur de Lion, Fayard, Mesnil-sur-l'Estrée 1988, p. 174-175).

1191 Le frère de Richard, Jean, conspire avec Philippe pour s’emparer du trône d’Angleterre, et Philippe annexe le Vexin normand. Ayant vent de la trahison, Richard revient en Angleterre mais est capturé par le duc d’Autriche qui le livre à l’empereur germanique Henri IV. Richard pardonnera à son frère à son retour en Angleterre (1194).

13 janvier 1192 Défection du duc de Bourgogne devant Jérusalem.

28 avril 1192 Assassinat de Conrad de Montferrat, roi consort de Jérusalem, par deux membres de la secte des Assassins.

5 mai 1192 Henri de Champagne épouse Isabelle, veuve de Conrad de Montferrat, et prend la couronne de Jérusalem.

Mai 1192 Guy de Lusignan rachète à Richard l'île de Chypre et s'y installe, désigné comme roi de l'île.

4 juillet 1192 Richard renonce à marcher sur Jérusalem.

6 juillet 1192 Saladin attaque Jaffa.

5 août 1192 Défaite de Saladin devant Jaffa. "Sachant que Richard n'avait guère avec lui que deux milles hommes, dont seulement une cinquantaine de chevaliers – sans chevaux, puisqu'en se portant sur Jaffa, on n'avait pas pris le temps de les faire embarquer – , il résolut de prendre sa revanche… Au petit matin, un Génois de la flotte de secours, s'étant un peu éloigné du campement, vit au loin, à la lueur indécise de l'aube, briller des armures; il donna l'alarme. Richard, réveillé en sursaut, disposa en hâte sa petite troupe, tout en jurant de décapiter de ses mains le premier qu'il verrait céder; il les fit placer en alternant piquiers et arbalétriers, chacun de ceux-ci aidé d'un sergent qui rechargeait une seconde arbalète tandis qu'on tirait la première. La charge des cavaliers ennemis se brisait sur les piques; tandis qu'ils se repliaient pour une seconde charge, la pluie de traits d'arbalètes s'abattait dru, tuant les chevaux et les hommes. "La bravoure des Francs était telle que nos troupes, découragées par leur résistance, se contentaient de les tenir cernés, mais distance". En vain Saladin lui-même tentait-il de les encourager. Richard lui-même se lança alors à l'attaque, frappant tant, et de tels coups, déclara Ambroise, que la peau des mains lui creva… Lorsqu'il en revint, "sa personne, son cheval et son caparaçon étaient si couverts de flèches qu'il ressemblait à un hérison"…Au soir de ce 5 août, Saladin et les restes de son armée se replièrent sur Yazour, puis sur Latroun, plus que jamais découragés; ils avaient été battus à plus de dix contre un" (Régine Pernoud, Richard Cœur de Lion, Fayard, Mesnil-sur-l'Estrée 1988, p. 191)

2 septembre 1192 "Paix de Jaffa" entre Saladin et Richard. C'est la signature d'une trêve de trois ans. La paix :

- accorde aux chrétiens la possession de la bande côtière, depuis le nord de Tyr jusqu'au sud de Jaffa; cette cité si vaillament défendue allait demeurer à travers le temps le lieu normal de débarquement des pèlerins: encore aux XIVe et XVe s., quand la Terre sainte aura été perdue, on y voyait arriver des pèlerinages dont les membres s'abritaient dans les grottes de la côte en attendant d'obtenir les sauf-conduits nécessaires pour pouvoir s'engager sur la route de Ramla, puis de Jérusalem…

- autorise dorénavant les Francs et tous les Chrétiens à rendre librement visite aux Lieux saints sans avoir à payer taxes ou droits de douanes quelconques. (Régine Pernoud, Richard Cœur de Lion, Fayard, Mesnil-sur-l'Estrée 1988, p. 192) Mais Jérusalem est laissée aux musulmans…

- "La capitale du 'royaume de Jérusalem' était désormais Acre, tandis qu'un autre royaume franc était établi à Chypre, conquise sur les Byzantins par Richard Cœur de Lion. Successivement, Henri de Champagne (1192-1197), Amaury de Lusigna (1197-1205), Jean de Brienne (1210-1225), portèrent le titre de 'rois de Jérusalem', que prit ensuite Frédéric II, roi de Sicile, lui-même débarqué à Acre en 1228, qui réussit par le traité de Jaffa de 1229, à se faire restituer les trois villes saintes de Jérusalem, Bethléem et Nazarteh, mais sa présence en Terre sainte avait aussi été un ferment de guerre civile qui éclata aussitôt après son départ: entre 1229 et 1243 l'histoire de la Syrie franque est celle des luttes entre 'Francs' et 'Impériaux'.

En 1244, Jérusalem était définitivement reprise par les Turcs… Le sultant Baïbars (1260-1277) devait enlever les principales places fortes: Césarée (1265), Jaffa (1268), Antioche (1268, puis le krak des chevaliers (1271). Après lui, le sultan Qalaoun, en 1289, s'emparait de Tripoli, et son fils et successeur, Al-Ashraf, par la prise d'Acre (28 mai 1291), mettait fin, définitivement, au royaume franc de Syrie" (Régine Pernoud, Les hommes de la Croisade, Taillandier, Mayenne 1977, p. 13-14).

- "Il semble certain que, n'eût été la défection du roi de France, la Ville sainte fût retombée entre les mains des chrétiens, et le sort du monde en eût été changé. On peut, au moins en partie, attribuer l'hésitation du roi d'Angleterre, au fait qu'il s'est senti seul. Pour agir, il lui fallait être sûr de la victoire. Pour agir, mais non pour combattre, puisque dans toutes les rencontres ses forces étaient inférieures à celles de Saladin – largement inférieures même, lors de la dernière bataille, celle qui sauva Jaffa, laquelle à peine reconquise, allait être perdue. En cette circonstance d'ailleurs, sa tactique avait tenu du génie, non seulement en raison du sang-froid dont elle témoigna, mais aussi parce qu'elle présentait une parade parfaite aux escadrons turcs dont il connaissait à fond les méthodes. Mais – et Richard en était conscient – la prise de Jérusalem représentait un exploit si exceptionnel qu'il fallait être sûr du succès, et d'un succès durable; ce qui impliquait des forces d'occupation nombreuses, dont il se trouva privé par suite de la défection des Français.

La reconquête d'Acre et de Jaffa était inestimable; si le royaume franc de Terre sainte a pu survivre à lui-même pendant un siècle exactement – de 1191 à 1291 – , c'est bien grâce aux exploits qui l'ont permise… On voit s'esquisser une Méditerranée chrétienne, permettant les voyages et les échnages, prolongeant les capacités de résistance des populations menacées par l'avance turque et retardant ainsi les grandes destructions"… Que l'on songe à la grande basilique Sainte-Sophie de Cosntantinople, "à ces tonnes de smaltes d'or et d'émaux, à ce morceaux de 'tesselles', martelés avec opiniâtreté pour être déversés Dieu sait où! Deux siècles et demi de survie pour une telle merveille, c'est déjà beaucoup dans l'histoire de l'humanité… La geste de Richard Cœur de Lion aura permis cette survie et beaucoup d'autres. En fait ni lui ni les croisés qui marchaient à sa suite ne sont les vrais responsables des troubles qui durant le XIIIe s., allaient affaiblir et parfois même ensanglanter le précaire royaume franc. Les fauteurs de désordres ont été les négociants dont les rivalités mercantiles ont allumé des discordes, voire des guerres, en cette même cité de Saint-Jean d'Acre si durement conquise et où les chevaliers de l'Hôpital élevèrent un splendide château qui n'aura été dégagé qu'en notre temps. "Guerre, commerce et piraterie / Font une trinité indivisible" disait Goethe. Et c'est néfaste trinité-là qui devait épuiser les restes du royaume, proie facile pour les Mamlouks à la fin du XIIIe s. L'action de Richard, reprise et consolidée par Saint-Louis aura valu ce répit aux arabes chrétiens, aux Libanais, aux Arméniens, aux Grecs eux-mêmes, en dépit de la prise de Constantinople par les latins en 1204." (Régine Pernoud, Richard Cœur de Lion, Fayard, Mesnil-sur-l'Estrée 1988, p. 193-195).

1192-1291 "On pourrait croire que l'existence de la Syruie franque, minuscule royaume enchâssé dans l'immense territoire musulman qui va de l'Iran au Maroc, des bords de la Caspienne à ceux de l'Atlantique, s'est déroulée dans des combats incessants; pourtant Jean Richard a fait remarquer qu'en près d'un siècle (1192-1291) le royaume de Syrie compta quatre-vingt ans de paix (Le royaume latin de Jérusalem, p. 161, cité in Régine Pernoud, Les hommes de la Croisade, Taillandier, Mayenne 1977, p. 246).

9 octobre 1192 Richard rembarque à Chypre.

28 février 1193 Mort de Saladin à Damas.

Quatrième croisade (1202-1204)

Geoffroi de Villehardouin, (v. 1150-v. 1213), chroniqueur français, fut l'historien et l'un des principaux chefs de la quatrième croisade. Cette croisade fut détournée de son but (la délivrance de Jérusalem), et aboutit en 1204 à la prise de Constantinople.

La Conquête de Constantinople, chronique en prose et en français (contre le latin) , sans doute rédigée vers 1207, analyse les responsabilités des protagonistes de la croisade.

L'œuvre apparaît comme la simple justification d'un des chefs de la croisade, qui étaient d'avoir failli à la mission et d'avoir ruiné l'empire chrétien ; les propos de Villehardouin seraient de la sorte empreints de partialité.

Si l'on peut y relever des omission, l'ouvrage, par sa clarté et sa précision, relate néanmoins des faits importants au regard de l'histoire.

En 1198, Innocent III lance un appel à la croisade pour la délivrance de Jérusalem. Il invite les princes d'Occident à s'unir.

Aucun grand souverain n'y répond mais cet appel rencontre un vif succès auprès des chevaliers et des gens du peuple.

Venise s'est engagé à fournir les navires nécessaires.

"Cette 4ème croisade engageait surtout les Latins dans une querelle dynastique byzantine..." (Jacques Heers, Les Croisades, les dossiers Historia, Saint-Amand 1999, p. 83).

En effet, Alexis Ange, fils d'Isaac II, l'empereur détrôné de Constantinople, pria les croisés d'intervenir afin des restaurer son père, moyennant la somme de 200 000 marcs d'argent et la promesse d'une armée de 10 000 hommes pour les aider à prendre Jérusalem...

Les croisés prennent Constantinople et fondent fondèrent l'Empire latin d'Orient qui exista jusqu'en 1261.

Le 17 juillet 1203, les Croisés prennent Constantinople une première fois : Isaac II est rétabli sur le trône par les Vénitiens et règne avec son fils Alexis IV (1203-1204+) mais celui-ci est assassiné par Alexis V (1204).

Isaac II rétabli sur le trône ne put tenir les engagements pris par son fils.

Les deux hommes furent renversés par Alexis Doukas Murzuphle (Alexis V) qui mit la cité en état de défense et évidemment refusa de verser aux croisés les sommes promises...

Une nouvelle fois les croisés vont prendre la cité :

Le 12 avril 1204, c'est la 'fameuse' prise et le saccage de Constantinople.

Cette fois les croisés pillent la cité et massacrent la population. Alexis V est exécuté pour régicide par les Latins.

"Ils ne tardèrent pas à se faire excommunier par le pape..." (Régine Pernoud, Les saints au Moyen Age, la sainteté d'hier est-elle pour aujourd'hui ?, Plon, Mesnil-sur-l'Estrée 1984, p. 242).

La prise de Constantinople par les croisés est en quelque sorte une revanche pour les Vénitiens.

En effet, en 1182, la population constantinopolitaine s'était soulevée et avait massacré tous les Latins... Un fait qu'on oublie de préciser aujourd'hui...

En 1204, l’Empire byzantin se transforme en "Empire latin de Constantinople".

De la 4e à la 5e croisade

Avril 1205 Mort d'Amaury II.

La couronne de Jérusalem revient à la fille qu'Isabelle avait eue de Conrad de Montferrat : Marie, âgée de 14 ans, la régence est confiée à son oncle Jean d'Ibelin, seigneur de Beyrouth.

Le 14 septembre 1210 Jean de Brienne épouse Marie de Montferrat; le 3 octobre, les époux sont sacrés roi et reine de Jérusalem dans la cathédrale de Tyr.

En 1212, c'est la Croisade des enfants.

Cinquième Croisade (1217-1221)

Conduite par Jean de Brienne, roi de Jérusalem.

1215 Innocnet III annonce la croisade durant le 4e concile de Latran.

Automne 1217 Arrivés à Saint-Jean d'Acre, les Croisés sont en désaccords avec le souverain du royaume de Jérusalem, Jean de Brienne. Celui-ci préconise la conquête de l'Égypte afin d'obtenir, par négociation, la restitution de Jérusalem et des territoires de l'ancien royaume. Les Croisés décident d'harceler les musulmans de Syrie-Palestine mais n'aboutissent à rien, ils se rallient à la stratégie du roi et se mettent sous son commandement.

Chronologie:

Décembre 1217 Les Francs abandonnent le siège de la forteresse du mont Thabor.

29 mai 1218 L'armée de jean de Brienne débarque à Damiette.

Mars 1219 Les musulmans démantèlent les fortifications de Jérusalem.

5 novembre 1219 Prise de Damiette par les Francs; fuite du sultan al-Kâmil.

30 août 1221 Défaite des chrétiens à Mansourah; évacuation de Damiette.

Sixième Croisade (1228-1229)

Chronologie:

Novembre 1225 Frédéric II II de Hohenstaufen (1212-1250 dit "l’Antéchrist" de son vivant, empereur et Roi de Sicile, épouse Isabelle de Jérusalem. Son beau-père, Jean de Brienne, doit lui céder la couronne.

28 septembre 1227 Grégoire IX excommunie Frédéric qui tarde à partir en croisade.

11 février 1229 Croisade de Frédéric : Récupération de Jérusalem par Frédéric, Nazareth et Bezthléem. [Mais en 1239 les Musulmans reprendront Jérusalem. Elle sera rétrocédée en 1241 à la Paix dite d'Ascalon. Mais en 1244, Jérusalem sera définitivement perdue, prise par les Kharezmiens].

Sous l'empereur latin Baudouin II (de Courtenay), de nombreuses reliques chrétiennes de Constantinople furent vendues au roi de France Louis IX. Parmi ces objets se trouvait la sainte Couronne d'épines (Chaque vendredi de carême la Sainte Couronne est exposée à Notre Dame de Paris).

En août 1238, le roi Saint Louis accueillit cette relique solennellement à Paris et en 1241 – le premier morceau de la Sainte Croix. Un an après furent apportées à Paris une pierre du Saint-Sépulcre, des morceaux de la sainte Lance et de la sainte Eponge. Afin de conserver ces objets sacrés, la Sainte-Chapelle fut construite au centre de Paris, dans l'île de Cité. Ce sanctuaire existe toujours. En 1804, après la fermeture de la Sainte-Chapelle, la sainte Couronne d'épines et les morceaux de la Sainte Croix furent transférés, à la demande instante de l'archevêque de Paris, à la cathédrale Notre-Dame où ils sont toujours conservées. Tous les vendredis du Carême, habituellement dans l'après-midi, la sainte Couronne d'épines est exposée à la vénération, et le Vendredi Saint, on expose aussi les morceaux de la Sainte Croix. Tous les autres jours, l'accès aux reliques est fermé.

Sources : [4]

[5]


De la sixième à la septième croisade

1238 Mort du sultan al-Kâmil.

Juillet 1239 Expiration de la trêve conclue entre Frédéric et al-Kâmil.

Novembre 1239 Défaite des croisés à Gaza; reconquête de Jérusalem par les Musulmans.

Octobre 1240 Arrivée à Acre de la croisade anglaise menée par Richard de Cornouailles.

23 avril 1241 Paix d'Ascalon : rétrocession aux Francs de la Galilée, Jérusalem et Bethléem.

23 août 1244 Prise de Jérusalem par les Kharezmiens.

17 octobre 1244 Désastre de La Forbie : les Kharezmiens anéantissent l'armée de campagne franque composée essentiellement de Templiers, Hospitaliers et Teutoniques.

Septième Croisade (1248-1254)

C'est la "croisade de Louis IX".

1244 Saint-Louis fait vœu de croisade.

1245 Concile de Lyon: proclamation de la croisade.

25 août 1248 Les Français s'embarquent à Aigues-Mortes; ils arrivent à Chypre le 17 septembre et y passent l'hiver.

5 juin 1249 Débarquement des Francs à Damiette : prise de la ville.

12 février 1250 Difficile victoire de Mansourah : l'avant-garde de l'armée dirigée par Robert d'Artois est anéantie, mais la victoire revient quand même aux Francs.

Récit de la bataille de Mansourah raconté par Régine Pernoud:

"Le téméraire Robert d'Artois (le frère du roi), à la recherche de l'exploit isolé, de l'action d'éclat et par goût du panache, incarne le mauvais génie de l'expédition. C'est lui d'abord qui décide le roi, contre le conseil des barons, à porter l'offensive sur Babylone (Le Caire), au lieu d'aller d'abord assiéger Alexandrie, où l'armée eût été plus facilement ravitaillée, grâce au port...

"Or, sitôt que le comte d'Artois eut passé le fleuve, lui et tous ses gens se lancèrent sur les Turcs qui s'enfuyaient devant teux. Les templiers lui mandèrent qu'il leur faisait grand affront, quand, devant aller après eux, il allait devant; et ils le prièrent de les laisser passer au premier rang comme il avait été réglé par le roi.

"Mais Robert d'Artois tenait à attirer sur sa personne les honneurs de la journée. Il poussa son cheval, et les templiers piqués au vif, s'élancèrent après lui, "piquant des éperons qui plus, plus, et qui mieux, mieux".

"Ainsi tout l'ordre de bataille se trouvait compromis, l'avant-garde lancée dans une mêlée follement imprudente dans la cité de Mansourah, tandis que le gros de la troupe était encore au-delà du fleuve. C'était vouer l'entreprise entière au pire désastre. Un instant l'attaque de Robert d'Artois sembla réussir.

"Dans le camp égyptien, où l'on ignorait tout de la maoeuvre de l'armée royale, ce fut la panique et l'émir Fakhr-al-Din, surpris dans son bain, n'eut que le temps de sauter à cheval et fut tué d'un coup de lance.

"Eût-il su s'arrêter en cet isntant, Robert d'Artois avait effectivement les honneurs de la bataille.

"À ce moment précis lui arrivèrent dix chevaliers envoyés par son frère pour lui donner ordre de s'arrêter.

"Sans vouloir rien entendre, refusant d'obéir, il reprit sa charge et s'élança follement dans les rues de Mansourah.

"Mais à la tête de la cavalerie mamelouke, arrivait le fameux Baïbars dont le nom n'allait pas tarder à devenir célèbre dans les annales aussi bien franques qu'orientales...

"La poignée de chevaliers français fut balayée aussi bien que els Templiers qui les suivaient, et chacune des ruelles étroites de la ville fut bientôt pour ces malheureux autant d'embuscades dans lesquelles ils furent massacrés comme des bêtes prises au piège. Bientôt les Mamelouks victorieux passaient eux-mêmes à l'attaque, et le gros de la troupe royale subissait leur assaut dans les conditions les plus défavorables, avant qu'aient pu se former les corps de bataille, et tandis que l'arrière-garde, confiée au duc de Bourgogne, était encore au-delà du fleuve.

"Ainsi un accès de démesure avait-il anéanti l'effet de cette traversée à laquelle l'armée égyptienne était loin de s'attendre et mis la croisade au bord de la défaite.

"On peut dire que nous étions tous perdus en cette journée, si le roi n'avait payé de sa personne", écrit Joinville.

"Seule, en effet, la valeur personnelle du roi devait sauver la situation.

"C'est en cet instant que le chroniqueur nous trace de lui l'inoubliable portrait:

"Et vint le roi avec tout son corps de bataille à grands cris et à grand bruit de trompettes et de timbales; et il s'arrêta sur unchemin en chaussée.

"Jamais je ne vis si beau chevaleir car il paraissait au-dessus de tous ses gens, les dépassant à partir des épaules, un heaume doré sur la tête, une épée d'Allemagne en main.

"Valeur de corps et bonté d'âme", l'idéal chevaleresque est parfaitement personifié ici en la personne du roi.

"C'est effectivement, en cette journée, son courage personnel autant que ses prouesses qui sauvent la situation.

"Tout est à retenir dans cette page si admirablement retracée par le chroniqueur: tout, et aussi la belle humeur dont lui et ses compagnons font preuve en des circosntances désespérées.

"Joinville nous raconte qu'à cet instant, critique entre tous, il s'avise qu'un ponceau (un petit pont), jeté sur un ruisseau, est resté sans défenseur; il propose au comte de Soissons de s'employer à le garder, car, "si nous le laissons, les Turcs s'avanceront sur le roi par-deça, et si nos gens sont assaillis par deux côtés, ils pourront bien succomber". Tous deux donc défendent le ponceau, tenant héroïquement, assaillis tantôt par des jets de feu grégeois, tantôt par les grêles de flèches sarrasines ("Je ne fus blessé de leurs traits qu'en cinq endroits", raconte calmement le sénéchal)…

"Pour en finir, la victoire reste à l'armée royale, victoire durement payée, mais qui leur permet de tenir dans Mansourah.

"Décimée par une dure victoire, l'armée allait être ensuite, sous le ciel implacable, en proie à l'épidémie.

"Saint-Louis lui-même fut atteint du typhus…

"Bloquée par une flotille qui interceptait tout convoi de ravitaillement entre Damiette et le camp chrétien, l'armée dut enfin capituler (Régine Pernoud, Les hommes de la Croisade, Taillandier, Mayenne 1977, p. 302-305).

Le 5 avril 1250, les croisés entament une retraite sur Damiette.

L'année 1250 marque aussi l'avènement des sultans mamelouks en Egypte.

Le 7 avril de la même année 1250, Louis IX est fait prisonnier par les Égyptiens.

"Les conseillers du sultan éprouvèrent le roi pour savoir si le roi leur voudrait promettre de livrer quelques-uns des châteaux du temple ou de l'Hôpital ou des châteaux des rois du pays...

"Et ils le menacèrent, lui disant que puisqu'il ne le voulait pas faire, ils le feraient mettre à la torture.

"A ces menaces le roi leur répondit qu'il était leur prisonnier, et qu'ils pouvaient faire de lui à leur volonté.

"Quand ils virent qu'ils ne pouvaient vaincre le bon roi par des menaces, ils revinrent à lui, et lui demandèrent combien il voudrait donner d'argent au sultan, et avec cela s'il leur rendrait Damiette.

"Le roi alors répondit que si le sultan voulait prendre de lui une somme raisonnable de deniers, il demanderait à la reine qu'elle les payât pour leur délivrance.

"Et ils dirent: "Pourquoi ne voulez-vous pas vous y engager ?"

"Le roi leur répondit qu'il ne savait si la reine (Marguerite de Provence) le voudrait faire, parce qu'elle était la maîtresse..." (Régine Pernoud, Les hommes de la Croisade, Taillandier, Mayenne 1977, p. 297).

Le 6 mai 1250, les Francs restitue Damiette aux musulmans; Saint-Louis est libéré moyennant une lourde rançon.

Perte définitive de Jérusalem par les latins.

De 1250-1254, Saint-Louis conclut une alliance avec les Mamelouks. Il renforce le dispositif défensif de Terre sainte. Il négocie des trêves avec les princes musulmans avant de repartir pour la France (1254).

Le 24 avril 1254, Saint-Louis rentre en France.

Il "porte au Puy la statue miraculeuse de Notre Dame que le Sultan lui a donnée et que la tradition dit avoir été sculptée par le prophète de l'Ancien Testament Jérémie, lorsque poursuivi par la haine des siens, il se serait retiré en Egypte annonçant la destruction des idoles par un Dieu qui naîtrait d'une Vierge... Le 3 mai, la statue est portée processionnellement pour remercier Marie du retour du Roi de la Terre Sainte (Marquis de la Franquerie, La Vierge Marie dans l'histoire de France, Éditions Résiac, Montsûrs 1994, p. 76).

"Notre-Dame du Puy était pour le peuple croyant au Moyen Age un peu ce qu'est pour celui d'aujourd'hui Notre-Dame de Lourdes. Les pèlerinages s'y succédaient, attirant au coeur de la France, dans ce cadre extraordinaire de roches volcaniques, des files interminables où se mêlaient les gens de tous états, serfs, moines, seigneurs ou prélats, pieds nus et cierges en main. C'est là, dans la ferveur de cette foule qu'accueillait une cathédrale alors neuve, prolongée par son grand porche, son cloître et ses annexes où les pèlerins trouvaient un abri, qu'avait pour la première fois résonné l'antienne du Salve Regina, longtemps appelée l'hymne du Puy" (Régine Pernoud, Les hommes de la Croisade, Taillandier, Mayenne 1977, p 29).

"... le problème constant des rois de jérusalem tenait à l'infériorité numérique de leur armée. Il n'est pas exagéré de dire que, face à la marée turque ou arabe, renouvelée sans cesse et quasi inépuisable, les Francs n'étaient qu'une poignée... Leur idéal, leur pugnacité, la qualité de leur armement, les avantages de leur tactique ne compensaient pas toujours les pertes sévères qu'il leur arrivait de subir... La population du royaume (y compris la principauté d'Antioche, les comtés d' Édesse et de tripoli) est généralement, et très approximativement, évaluée à un million d'âmes. Les Francs représentaient à peine cent mille personnes. Ces derniers étaient d'anciens croisés venus d'occident qui étaient restés en Terre sainte et s'y étaient mariés (parfois avec des musulmanes converties à la foi catholique)... (George Bordonove in Les Croisades, les dossiers Historia, Saint-Amand 1999, p. 130).

"On assista à plusieurs mariages mixtes. Des seigneurs francs s'allièrent à des princesses libanaises et le souvenir en demeure jusqu'à nos jours, dans les noms de certaines familles libanaises : les Frangié, dont le défunt président de la République Soleiman Frangié, tirent leur nom de l'arabe Franj (Francs), les Douaihy (de Douai, dont plusieurs chevaliers furent originaires), les Bardawil (de Baudouin). On cite même le cas d'une famille libanaise dont l'arbre généalogique remonte à Godefroy de Bouillon" (Malek Chebab in Les Croisades, La rencontre des chrétiens d'orient et des croisés, Les dossiers Historia, Saint-Amand 1999, p. 137).

"Une prospérité sans précédent :

"Nous avons été des Occidentaux, écrit Foucher de Chartres, nous sommes devenus des orientaux; celui qui était romain ou franc est devenu galiléen ou habitant de Palestine; celui qui habitait Reims ou Chartres se voit citoyen de Tyr ou d'Antioche. Nous avons déjà oublié les lieux de notre naissance; déjà ils sont inconnus à plusieurs de nous, ou du moins ils n'en entendent plus parler. Ceux qui étaient pauvres dans leur pays, ici Dieu les fait riches".

"Les récits des chroniqueurs musulmans (Usâma, Ibn-Jobaïr) confirment les assertions de Foucher de Chartres. Ces chroniqueurs ne peuvent s'empêcher de souligner les bienfaits de la cohabitation entre les musulmans et les chrétiens, l'esprit de justice des seigneurs francs et de leur roi, la prospérité du royaume de Jérusalem... tout montre qu'en dépit de l'état de guerre presque permanent, le royaume de Jérusalem connaissait une prospérité sans précédent. Elle était imputable au rétablissement des échanges commerciaux entre l'Orient et l'Occident" (George Bordonove in Les Croisades, les dossiers Historia, Saint-Amand 1999, p. 130-131).

"Comme l'écrit l'historien des croisades Jean Richard, "ce serait une erreur de considérer les indigènes comme une masse de tenanciers et d'artisans pressurés par la race franque dominante". Les Musulmans bénéficient comme les autres de ce trait propre à la mentalité du temps qui fait que chaque individu est jugé selon le droit particulier du groupe social auquel il appartient, ce qui ne favorise pas l'unification: ils gardent leurs coutumes et continuent à s'adminsitrer eux-mêmes.

"Le témoignage le plus frappant à ce sujet est celui souvent cité, du voyageur arabe Ibn Djobaïr, résolument hostile aux Francs et qui écrit néanmoins, à la date de 1184, racontant le voyage qu'il fit alors de Damas à Acre:

"Nous avons quitté Tibnin (Toron) par une route longée cosntamment de fermes habitées par des Musulmans qui vivent dans un grand bien-être sous les Francs – puisse Allah nous préserver de semblalbe tentation! Les conditions qui leur sont faites sont l'abandon de la moitié de la récolte au moment de la moisson et le paiement d'une capitation d'un dinar et sept qîrâts, plus un léger impôt sur les arbres fruitiers. Les Musulmans sont maîtres de leurs habitations et s'adminsitrent comme ils l'entendent. Telle est la constitution des fermes et bourgades qu'ils habitent en territoire franc. Les cœurs de nombreux Musulmans sont remplis de la tentation de s'isntaller ici, quand ils voient la condition de leurs frères dans les districts gouvernés par les Musulmans, ajoute-t-il, c'est que, dans les pays gouvernés par elurs coreligionnaires, ils ont toujours à se plaindre des injustices de leurs chefs, tandis qu'ils n'ont qu'à se louer de la conduite des Francs, en la justice de qui ils peuvent toujours se fier"… Cet hommage rendu par un Arabe à la justice des Francs, il est précieux à rappeler. Et le texte indique bien qu'il n'y a eu aucune spoliation de la population indigène au profit des vainqueurs. On peut comparer leur sort à celui de tous les métayers, et la taxe personnelle qu'ils versent à tous les seigneurs (1 dinar et 7 qîrâts, correspondant à un besant équivalent de 12 francs-or) est loin d'être excessive. Le même voyageur écrit plus loin: "Nous nous sommes arrêtés dans ujn bourg de la banlieue d'Acre. Le maire qui était chargé de la surveillance était musulman; il avait été nommé par les Francs et préposé à l'administration des cultivateurs habitant l'endroit". Ainsi on leur faisait confiance même pour l'administration. Et l'on a pu citer tel cadi arabe, un nommé Mansour Ibn Nabil, à qui le prince d'Antioche, Bernard III, avait confié l'administration de toutes les affaires musulmanes dans la région de Lattakieh. Enfin, ce n'est pas une mince surprise que de le dire, toujours dans la même raltion, émanant, nous l'avons dit, d'un écrivain particulioèrement hostile aux croisés, la mention de deux mosquées à Acre, converties en églises, mais où les Musulmans ont le droit de continuer à se réunir et d'y prier tournés vers La mecque selon leurs habitudes anciennes: exemples de cultes simultanés comme il s'en est trouvé quelques-uns, mais fort peu, dans les villages méridionaux de France où l'église a pu servir à la fois au pasteur et au curé pour rassembler leurs ouailles. Ce n'est pas une exception puisque le même fait est rapporté par un autre écrivain arabe, ousamah, qui atteste que, se trouvant à Jérusalem, il a pu faire ses prières dans une mosquée transformée en chapelle, mais où ses coreligionnaires avaient néanmoins l'autorisation de venir prier selon leur culte.

"Enfin, les exemples abondent, cités par les historiens occidentaux comme Foucher de Chartres et par des Musulmans comme Ibn-al-Qalanisi, de relations amicales qui sont établies un peu partout en Palestine entre les populations, notamment les populations rurales et les vainqueurs.

"La note juste, en ce domaine, semble avoir été fournie par l'historien Claude Cahen, lorsqu'il écrit: "L'établissement de la domination franque n'a pas dû se traduire dans les peuples indigènes par un grand bouleversement. Une classe supérieure nouvelle se substitue à l'ancienne, pour se superposer à la société rurale antérieure: ignorante des conditions du sol, elle s'en remet naturellement à cette société du soin d'en continuer l'exploitation au profit des nouveaux maîtres, mais selon leurs propres traditions.

"Chose curieuse, on a pu relever que, du point de vue fiscal, les Musulmans se trouvaient mieux traités que les populations chrétiennes, car celles-ci étaient assujeties au paiement de la dîme envers les églises, à laquelle les Musulmans n'étaient pas astreints...

"Les Arméniens disposés à venir s'installer à Jérusalem se seraient plaints de cette inégalité des conditions. Tout cela indique un régime beaucoup plus tolérant qu'on n'a coutume de l'imaginer...

"Il ne sera pas rare de voir des indigènes dans l'entourage immédiat des barons. Le roi baudouin ier eut ainsi pour chambrier un Sarrasin qui, nous raconte le chroniqueur, était son familier, et en qui le roi se fiait plus qu'à tous les autres. Il avait été sarrasin, mais il avait autrefois demandé le baptême, par grande volonté de bien faire, semble-t-il, si bien que le roi en eut pitié; il le fit baptiser, le tint sur les fonts et lui donna son nom; puis il le reçut en sa mesnie (maisonnée). Mal lui en prit d'ailleurs, car beaucoup plus tard, cet homme tenta de l'empoisonner. On voit même le chevalier Renaud de Sidon se faire accompagner d'un musulman – qui, lui, n'est pas baptisé – pour luis ervir d'"écrivain". D'ailleurs le personnage de l'interprète, du "drogman", était trop indispensable aux seigneurs francs dans l'administration de leur nouveau domaine pour qu'ils hésitent à en recruter; mais, dans bien des cas, on s'aperçoit qu'ils leur accordent volontiers leur confiance, et cela montrer qu'une familiarité inattendue a pu naître entre Francs et Sarrasins" (Régine Pernoud, Les hommes de la Croisade, Taillandier, Mayenne 1977, p. 167-170)

"Occidentaux, nous voilà transformés en habitants de l'Orient. L'Italien ou le Français d'heir est devenu, transplanté, un Galiléen ou un Palestinien. L'homme de Reims ou de Chartres s'est transformé en Syrien ou enc iutoyen d'Antioche. Déjà nous avons oublié notre lieu d'origine; ici l'un posède déjà maison et domesticité avec autant d'assurance que si c'était par droit d'héritage immémorial dans le pays. L'autre a déjà pris pour femme une Syrienne, une Arménienne, parfois même une Sarrasine baptisée. Tel habite avec toute une belle-famille indigène; nous nous servons tout à tour des diverses langues du pays". Ce texte de Foucher de Chartres a été écrit aux environs de 1120; Foucher avait fait la première crosiade en qualité de chapelain de baudouin ier et était resté en terre sainte, où, par conséquent, il avait pu, par expérience personnelle, voir ce qu'il en était de l'installation des Francs en Syrie. Tous les historiens des croisades l'ont plus ou moins cité; c'est à bon droit, car ce texte souligne l'un des faits les plus étonnants dans l'hsitoire des croisades: la rapide instlaation des Francs en un pays conquis dans des conditions surprenantes, où tout leur était étranger: le climat, la race, la langue et, plus que tout, la religion. Car, si la religion les oppose aux Sarrasins, la race, elle, n'est pas pour eux un obstacle. Dès qu'une sarrasine est baptisée, aucun chrétien ne refusera d'en faire sa femme. Le concept de race, grâce auquel les trafiquants d'esclaves au XVIe s. tenteront de légitimer leur commerce, n'existe pas pour l'homme du XIIe s. S'il combat le Muslman, du moins le considère-t-il comme son égal: comparée aux méthodes colonialistes du XVIIe s., voire à certains préjugés susbsistant au XXe s. et entraînant, par exemple, la ségrégation. Aucun croisé nhésitera à prendre femme dans la population indigène (Régine Pernoud, Les hommes de la Croisade, Taillandier, Mayenne 1977, p. 171).

De la septième à la huitième croisade

Février 1258 Les mongols descendants de Gengis Khan prennent et mettent à sac Bagdad : fin du khalifat abbasside.

Septembre 1260 Prise de pouvoir du sultan mamelouk Baîbars; Victoire des Mamelouks sur les Mongols à Aîn Jalûd; les Francs ont autorisé les musulmans à traverser leurs États pour se porter au-devant des envahisseurs tartares.

1260 Les Mongols rejetés de Syrie par les Mamelouks.

27 février 1265 Prise de Césarée par les Mamelouks.

1268 Les Francs perdent Jaffa, Beaufort, Antioche et Baghras.

1269 Croisade aragonaise menée par les bâtards du roi d'Aragon, Fernando Sanchez et Pedro Fernandez.

Huitième croisade (1270)

Mars 1270, Saint-Louis prend la croix.

Le 2 juillet 1270 Les troupes françaises quittent Aigues-Mortes.

Le 18 juillet 1270, Saint-Louis Débarque à Tunis; la peste frappe les Croisés.

Samedi 25 août 1270 Mort du roi à Tunis.

"Pour couronner les hommages rendus à la Mère de Dieu chaque samedi, il [Saint-Louis] avait désiré mourir ce jour-là, et cette grâce lui fut accordée par Marie qui, le samedi 25 août, le reçut et le couronna au paradis..." (Marquis de la Franquerie, La Vierge Marie dans l'histoire de France, Éditions Résiac, Montsûrs 1994, p. 78).

Novembre 1270 Alphonse de poitiers et les troupes françaises rembarquent avec l'intention de se diriger vers la Syrie.

15-16 novembre 1270 La flotte française est détruite par une tempête: l'expédition ne peut plus poursuivre sa route.

Saint Louis eut une fin de missel et de vitrail. Les nouvelles d’Orient étaient mauvaises, le royaume chrétien de Jérusalem s’en allait par morceaux : il voulut empêcher que l’œuvre de deux siècles fût anéantie.

Mais l’enthousiasme des croisades était tombé.

L’ardeur de la renaissance religieuse aussi.

Avec Saint Louis les croisades allaient finir : à peine arrivé à l’endroit où avait été Carthage, le saint roi comme l’appelait déjà la renommée, mourut de la peste en répétant le nom de Jérusalem, que personne n’entreprendrait plus de délivrer après lui.

"Songez à saint Louis, qui se faisait représenter sous une voûte bleue constellée d'étoiles (les fleurs de lys), symbole du ciel, et qui refusait les terres que lui donnait l'Empereur germanique pour le remercier de lui avoir été favorable dans un arbitrage, parce qu'il estimait que ce terres n'étaient pas "françaises" – théorisant même la "puissance bornée", c'est-à-dire les frontières...

"L'aspiration du Roi saint (comme d'ailleurs le Roi David, le modèle biblique du "bon roi") n'était pas la conquête, la dimension géographique, mais le respect des héritages, le perfectionnement intérieur, la fidélité à son modèle, à son Être, et non à son avoir" (Paul-Marie Coûteaux).

"L'idée que c'est une chance d'être français s'enracine entre le XIIe et le début du XIVe s. Elle est exprimée par l'image mythique de saint Louis sous son chêne qui fait régner la justice. " À qui se pourront désormais les pauvres gens clamer / Quand le bon roi est mort qui tant les sut aimer ?", tels sont les mots qui accompagnent l'annonce de sa mort à Tunis en 1270. Ils résument l'idée de paix et de justice que doivent incarner le roi de France et ses conseillers, quand ils sont fidèles..." (Pierre Chaunu, Éric Mension-Rigau, Baptême de Clovis, baptême de la France, De la religion d'État à la laïcité d'État, Éditions Balland, Paris 1996, p. 126)

En Europe, à la mort de saint Louis, l’Etat français dont les traits principaux sont fixés, a pris figure au dehors: il est sorti victorieux de sa lutte contre les Plantagenêts [par une sage politique de paix familiale qu'un peu peu plus tard, le brutal Philippe le Bel bouleversera, suscitant la "Guerre de Cent ans" (1328-1453)], la menace allemande a été conjurée et maintenant, l’Angleterre (provisions d’Oxford 1258, le roi doit partager le pouvoir avec un conseil de barons) et l’Allemagne sont en pleine révolution...

La fin des États latins d'Orient

Le 7 avril 1271, le mamelouk Baîbars s'empare du krak des Chevaliers.

Le sultan Baïbars avait fait ses premières armes contre Saint Louis à la bataille de Mansourah; personnalité violente que celle de ce Turc de Russie (il était originaire de Crimée) qui, comme René Grousset l'a fait remarquer, "avait dans ses veines un peu du sang qui donnera Ivan le Terrible et Pierre le Grand"...

"Une série d'assassinats l'avait amené à occuper le trône d'Égypte et désormais, sous l'assaut des Mamelouks menés par ce prodigieux soldat, les forteresses franques tombaient l'une après l'autre: Césarée, Arsouf, Saphed, Jaffa, Beaufort avaient été en trois ans (1265-1268) réduites par lui à capituler lorsqu'il entreprit ce siège d'Antioche qui allait faire tomber entre ses mains la plus belle palce forte de la Syrie du Nord, la ville imprenable qui avait coûté tant de sang et d'efforts aux premiers croisés.

"Un être pareil ne pouvait que concevoir de guerre que totale. Sa lettre au comte de Tripoli, Bohémond VI, rapportée par plusieurs chroniqueurs arabes, ne laisse aucun doute sur la manière dont il entendait les opérations: "Tu dois te souvenir de notre dernière expédition contre Tripoli…comment les églises ont été blayées de dessus la surface de la terre, comment la roue a tourné sur l'emplacement des maisons, comment se sont élevs sur le rivage de la mer des monceaux de cadavres qui ressemblaient à des péninsules, comment les hommes ont été tués, les enfants réduits en esclavage, comment les gens libres sont devenus esclaves, comment les arbres ont été coupés de manière qu'il n'en restât que la quantité nécessaire pour le bois de nos machines… comment ont été mis au pillages ces richesses et celles de tes sujets, y compris les femmes, les enfants, les bêtes de somme; comment ceux de nos soldats qui étaient sans famille se sont trouvés tout à coup avec femmes et enfants, comment le pauvre est devenu riche, le serviteur s'est fait servir et le piéton a trouvé sa monture"…

"Et d'énumérer les épisodes du récent siège d'Antioche: "Ah! Si tu avais vu tes chevaliers foulés aux pieds des chevaux, ta ville d'Antioche livrée à la violence du pillage et devenue la proie de chacun, tes trésors qu'on se distribuait par quintaux, les dames de la ville qu'on vendait une pièce d'or les qutre! Si tu avais vu les églises et les croix renversées, les feuilles des Evangiles sacrés dispersées, les sépulcres des patriarches foulés aux pieds! Si tu avais vu le Musulman ton ennemi marchant sur le tabernacle et l'autel, immolant le religieux, le diacre et le prêtre, le patriarche! Si tu avais vu tes palais livrés aux lammes, les morts dévorés par le feu de ce monde avant de l'être par celui de l'autre, tes châteaux et ses dépendances anéantis, l'église de Saint-Paul détruite de fond en comble!...

"Que face à pareil ennemi, les Francs de Syrie n'aient pas su faire taire leurs discordes et cesser leur fureur de tournois, on a quelque peine à le concevoir. Le grand maître du Temple, Guillaume de Beaujeu, multipliait les avertissements et s'entendait répondre par certains barons "qu'il cessât de leur faire un épouvantail avec ces bruits de guerre"; mais dans le même temps lui-même ne faisait rien pour mettre fin aux rivalités entre le Temple et l'Hôpital Saint-Jean.

Ce n'est qu'au tout dernier moment, face à la catastrophe, que toutes ces forces dispercées se réunissent enfin et contribuent pour la dernière fois à un exploit héroïque encore qu'inutile.

Le jeudi 5 avril 1291, le sultan Al-Ashraf, qui venait de monter ur le trôen d'Egypte, entreprenait le siège de Saint-Jean d'Acre (en représailles, à l'acte de sauvagerie commis par les croisés italiens fraîchement débarqués contre les malheureux marchands syriens qui fréquentaient le bazar de la ville).

Acre était la dernière place demeurée aux mains des Francs depuis la prise de tripoli par le sultan Qalaoun (26 avril 1289). L'armée du siège comportait 60000 cavaliers et 160000 fantassins à pied et seulement 800 chevaliers; en tout la place renfermait environ 35000 habitants. Les péripéties du siège nous ont été racontées par un témoin oculaire, que l'on appelle le templier de tyr, dont le récit a été repris vers 1325 par Gérard de montréal:

Le sultan fit former ses tentes et ses pavillons fort près l'un de l'aute; ils tenaient du Toron jusque vers la Samarie, que toute la plaine fut couverte de tentes et la tente du Sultan qui s'appelle dehliz était sur un toron (monticule) plus haut, là où il y avait une belle tour et jardins et vignes du Temple… Huit jours, il demeura devant Acre sans rien faire… et au terme de ces huit jours ils dressèrent et assirent au point leurs engins, que les pierres qu'ils jetaient pesaient un quintar (mesure italienne, environ 150 livres). Le sultan disposait d'une puissante artillerie: quatre grandes pierrières dressées chacune contre les principales tours de la ville; ils commencèrent par l'investissement de celle que l'on appelait Tour maudite…

C'est ensuite l'entrée des Sarrasins dans la ville: dames et bourgeoises, et religieuses et autres menues gens allaient fuyant par les rues, leurs enfants en leurs bras, et étaient pelureuses et éperdues, et fuyaient à la amrine pour se garantir de mort; et quand les Sarrasins les rencontraient, l'un prenait la mère et l'autre l'enfant, et les portaient de lieu en lieu, et les partaient l'un de l'autre… et quelques fois la femme était emmenée et l'enfant allaitant en était jeté par terre, que chevaux le foulaient et ainsi était mort; et de telles dames avaient qui étaient grosses et étaient si distraites (étouffées) en la presse qu'elles mouraient sur pied, et la créature qui était en son corps aussi… Aussi sachez que les Sarrasins mirent le feu aux engins et aux gardes, que toute la terre alluma le feu…

Au milieu de ces scènes de carnage, meurt celui qui incarnait la résistance de la cité, le grand maître du Temple, Guillaume de Beaujeu… Les chevaliers allaient tenir dix jours encore dans la tour d'Acre. Le Temple tint dix jours et le sultan fit parler à ceux s'ils se voulaient rendre… et lui mandèrent qu'ils se rendraient par ainsi qu'il les fit conduire par auveté là où ils voudraient aller. Et le sultan le leur octroya et envoya au Temple un amiral qui mena avec lui quatre mille hommes à cheval dedans le Temple. Ils virent tant de gens et de peuple, et voulurent prendre els femmes qui leur plaisaient et ahontir; les Chrétiens ne le purent souffrir, et mirent mains aux armes et coururent sus aux Sarrasins et tous les tuèrent et massacrèrent, que nul n'en échappa vif, et se mirent en volonté de défendre leurs corps jusqu'à la mort.

Ils ne pouvaient se méprendre en effet sur l'issue de la lutte déclenchée par un dernier geste de chevalerie, pour défendre les femmes tombées entre les mains des vainqueurs. Le combat reprit donc. Le sutan leur manda une seconde fois qu'il savait bien que par la folie de ses hommes furent-ils morts et par leur outrage et qu'il ne leur savait nul mal gré et qu'ils pouvaient sortir sûrement à fiance (en confiance). Le Maréchal du Temple, qui fut franc prud'homme…, eut foi au sultan et sortit vers lui; et demeurèrent dans la tour quelques frères qui étaient navrés. Aussitôt que le sultan tint le maréchal et les gens du Temple, il fit tailler la tête à tous les frères et à tous les hommes. Cet acte de barbarie, au mépris de la parole donnée, déclanche le troisème et dernier épisode de la lutte: … et les Sarrasins entrèrent à tant de gens dedans la tour que les étançons qui la soutenaient faillirent; et la pierre tomba et ceux des frères du Temple et les Sarrasins qui dedans étaient furent morts; et même dans sa chute la tour versa vers la rue et écrasa plus de deux mille Turcs à cheval. Et ainsi fut prise la cité d'Acre… (Régine Pernoud, Les hommes de la Croisade, Taillandier, Mayenne 1977, p. 313-318).

1277 Mort de Baîbars.

27 avril 1289 Prise et destruction de Tripoli: Les Mamelouks du sultan égyptien Qalaoun investissent la cité croisée Tripoli, "l'une des plus prospères des royaumes latins" : la ville est rasée.

"Une atroce tuerie s'en était suivie. Le chroniqueur Aboul Fida nous l'a rapportée en ces termes: "Les habitants s'enfuirent du côté du port mais bien peu purent s'embarquer; la plupart des hommes furent tués, les femmes et les enfants réduits en esclavage. Quand on eut fini de tuer, on rasa la ville jusqu'au sol; près de la vielle était un îlot où s'élevait une église de saint Thomas. Une foule énorme s'y était réfugiée. Les Musulmans se précipitèrent dans la mer à cheval ou atteignirent l'îlot à la nage. Tous les hommes qui s'y trouvaient furent égorgés. Je me rendis quelque temps après sur cet îlot et le trouvai rempli de cadavres en putréfaction; il était impossible d'y demeurer à cause de la puanteur" (Régine Pernoud, Les hommes de la Croisade, Taillandier, Mayenne 1977, p. 128).

1289 Le Krak des chevaliers est conquis par le sultan mamelouk Qalawûn.

18 mai 1291 Les Mamelouks pénètrent dans Saint-jean-d'Acre; le couvent des Templiers résiste jusqu'au 28.

1291 Chute d'Acre : disparition des Etats latins de Terre sainte.

Été 1291 Évacuation des autres places fortes de Palestine.

1299 Les Mongols entrent à Damas.

1303 Les templiers abandonnent l'îlot de Rouad.

1307 Philippe IV le Bel fait arrêter les Templiers de son royaume.

15 août 1310 Les Hospitaliers sont maîtres de Rhodes.

22 mars 1312 Le pape Clément V prononce la suppression du temple dans sa bulle vox in excelso.

2 mai 1312 La bulle Ad providam décrète la transmission de tous les biens du Temple à l'Hôpital de Saint-Jean.

18 mars 1314 Jacques de Molay, dernier grand maître de l'ordre du Temple, périt sur le bûcher dressé à Paris sur l'Île aux Juifs.